Les « barons de la forêt congolaise » :Une concession de plus de 275 000 ha dans la province de la Tshuapa appartenant au libanais Ahmed Tajeddine, ex patron de Congo Futur

La ministre de l’environnement Eve Bazaiba entend faire le ménage parmi les propriétaires des grandes exploitations forestières du pays. Une douzaine de sociétés – chinoises, congolaises et européennes – enfreignent la majorité des réglementations en vigueur. Kinshasa prend toutefois son temps avant de résilier les titres appartenant à des acteurs aux puissants relais politiques, quitte à froisser certains de ses partenaires internationaux.

L’audit de Eve Bazaiba met également en exergue les manquements d’Industrie forestière du Congo (IFCO), une société de plus de 800 salariés, qui n’est pas à jour de ses taxes de superficie sur une concession de plus de 275 000 ha dans la province de la Tshuapa. Anciennement dénommée Trans-M, puis Cotrefor, elle est, selon une source au sein de l’administration des forêts, toujours contrôlée par le Libanais Ahmed Tajeddine. Ce dernier est l’ancien patron du groupe Congo Futur, placé sous sanctions du Trésor américain en 2010 en raison de sa proximité présumée avec le Hezbollah. Son associé Rachid el-Chaer serait également au capital d’IFCO. Faisant désormais profil bas du fait des sanctions américaines, les deux hommes ont confié la gestion quotidienne de leur société au Congolais Mingas Nzinga.

De nouveaux géants forestiers en perpétuelle mutation

Autre acteur enfreignant les lois congolaises : Booming Green, une entreprise détenue par les Chinois Shua Wang et Tian Xia, et qui a récupéré la plupart des titres de la Société industrielle et forestière du Congo (Siforco, ancienne filiale du groupe germano-suisse Danzer). Ce nouveau mastodonte couvre désormais une superficie gigantesque de 1,2 million d’hectares dans trois provinces (Tshopo, Tshuapa et Mongala). Il est lui aussi évalué en dehors des clous par l’étude financée par l’UE, tant sur la légalité de ses titres, la conformité de son exploitation ou le paiement de ses taxes.

Au total, l’étude de Project Planning Management juge 54 titres non conformes aux lois et réglementations de la RDC, soit 24 de plus que la Commission interministérielle de revue des titres forestiers. Les autorités congolaises se montrent ainsi beaucoup plus clémentes que PPM à l’égard de certains « mauvais élèves », notamment les exportateurs de bois Congo Sunflower, Booming Green et IFCO, ainsi que Kongo Based Forest Solutions (KFBS). Cette dernière, à qui manque nombre de documents réglementaires, est une filiale du groupe Nordsudtimber, mené par les frères portugais Alberto Pedro Maia Trindade et José Albano Maia Trindade. Elle a hérité de 15 permis – couvrant près de 3 millions d’hectares – précédemment détenus par les sociétés exportatrices de bois du même conglomérat, après qu’ils ont été transformés hâtivement fin 2020 en titres de conservation.

Plus largement, la Commission a laissé grande ouverte la porte à la régularisation de leur situation, même à ceux dont elle suggérait la résiliation de leur concession, tel Cokibafode ou Groupe Service Sarl (GSS). Ce dernier appartient à la famille d’André Boluka, une figure de la province du Maï-Ndombe, qui compte parmi ses cadres Louison Ngwo Ekolonga, un ancien ministre provincial de l’environnement.

Extrait de l’article d’Africa Intelligence

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