RDC: La baisse des prix des denrées alimentaires, fiction ou réalité ? (Tribune)

NGANDU-MULOWAYI TSHINKELENDA

Quelle mesure prendre nouveau pour son exécution ?

Alors qu’elle émane d’une décision arrêtée pourtant en Conseil des Ministres, Organe par Excellence de prise de décision de l’Exécutif National, comment ne pas jeter un pavé dans la marre en posant simplement la question de savoir à quand l’application efficiente de la décision de baisse de prix des denrées alimentaires ? Alors que pour baliser la voie à ladite baisse, sont intervenues des mesures de réduction, si pas de suppression de certaines taxes jugées d’obstacles inopportunes, comment comprendre que les effets de la mesure gouvernementale se fassent encore attendre ?

Analyse faite de la question, je suis de ceux qui pensent que l’Etat congolais paie actuellement le prix d’un laxisme léthargique dont il a souvent fait preuve à l’endroit des opérateurs économiques. Ceux-ci lui font ainsi subir les conséquences désastreuses de cette politique qui apparaît comme étant la transformation des faits délictueux non sanctionnés en faits légaux, dont ils sont seuls à détenir le secret, lesdits faits se traduisant quotidiennement par des actes de concurrence déloyale, par la détention irrégulière des stocks, par le monopole de fait, telle énumération étant énonciative et non exhaustive. Au légendaire dicton « que force reste à la loi », il sied d’opposer un autre non moins légendaire, « que force reste à la loi du marché » ! Se trouve en toute évidence ici économiquement visée, « la loi de l’offre et de la demande ». Réflexion prise de notre profonde intime conviction, nous sommes sérieusement d’avis que, pour mieux privilégier un besoin d’intérêt général au regard de la situation dans laquelle nous nous trouvons, le Pouvoir Public devrait absolument réguler le marché par la création d’une entreprise commerciale dans le secteur marchand avec pour objectif principal d’importer, au même titre que les entreprises commerciales, les denrées alimentaires en vue de l’atteinte d’un double objectif, maîtriser les réalités du secteur et pratiquer la vérité des prix, après intégration de la marge bénéficiaire dans la structure des prix et ce, pour l’intérêt général.

Ambitionnant tels objectifs, l’Exécutif National, en sa qualité d’autorité de régulation, devrait veiller à se rassurer de manière permanente que les normes édictées en matière de fixation et liberté des prix et de la concurrence sont scrupuleusement respectées par les opérateurs économiques. Il revient dans tous les cas à l’Etat, pris comme Léviathan à qui personne n’opposerait résistance, ne pouvant reculer devant un quelconque réfracteur, d’imposer sa force à toute personne (physique ou morale) qui contreviendrait aux règles édictées en vue de la paix sociale et du bénéfice du plus grand nombre. De la liberté des prix, qu’elle est mon opinion ?

De la liberté des prix, quelle est mon opinion ?

Spontanément, que c’est le droit revenant à toute personne exerçant une activité économique, de l’exercer en conformité avec les règles fixées par la loi ! Comment dans tel esprit, expliquer le dérapage et glissement constaté ? Il ne pourrait y avoir de meilleure réponse que le constat dressé, selon lequel le Gouvernement donne l’impression d’avoir démissionné de ses responsabilités de gouvernant pour accepter de devenir un « gouverné » de l’opérateur économique qui impose ses règles du jeu. Telle situation ne serait pas étrangère aux billets de banques qui a transformé pendant plusieurs décennies, les décideurs non seulement en sourds muets, mais également en aveugles. Car, comme disent biens les dictons, il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre ; et, il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ! L’avènement du peuple d’abord devrait faire en sorte, que les billets des banques ne fassent taire ceux qui décident aujourd’hui. En effet, sous peu, la monnaie fiduciaire, celle sonnante et trébuchante ont depuis belle lurette fait perdre, à plus d’un dirigeant, non seulement l’usage de leur bouche mais également celui de leur vue. Ils ne voient plus, ils n’entendent plus.

La véritable indépendance se mesure à partir de sa propre assiette

Si la liberté de prix est assujettie à la loi, que dire alors de la liberté de concurrence qui est considérée, aux termes de la loi, comme celle qui implique le droit pour toute personne d’exercer une activité économique ou commerciale de son choix aux conditions qu’elle juge compétitives, qu’elle fixe librement sous réserve des restrictions légales ? Si la notion de liberté des prix et de la liberté de concurrence ne peut aller au-delà des règles édictées par la loi, comment peut-on accepter qu’au nom des mêmes libertés soumises à certaines restrictions, les opérateurs économiques engagent le bras de fer avec le Gouvernement de mon pays ? Il est temps que, soutenues par le peuple, les autorités fassent bloc pour arrêter, par tous les moyens de droit et légaux, l’arrogance de ceux qui ont pris le pays en otage depuis plusieurs décennies. Au-delà d’un rôle de régulation, l’Etat doit être à la base des politiques économiques et financières dans l’objectif d’emmener le bien-être collectif.

Ainsi, si les tenants de l’Etat interventionniste suggèrent la création d’une entreprise commerciale afin de concurrencer les privées, nous, nous sommes également d’avis que l’Etat doit être inventif dans la mise sur des pieds de certaines politiques telles que :

(1) Les facilités d’accès et d’octroi des crédits aux nationaux afin qu’il puisse y avoir un grand nombre d’opérateurs économiques locaux pouvant concurrencer le groupe très restreint actuel des étrangers importateurs de vivres frais, avec l’idée stratégique que l’augmentation de l’offre fera diminuer les prix à terme.

(2) La mise sur pied de la filière agro-industrielle locale afin de ne pas être dépendant des importations. Nous avons de grandes potentialités dans l’élevage, la pêche et l’agriculture qui restent inexploitées faute de volonté politique.

(3) Les réhabilitions ainsi que la construction de nouvelles routes agricoles, celles-ci prenant en compte les lieux de production ainsi que les différents marchés dans lesquels les produits seront écoulés.

(4) Malgré toutes les leçons de libéralisme que nous recevons de l’Europe, les agriculteurs européens sont néanmoins ceux qui reçoivent le plus de subsides de la commission européenne. Le gouvernement doit donc aussi entretenir ses agriculteurs. Comme disait un grand panafricaniste, la véritable indépendance se mesure à partir de sa propre assiette. Nous ne pourrons pas être indépendants lorsque notre nourriture est dépendante de l’étranger.

Conclusion

Le gouvernement ne doit pas se satisfaire des mesures qui seront appliquées partiellement ou juste pour une courte durée. Les cantines populaires n’ont duré que l’espace d’un matin. Le programme agro-industriel de Bukanga Lonzo a été un gouffre financier. La quasi-totalité des entreprises du portefeuille de l’Etat est constituée de canards boiteux. Le gouvernement doit innover et encourager les nationaux à prendre l’initiative tant dans l’importation des vivres frais que dans la production locale, la distribution et la commercialisation desdits vivres frais. Le marché Congolais est l’un des plus importants du continent africain avec plus de 90 millions d’âmes.

Tribune n°1 de Sonny-Matthieu NGANDU-MULOWAYI TSHINKELENDA TSHIKENA KUELA PANSHI

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