RDC : »Racisme », « violence » et traitements inhumains des travailleurs congolais  dans cinq mines de cobalt exploitées par les Chinois (Enquête RAID et CAJJ)

Deux organisations (RAID et CAJJ) ont mené des enquêtes dans les  mines  et leurs sociétés mères   suivantes :  Kamoto Copper Company (KCC) de Glencore, Metalkol RTR de Eurasian Resources Group,  Tenke Fungurume Mining (TFM) de China Molybdenum,  Société minière de Deziwa (Somidez) de China Nonferrous Metal Mining Company (CNMC), dont la compagnie minière publique congolaise Gécamines détient 49 % des parts, et la Sino-congolaise des mines (Sicomines), une co-entreprise entre Gécamines et un consortium de sociétés et d’investisseurs chinois.

 Les conclusions de l’enquête révèlent des conditions désastreuses, de la discrimination et des salaires extrêmement bas dans les mines industrielles de cobalt.

« Les affirmations de l’industrie minière selon lesquelles l’extraction à grande échelle de cobalt au Congo est « propre », « durable » et « exempte de violations des droits humains » ne sont tout simplement pas à la hauteur de la réalité.

L’exploitation de milliers de travailleurs congolais

Les recherches de RAID et de CAJJ révèlent que le cobalt destiné aux batteries des véhicules électriques repose en grande partie sur un système de main-d’œuvre bon marché et l’exploitation de milliers de travailleurs congolais. »

 « L’explosion des ventes de véhicules électriques devrait être l’occasion de sortir la population congolaise de la pauvreté, mais les récits désespérés des travailleurs des mines de cobalt du Congo racontent une autre histoire. Le passage à l’énergie propre doit être une transition juste, pas une construite sur le dos des travailleurs congolais exploités» a déclaré Josué Kashal, Responsable du suivi et de l’évaluation à CAJJ.

 Le cobalt est considéré comme un minéral essentiel dans les batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques (VE). Plus de 70% du cobalt mondial est extrait au Congo.

La demande de cobalt devrait exploser dans les 30 prochaines années, alors que des engagements en faveur des zéro émissions nette d’ici 2050 devraient être pris lors de la COP26 à Glasgow.

L’accélération de la production de VE est cruciale pour la transition vers une économie à faible émission de carbone.

Toutefois, elle semble liée à de graves violations du droit du travail, comme le révèle la nouvelle étude menée dans cinq mines industrielles qui extraient du cobalt au Congo : Kamoto Copper Company (KCC), Metalkol RTR, Tenke Fungurume Mining (TFM), Sino-congolaise des mines (Sicomines) et Société minière de Deziwa (Somidez).

Ce rapport de 87 pages « La route de la ruine ? Les véhicules électriques et les violations des droits des travailleurs dans les mines industrielles de cobalt au Congo » met en lumière un système d’exploitation généralisée. Les travailleurs congolais interrogés dans le cadre de l’étude on dit recevoir des salaires très bas et être soumis à des heures de travail excessives, à des traitements dégradants, à de la violence, à de la discrimination, à du racisme, à des conditions de travail dangereuses et à un mépris flagrant des normes de santé de base.

Certains travailleurs ont raconté avoir reçu des coups de pied, des gifles, des coups de bâton, des insultes, avoir été injuriés et tirés par les oreilles. Certains travailleurs ont fait état de graves discriminations et d’abus dans les mines exploitées par des compagnies chinoises.

 Un travailleur a déclaré « Notre situation est pire qu’auparavant. Les Chinois viennent imposer leurs normes et leur culture. Ils ne traitent pas bien les Congolais. C’est une nouvelle colonisation. »

Les violations du droit du travail congolais

Les violations du droit du travail sont directement liées à un modèle de sous-traitance selon lequel les travailleurs ne sont pas embauchés directement par les sociétés minières, mais indirectement via des entreprises sous-traitantes. Les chiffres officiels montrent qu’au moins 57% de la main-d’œuvre dans les cinq mines concernées par les recherches est fournie par des sous-traitants. Dans certaines mines, ce pourcentage était nettement plus élevé. Les employés et les responsables des entreprises de sous-traitance interrogés ont expliqué que, selon eux, les sociétés utilisent ce modèle comme une stratégie délibérée pour réduire leurs coûts, limiter leur responsabilité en matière de sécurité des travailleurs et éviter que les travailleurs n’adhèrent à des syndicats.

Les travailleurs embauchés par des sous-traitants gagnent des salaires extrêmement bas, souvent bien inférieurs au salaire de subsistance de 402 USD par mois, c’est-à-dire la rémunération minimale pour garantir un niveau de vie décent. Ils ne reçoivent pas de prestations des soins de santé, ou des prestations partielles, parfois à hauteur de 10 USD seulement par travailleur et par mois. Ceci est contraire au droit congolais qui oblige les employeurs à fournir des soins de santé gratuits aux travailleurs et à leur famille à charge.

Les conclusions présentées dans ce rapport d’étude s’appuient sur 130 entretiens et des recherches détaillées menées pendant 28 mois par l’organisme de surveillance des activités des sociétés basé au Royaume-Uni, Rights and Accountability in Development (RAID), et par le Centre d’Aide Juridico-Judiciaire (CAJJ), un centre d’aide juridique congolais spécialisé dans le droit du travail.

Dans leur rapport, RAID et CAJJ tracent le cobalt sur toute la chaîne d’approvisionnement, des cinq mines de cobalt industrielles jusqu’aux fabricants de véhicules électriques, comme General Motors, Renault Group, Tesla, Toyota, Volkswagen et Volvo, entre autres. Ces sociétés en contact avec les consommateurs cherchent souvent à démontrer qu’elles s’approvisionnent en minéraux de manière responsable.

 RAID et CAJJ ont appelé toutes les sociétés minières de cobalt et de cuivre opérant au Congo à mettre fin au recours intensif aux entreprises de sous-traitance pour leurs besoins en main-d’œuvre, à payer à tous les travailleurs congolais (embauches directes et indirectes) le salaire de subsistance, et à prendre des mesures immédiates pour répondre aux allégations de violence physique, de racisme et de discrimination à l’encontre des travailleurs congolais. Les organisations ont incité les constructeurs automobiles à mettre fin aux contrats avec leurs fournisseurs de cobalt qui ne prennent pas les mesures adéquates pour remédier à l’exploitation des travailleurs.

Par  Anneke Van Woudenberg pour  RAID et Josué Kashal  pour  CAJJ (Kolwezi)

Lire le rapport en anglais

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