Mercredi 4 janvier 2023, on apprenait que les miliciens – les terroristes ? – rwandais du M23 se sont emparé des localités de Nyamilima et Buramba dans la province du Nord Kivu. D’après des sources, le poste frontalier d’Ishasha serait désormais dans le viseur de ces supplétifs de l’armée de Paul Kagame, la RDF. Il faut être naïf pour ne pas constater que le potentat de Kigali est à la manette. Et ce depuis 1996 à ce jour. AFDL (Banya Mulenge), c’est lui! CNDP, RCD-G, M23, c’est encore lui !
Depuis le déclenchement, mi-juin dernier, des hostilités actuelles, le soutien de la RDF aux miliciens du M23 n’est plus à démontrer. Des experts onusiens viennent de le confirmer. Etrangement, les officiels rwandais adoptent à arborer la posture du « bouc émissaire ». Ils se disent indignés de voir les dirigeants congolais leur imputer « tout ce qui ne va pas » dans leur pays. Un comble!
Porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, Alain Mukuralinda avait claironné cette fausse indignation. Dans son message de vœux, prononcé le 31 décembre 2022, le président Paul Kagamé n’a pas dit autre chose. Pour lui, les Congolais seraient tels de petits-enfants qui passent leur temps à accuser leurs « parents« .
Bunagana, Kiwandja, Nyamilima, Buramba, Rumangabo, Kishishe. Demain, Kitagoma et Munyanga ? La situation décrite ici se passe non seulement à quelques encablures de la frontière ougandaise mais surtout sous le nez et la barbe des éléments de la fameuse « force régionale » de l’East African Community. A quoi sert cette « Force« ? L’Ouganda serait-il complice dans une « alliance des nilotiques« ?
Question: le Rwanda serait-il le « bouc émissaire » de maux dont souffre le Congo-Zaïre ? Allons donc !
Au commencement était les « Banya Mulenge ». En octobre 1996, les communiqués des Banyarwanda dits « Banyamulenge » étaient diffusés via le bureau de l’Agence France Presse à Kigali. Un hasard? Assurément pas! Un certain Muller Ruhimbika signait lesdits communiqués pour le compte du « parti » « Alliance démocratique des peuples » (ADP). Une « formation politique momentanée » fondée jadis par un certain Déogratia Bugera, alias « Douglas ».
Dans sa dépêche datée du 21 octobre 1996, l’AFP rapporte que les « Banya Mulenge revendiquent la nationalité zaïroise que leur contestent les autorités de Kinshasa ». A-t-on déjà une communauté humaine arracher la citoyenneté les armes à la main?
Grâce à la notoriété acquise, sieur Ruhimbika ne tarda pas à sortir l’artillerie lourde en déclarant à l’AFP-Kigali que « les Banya Mulenge réclament la démission du président Mobutu ». Le décor est planté !
Après la prise de pouvoir par l’AFDL à Kinshasa, Paul Kagame a déclaré que son objectif – et sans doute celui de l’Ougandais Yoweri K. Museveni – était d’installer un « régime ami » au Congo-Kinshasa. En clair, transformer l’ex-Zaïre en une « sous-colonie » où régnerait un pouvoir fantoche. Un pouvoir qui ne menace pas la sécurité du Rwanda et de l’Ouganda. Un régime inféodé à Kagame et Museveni. Un pouvoir enfin qui ferme les yeux face aux pillages des ressources du pays.
L’expérience AFDL s’est terminée par un cuisant échec avec la rupture décidée par Laurent-Désiré Kabila. Les troupes rwandaises et ougandaises sont sommées de rentrer chez elles. Le 16 janvier 2001, LD Kabila décède. Il est remplacé par un « OVNI » politique nommé « Joseph Kabila ». L’homme-lige qui fallait.
En fait, Paul Kagame avait sous-estimé les Congolais. Il avait cru, à tort, que son pays allait asservir ce peuple congolais qui a goûté aux délices des libertés politiques et individuelles. Le dictateur rwandais rêvait d’installer Bizima Karaha ou Azarias Ruberwa. Echec!
En juin 2003, le gouvernement de transition est installé à Kinshasa. Déçu du fait que le dialogue intercongolais ne lui a pas permis d’exercer une sorte de tutelle sur les deux Kivu, le Maniema et l’Ituri, Kagame sortit de son chapeau, dès 2005, une « nouvelle rébellion congolaise». Solution : mixage et brassage.
L’armée congolaise – déjà amputée de 42 à 45.000 FAZ envoyés au camp de la mort à Kitona sur ordre de James Kabarebe et de son bras droit «Joseph Kabila » – est infiltrée par des éléments étrangers réfractaires à tout transfert en dehors des régions précitées. Adieu une armée dissuasive !
Sur son compte Twitter @juvenalmunubo, mercredi janvier 2023, le député national Juvénal Munubo sonne l’alerte. Il implore littéralement le gouvernement central d’empêcher la prise d’Ishasha par les miliciens rwandais du M23. L’élu du Nord Kivu a-t-il pris conscience que sa patrie ne dispose pas encore d’une armée dissuasive?
Depuis le 13 juin 2022, Bunagana est sous occupation de la coalition RDF/M23. Si Ishasha tombait à son tour, toutes frontières avec l’Ouganda échapperaient au contrôle. Et ce au grand discrédit du président Félix Tshisekedi Tshilombo qui est candidat à sa propre succession. Gare à « l’humeur du moment » au sein de la population. La reconquête des territoires occupés font partie des attentes des citoyens aux quatre coins du Congo.
On le voit, le Rwanda est loin d’être un « bouc émissaire » dans la déstabilisation de la partie orientale du Congo-Kinshasa. Il a une grosse part de responsabilité au même titre que certains professionnels congolais de la politique. Et ce pour avoir fait entrer le « loup rwandais » dans la bergerie congolaise. Le Rwanda est debout parce que la RDC est à genoux.
Toute politique étant jugée par les résultats, d’aucuns ergoteront, à raison d’ailleurs, sur le bien-fondé de l’adhésion, quelque peu précipitée, du Congo-Kinshasa dans la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC). Quid de l’efficacité des très bruyants avions de chasse Sukhoi?
L’année 2023 doit être, pour les fils et filles du « Grand Congo », l’année de la reconquête. La reconquête de la respectabilité et de l’intégrité du territoire national perdues. Quoi qu’il en coûte !
Tribune Baudouin Amba Wetshi