La culture en tant qu’ensemble de valeurs, de modes de vie, et d’être, d’un peuple, constitue un facteur caractéristique de la population. Ces valeurs, us et coutumes intègrent aussi les habitudes de communication d’un peuple, les canaux de diffusion utilisés pour échanger des informations entre émetteurs et récepteurs. Ces valeurs culturelles ne restent pas les mêmes dans le temps. Elles évoluent de génération à génération et selon que l’on vit en milieu urbain ou rural.
Notre travail porte sur l’évolution dans le temps et dans l’espace de certaines pratiques, avec comme champ d’observation, la cérémonie de la dot chez le peuple Zimba de la province du Maniema en République Démocratique du Congo.
Notre problème général de recherche réside dans le fait que nous estimons intéressant d’étudier la manière dont ont évolué les pratiques communicationnelles dans l’approche culturelle moderne par rapport aux pratiques traditionnelles chez les Zimba du Maniema. Plusieurs faits et réalités justifient notre préoccupation
Le peuple ZIMBA a, comme tout peuple, sa culture propre, son mode de vivre, de parler et de communiquer. En principe un mode de vie est hérité des pratiques ancestrales. Dans la société Zimba traditionnelle, la cérémonie de la remise de la dot répond aux exigences culturelles qui sont réglementées par les aïeux.
Ainsi, chez les Zimba le processus de communication selon les pratiques traditionnelles pendant la cérémonie de la dot se réalise suivant l’ordre ci-après : le futur mari manifeste l’intention d’épouser une fille selon les exigences coutumières. Il ne prévient pas la future épouse en vue de pouvoir enquêter sur sa conduite.
Les personnes qui reçoivent cette manifestation d’intention sont les membres de la future belle famille du mari. Il leur expose le message qui porte sur l’expression du besoin de marier la fille et se rassurer sur sa conduite.
Le message est véhiculé à travers un échange de paroles, des gestes, de mimiques, etc. La dot est généralement représentée par la remise de biens symboliques, composés entre autres de chèvres et de pagne.
Aujourd’hui avec les mutations culturelles, notamment dues au contact avec d’autres cultures, le peuple ZIMBA ne garde plus les mêmes pratiques pendant la cérémonie de la dot. Et le processus de communication lié à cette cérémonie a lui aussi subi des changements.
En principe, la dot chez les ZIMBA constitue une cérémonie à plusieurs étapes où l’acceptation du mariage nécessite tout un processus communicationnel approprié : les interactions entre acteurs communicatifs depuis les fiançailles jusqu’au mariage religieux en passant par le mariage civil, l’interaction qui passe par des danses, des cris, des gestes, des dons d’argent et de biens matériels qui sont considérés comme des signes de communication. En considérant tous ces faits, nous formulons notre question générale de recherche comme suit : en quoi les pratiques communicationnelles autour de la cérémonie de remise de la dot ont-elles évolué avec le temps dans la société ZIMBA ? De cette question générale, nous pouvons tirer les questions spécifiques suivantes : - La communication lors de la remise de la dot dans la société moderne ZIMBA revêt-elle les mêmes formes que celles qui étaient observées dans la société traditionnelle ? - Les canaux de communication utilisés lors de la dot sont-ils les mêmes aujourd’hui que ceux qui servaient à l’époque des aïeux ?
De l’inventaire des travaux antérieurs menés sur la dot, nous répertorions ceux de SHOSHO MUHEHA Aimée sur « la dot comme symbole de socialisation et de communication chez BASHI. Dans ce travail, l’auteur à posé la question suivante : « comment faut il pensé la valeur symbolique et le véritable rôle de la dot des Bashi en pleine 21ème siècle inauguré par la technologie de pointe et de science de la communication sociale dans le grand village planétaire d’aujourd’hui ? »
L’auteur a formulé hypothèse en disant que la dot, loin d’être un achat que l’époux fait auprès de la famille de son épouse, symbolise le premier élément qui détermine le contrat social et culturel entre le deux familles concernées. Pour bien mener sa recherches il a utilisé les méthodes descriptive, et analytique aussi que les technique d’analyse documentaire, d’entretien et de l’observation il a conclu son travail en disant que la dot charrie beaucoup d’informations significatives à travers des symboles divers dont seule la culture détient la clé d’interprétation.
Le deuxième travail est celui d’AMSINI ZWEMA sur « la dot chez le peuple ZIMBA du Maniema, approche communicationnelle ». Dans ce travail, l’auteur a posé la question suivante : quelles sont les modalités de communication lors de la dot chez le ZIMBA du Maniema ? L’auteur a formulé l’hypothèse que les modalités de communication utilisées sont verbales et non verbales et que les messages véhiculés sont ceux d’amour, de paix et de transparence.
En recourant aux méthodes descriptive et analytique appuyées par les techniques documentaires, l’auteur a validé son hypothèse. Il est arrivé à la conclusion que les canaux verbaux et non verbaux utilisés contribuent à renforcer et consolider des liens entre les deux familles.
L’originalité de notre étude par rapport à celui d’AMSINI ZWENA réside dans le fait que nous cherchons à mener une étude évolutive entre le déroulement de la cérémonie de remise de la dot dans les sociétés traditionnelle et moderne ZIMBA.
L’urbanisation galopante de la société congolaise, les guerres interminables, les études, les pratiques religieuses et les besoins d’un peuple à quitter son milieu de vie traditionnelle pour un autre milieu ont fini par produire des changements dans les comportements des populations. Dans cet espace mondialisé, les pratiques communicationnelles autour de certains événements ne sont plus les mêmes que celles qui prévalaient dans la société traditionnelle.
CHAPITRE II : PRESENTATION DU PEUPLE ZIMBA
La région occupée par les ZIMBA actuellement est située dans l’hémisphère sud entre 25’ et 27’ de longitude Est, et entre le 3ème degré et le 5ème degré de latitude sud . Cette région fait partie intégrante de ce que Hargot décrit comme « un passage plus ou moins tourmenté formé soit par des plateaux aux vallées évasées, soit par des successions de collines d’où émergent, en de nombreux endroits, des dômes et des monts ». Son altitude varie entre 1.000 et 1.500 mètres. Elle compte une série de monts dont les plus importants sont Nyembe et Mbango sis respectivement près des localités Pene – Yumbi et Mbutu Ngombe Nyama et Mawawa près de la localité Kaila.
Le Buzimba est couvert de foret sur toute son étendue. La partie septentrionale se trouve dans la forêt dense tandis que la partie méridionale est comprise dans la forêt de transition. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne du nord vers le sud, la forêt dense diminue jusqu’à déboucher sur la savane. Quant à son hydrographie, la région des WAZIMBA est drainée du nord au sud par la rivière Kunda,est puis elle est sillonnée d’un grand nombre de rivières de part et d’autre de la kunda. Nous pouvons citer les rivières Luila, Kabokwa, Mwayayi, Kitanga, Lubowe, Mwaotche, Malembya, Ileya, etc.
Les ZIMBA occupent une région limitée : • Au nord et au nord-est par le territoire de Pangi ; • Au sud par les collectivités des Mamba-Kasenga et de Nonda ; • A l’est par le Bangu-Bangu du terriotire de Kabambare ; • A l’ouest par la collectivité de Bakwenge et le territoire de Kibombo
I.2. DONNES HISTORIQUES
Les WAZIMBA forment un peuple qui doit son nom à « ZIMBA », leur ancêtre éponyme. Le nom MUZIMBA serait d’origine lega et y signifie célibataire, alors appelé MUSIMBA. Une autre version est celle de l’administrateur territorial Martin qui dit que MOZIMBA est un fils, SIMBA, qui donna son nom à la chefferie de WAZIMBA.
La déformation du mot BASIMBA a donné lieu au nom BAZIMBA ou WAZIMBA.
Mais les WAZIMBA veulent qu’on les appelle BABINDJA. L’ancêtre de WAZIMBA aurait vécu dans la presqu’ile d’Ubwari, à la cote occidentale du lac TANGANYIKA.
Les WAZIMBA furent repoussés, dans leur migration par les « TUNGUTU » ou pygmée vers le nord. Cette migration débuterait au XIVème siècle pendant lequel ils ont entrepris un long déplacement vers le nord-ouest. Ils longèrent, d’abord le lac Tanganyika puis leur itinéraire serpentant les cours d’eau et des monts.
Pendant ce parcours, ils ont atteint le pied du mont Ingiri où ils se scindèrent en deux groupes. De cet endroit, deux rivières leur ont servi de voies.
I.2.2. Itinéraire Suivies
Le premier groupe a suivi la rivière Kama, la traversa et s’installa au pied du mont MBANGO. A cet emplacement, un sousgroupe se détacha vers la Luekatchi, la longea, ensuite franchit la rivière Kama et Kunda dans le nord du BUZIMBA. Il était composé de trois familles KIBANGO, KAHILA et MBOMBO.
Le clan de Kibango quitta l’embouchure de la rivière BULALI jusque dans la région qu’il occupe actuellement. Le clan de Kahila atteint la pleine de Kaparangao puis la rivière Malembya : ce sont les KABUNGU, PUTILA et MULYUNGU.
Le clan de MBOMBO a voulu repousser les Lega et fut défait par ce peuple. Ce clan est constitué d’ITCHIMA, LANGILWA et TUBUKU. D’autre WAZIMBA émigrèrent plus tard à partir du mont MBANGO. Ce sont les BENYE-KIKUNGU, qui traversèrent ainsi la rivière Kunda et s’installèrent pendant un certain moment dans l’emplacement actuel des Lutshi. Les Kungu et les MWANDJI y restèrent tandis que les KATEMBO et les SUNGU continuèrent leur migration jusqu’à leur site actuel.
Le mouvement migratoire des WAZIMBA est signalé au XVII ème siècle. Mais ce mouvement a continué jusqu’au XIXème. C’est le cas des HAMBA qui s’étaient détachés des LANGILWA, WAZIMBA, de MBOMBO, pour aller s’installer à leur emplacement actuel.
Le processus migratoire fut arrêté à la deuxième moitié du XIXème siècle suite à la double présence étrangère : la présence afro-arabe et la présence belge. L’une et l’autre ont laissé une trace décelable. La pratique des cultes islamiques et chrétiens constitue leur preuve tangible certes, mais l’organisation sociale générale en a également été affectée.
3. ORGANISATION POLITIQUE
L’organisation politique ZIMBA, a connu deux grandes innovations. La première est intervenue avec l’achèvement du BUFUMU. La deuxième innovation a été réalisée avec la pénétration afro-arabe. Nous donnerons un historique de l’organisation politique ZIMBA des origines jusqu’à la période afro-arabe. A l’origine ; l’organisation politique des WAZIMBA était du type lignage ou clanique. Chaque « Kilongo » ou clan était dirigé par un « toto wé Kéboo » le patriarche.
Celui-ci était le père et le juge de tous les palabres qui avaient lieu dans son domaine. Pour présider et trancher ces affaires ; le patriarche était assisté par le « Lobandja » réunion des vieux du clan. Tous les membres du « Lobanja » ne rendaient pas le jugement. Un groupe de sages constituait le « Kaole » : réunion de consultation et de délibération. Le « Kaole » prenait une décision finale que le patriarche prononçait devant le « Lobanja ». Le « Lobanja » se trouvait aussi au niveau du village. Le « Mokoo we Mosenge », chef du village, présidait ce « Lobanja » et s’appelait de ce fait « Mokoo we lobanja ».
L’organisation politique zimba, organisation du type lignager, n’est pas restée à ce stade ; une mutation s’est opérée avec l’avènement du Bufumu.
Le Bufumu serait d’origine luba. Il aurait été propagé au maniema vers 1820-1830 par un conquérant Luba. Vaincu et fait prisonnier par les Basonge, ce conquérant pour racheter sa liberté, enseignait à ses vainqueurs les secrets du « Luhuna », insigne du pouvoir et de noblesse et leur remet un trône des sognes, le Luhuna se répandit chez les autres peuples selon un principe de vénalité.
Le « Luhuna (chaise du patriarche)» a été amenée au Maniema vers 1825 par un autre conquérant luba, Ilunga Sungu, pour les uns et Molulwe Buki pour les autres.
Quant à la pénétration du Bufumu dans le Buzimba, elle s’est réalisée par le truchement des tribus voisines : Nonda, Mamba et Kwange où il était déjà répandu. La première tribu à introduire le Bufumu dans le mètre est celle de mamba par les Wazimba de Mobanga.
Ensuite, il a été introduit chez les WAZIMBA de Kipaka et de KATEMBO à partir des KWANGE et, chez les Wazimba de Marungu à partir des Nonda. Le Bufumu était donc symbolisé précisément par le Luhuna celui-ci d’abord considère comme un siège sur lequel s’asseyait le dignitaire pendant les réunions et les cérémonies. Il était également symbolisé par le « Langa » : bâton dignitaire et par le « Ndombe » : hachette dignitaire. L’accession au Bufumu était fonction d’appartenance à la famille noble et fonction de richesse.
La plupart des premiers dignitaires de Luhuna étaient des patriarches, des chefs de villages. Tel était le cas de Marungu, de Mobanga, de Kalongosola et de Kipaka.
L’intronisation du Bufumu devait se faire après paiement des biens. Dans les Buzimba, on donnait 6 chèvres, plusieurs poules et de nattes selon le nombre des dignitaires qui participaient à la cérémonie.
De par son caractère vénal, le Luhuna était une organisation socio-économique, basée sur la richesse et donnait aux promus le droit aux biens payés par les nouveaux dignitaires.
Il était aussi une organisation socio-politique puisque les dignitaires faisaient partie du Lobanja.
Dans le Buzimba, les Bafumu dignitaires étaient organisées en une hiérarchie allant du garde de Mufumu à celui de Mulohwe.
Le Mufumu, d’abord et le Mulohe ensuite, s’asseyaient sur le Luhuna comme les autres et tenaient le « Langa (bâton à main, le patriarche tenait) » à la main. En plus de ces objets, le Mufumu se distinguait des autres par le « Ndombe » et par le « Kekombo (balaie)» : toque en plumes d’oiseaux. La hachette dignitaire était le symbole de puissance et la toque était le signe d’autorité. Lors des cérémonies, son luhuna était déposé sur une natte.
Le Bufumu fut à la base des bouleversements politiques et économiques dans le Buzimba.
La terre est désignée en Kizimba par les vocables « Senga » et « Mateke ». Ces dernières peuvent signifier par extension « Mosenge » : région. Mais ils peuvent également avoir un sens plus réduit : la parcelle. Le droit au « Mateke » est dévolu à tous les WAZIMBA de par leur appartenance au « kilongo » ou clan. En principe, la communauté tout entière est propriétaire du sol : ses membres ne jouissent que de l’usufruit.