Vie et Histoire de Patrice Emery Lumumba
(né le 2 juillet 1925 à Onalua, Congo belge - et mort assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga) est le premier Premier ministre de la République démocratique du Congo de juin à septembre 1960. Il est, avec Joseph Kasa-Vubu, l'une des principales figures de l'indépendance du Congo belge. Patrice Émery Lumumba est considéré au Congo comme le premier « héros national ».
Patrice Lumumba est né à Onalua (territoire de Katako-Kombe au Sankuru, Congo belge, dans l'actuel République démocratique du Congo). Il fréquente l'école catholique des missionnaires puis, élève brillant, une école protestante tenue par des Suédois. Jusqu’en 1954 (année de la fondation d'un réseau d'enseignement laïque et de la première université) la Belgique coloniale n’a que peu développé le système d’éducation, entièrement confié aux missions religieuses. L'école ne donne qu’une éducation rudimentaire et vise plus à former des ouvriers que des clercs, mais Lumumba, autodidacte, se plonge dans des manuels d’histoire.
Il travaille comme employé de bureau dans une société minière de la province du Sud-Kivu jusqu’en 1945, puis comme journaliste à Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa) et Stanleyville (Kisangani), période pendant laquelle il écrit dans divers journaux.
En septembre 1954, il reçoit sa carte d'« immatriculé », réservée par l'administration belge à quelques éléments remarqués du pays (200 immatriculations sur les 13 millions d'habitants de l'époque).
Il découvre, en travaillant pour la société minière, que les matières premières de son pays jouent un rôle capital dans l’économie mondiale, mais aussi que les sociétés multinationales ne font rien pour mêler des cadres congolais à la gestion de ces richesses. Il milite alors pour un Congo uni, se distinguant en cela des autres leaders indépendantistes dont les partis constitués davantage sur des bases éthniques sont davantage favorables au fédéralisme2. L'historien congolais Isidore Ndaywel E Nziem précise : « Lumumba, à cause de son identité de Tetela, avait son électorat "naturel" dispersé dans l'ensemble du pays , ce qui l'obligeait à jouer une carte nationaliste unitaire »3
Il ne plaide pas pour une indépendance immédiate, d'autant plus qu'il a pris conscience que les frontières du Congo belge et des colonies françaises, anglaises et portugaise voisines sont arbitraires, fixées par les puissances coloniales, ce qui posera un jour la question de répartir les richesses entre les futurs pays africains indépendants.
En 1955, il crée une association « APIC » (Association du personnel indigène de la colonie) et aura l’occasion de s’entretenir avec le roi Baudouin en voyage au Congo, sur la situation sociale des Congolais. Le ministre belge en charge à l'époque, de la politique coloniale, Auguste Buisseret, veut faire évoluer le Congo et, notamment, développer un enseignement public. Lumumba adhère au parti libéral, parti de ce ministre, et y attire des notables congolais. En 1956, il répand alors une lettre-circulaire parmi les membres de l'association des évolués de Stanleyville dont il est le président et dans laquelle il affirme Tous les Belges qui s'attachent à nos intérêts ont droit à notre reconnaissance… Nous n'avons pas le droit de saper le travail des continuateurs de l'œuvre géniale de Léopold II. 4 Et, en compagnie de plusieurs notables congolais, il se rend en Belgique sur invitation du Premier ministre.
C'est à cette époque que Patrice Lumumba écrit un livre sous le titre le Congo,terre d'avenir, est-il menacé ? Dans cet ouvrage il plaide pour une évolution pacifique du système colonial belge dont il reste partisan. Emporté par l'évolution rapide des événements qui vont mener à l'indépendance, Lumumba ne prendra pas le temps de publier ce livre (il paraîtra à Bruxelles après sa mort)5.
Le combat pour l'indépendanceEn 1956, il est jugé pour avoir détourné des fonds des comptes de chèques postaux de Stanleyville et condamné à un emprisonnement d'un an. Libéré par anticipation, il reprend ses activités politiques et devient directeur des ventes d'une brasserie. En cette même année, il est président de l'Association des évolués de Stanleyville6. C'est précisément à cette époque que le gouvernement belge prend quelques mesures de libéralisation : syndicats et partis politiques vont être autorisés en vue des élections municipales qui doivent avoir lieu en 1957. Les partis politiques congolais sont parrainés par ceux de Belgique et Lumumba, classé pro-belge par ses discours et ses rapports avec les libéraux belges, est inclus dans l’amicale libérale.
En 1958, à l'occasion de l’Exposition Universelle de Bruxelles, première du genre après la guerre et qui a un grand retentissement dans le monde, des Congolais sont invités en Belgique, dont Patrice Lumumba. Mécontent de l'image paternaliste peu flatteuse du peuple congolais présentée par l'exposition, Lumumba se détache des libéraux et, avec quelques compagnons politiques, noue des contacts avec les cercles anti-colonialistes de Bruxelles. Dès son retour au Congo, il crée le Mouvement national congolais (MNC), à Léopoldville le 5 octobre 1958 et, à ce titre, participe à la conférence panafricaine d’Accra. De retour au Congo, il organise une réunion pour rendre compte de cette conférence et il y revendique l'indépendance devant plus de 10 000 personnes.
Premiers démêlés politiques en octobre 1959 : le MNC et d'autres partis indépendantistes organisent une réunion à Stanleyville. Malgré un fort soutien populaire, les autorités belges tentent de s'emparer de Lumumba, ce qui provoque une émeute qui fait une trentaine de morts. Lumumba est arrêté quelques jours plus tard, jugé en janvier 1960 et condamné à 6 mois de prison le 21 janvier.
En même temps, les autorités belges organisent des réunions avec les indépendantistes. Une table ronde réunissant les principaux représentants de l'opinion congolaise a lieu à Bruxelles, et Lumumba est libéré en toute hâte le 26 janvier pour y participer. Alors qu'il espérait profiter des tendances contradictoires d'un ensemble hétéroclite, le gouvernement belge se trouve confronté à un front uni des représentants congolais et, à la surprise de ceux-ci, accorde immédiatement et « dans la plus totale improvisation »2 au Congo l'indépendance7, qui est fixée au 30 juin 1960.
Des élections générales, les premières dans l'histoire du Congo encore belge, ont lieu en mai 1960. Le leader Bas-Kongo Joseph Kasavubu, triomphant surtout dans la région de Léopoldville, prête serment comme président de la république et avalise aussitôt la nomination de Lumumba comme premier ministre, ainsi que le prescrit la nouvelle constitution qui attribue ce poste au candidat du parti ayant remporté le plus de voix. En l'occurrence c'est le Mouvement National Congolais (MNC) de Patrice Lumumba.
Le 30 juin, lors de la cérémonie d'accession à l'indépendance du pays, Lumumba - qui a définitivement largué les libéraux et qui s'est entouré de conseillers étrangers de gauche - prononce un discours virulent dénonçant les abus de la politique coloniale belge depuis 1885. Durci par l'expérience de son arrestation, et, face à la surenchère anti belge d'une partie de la presse internationale, il prend le contrepied de la politique modérée de ses débuts telle qu'on peut la découvrir dans son livre (publié après sa mort)8. Au lieu de s'adresser au roi des Belges présent à la cérémonie, et qui venait de prononcer un discours paternaliste convenu avec le président Kasavubu, Lumumba commence son allocution par une salutation « aux Congolais et Congolaises, aux combattants de l'indépendance. » Son discours, qui doit lui permettre de l'emporter sur Kasavubu dans l'opinion des Congolais politisés, proclame vivement que l'indépendance marque la fin de l'exploitation et de la discrimination et le début d'une ère nouvelle de paix, de justice sociale et de libertés. Le roi des Belges se sent offensé alors qu'il se considère comme le père de l'indépendance congolaise ayant été l'auteur, en janvier 1959, d'un discours radiophonique par lequel il est le premier Belge à annoncer officiellement qu'il fallait mener le Congo Belge à l'indépendance « sans vaine précipitation et sans atermoiement funeste ». Aussi, Baudouin veut-il se retirer et regagner Bruxelles. Mais le premier ministre belge Gaston Eyskens parvient à l'en dissuader et, le soir même, lors d'un banquet réunissant hommes politiques congolais et belges, Patrice Lumumba s'efforce de rectifier le mal que ses paroles ont pu provoquer en prononçant un discours qui se veut lénifiant dans lequel il évoque un avenir de coopération belgo-congolaise.
Une brève carrière politique
Mais les effets du premier discours de Lumumba, retransmis par la radio, se font rapidement sentir dans la population congolaise. Les paroles en sont interprétées comme anti-belges, alors que les fonctionnaires belges restent présents à tous les échelons de l'administration congolaise et que, dans l'armée, le cadre d'officiers reste également belge en attendant la formation des premières promotions d'officiers congolais. Cette situation provoque, dans quelques casernes, une révolte qui gagne des populations civiles, surtout dans la capitale Léopoldville. Des officiers et aussi des cadres belges de l'administration sont chassés, malmenés et quelques-uns sont tués. Des émeutes visent les entreprises des blancs, des pillages ont lieu, des femmes européennes sont violées. Dès lors, une grande majorité de cadres européens du gouvernement et des entreprises -et pas seulement les Belges- prennent alors la fuite avec leurs familles.
Lumumba en profite pour évincer les officiers belges et décrète l'africanisation de l'armée, tout en doublant la solde des soldats. La Belgique, jugeant qu'on ne peut plus avoir confiance dans le gouvernement congolais et dans son armée pour rétablir la sécurité, répond par l'envoi de troupes pour protéger ses ressortissants à Léopoldville, la capitale située dans le bas-Congo, mais aussi dans d'autres régions. C'est notamment le cas au Katanga (riche région minière, dominée par la puissante entreprise de l'Union minière du Haut Katanga), où l'intervention belge favorise la sécession de cette province menée par Moïse Kapenda Tshombé. En tout 11 000 soldats belges sont acheminés au Congo en dix jours, précédés par les troupes spéciales des Paras-commandos. Cette intervention militaire surprend à l'étranger, et encore plus en Afrique, par l'ampleur des moyens mis en œuvre et par la rapidité de ce déploiement militaire. C'est que la Belgique, membre de l'OTAN, dispose, en Allemagne, d'une zone militaire suréquipée s'étendant de la frontière belge au rideau de fer. L'état-major belge dispose, de ce fait, d'une panoplie de ressources militaires, en partie d'origine américaine, qui lui permettent de déployer avions, transports de troupes et même des navires de la marine de guerre qui vont bombarder des positions congolaises dans l'estuaire du fleuve Congo. Tout cela avec l'accord de l'OTAN qui autorise, en pleine guerre froide, que soit dégarni le front belge d'Allemagne.
C'est un véritable conflit qui menace d'éclater, ce qui provoque l'internationalisation de l'affaire congolaise avec, à l'ONU, une condamnation par l'Union Soviétique et des pays du tiers-monde qui veulent soutenir Lumumba et ses partisans. Mais, le 4 septembre 1960, le président Joseph Kasa-Vubu annonce à la radio la révocation de Lumumba ainsi que des ministres nationalistes ; il le remplace le lendemain matin par Joseph Iléo. Toutefois, Lumumba déclare qu’il restera en fonction ; le conseil des ministres et le Parlement lui votent une motion de maintien et, à son tour, Lumumba révoque le président Kasa-Vubu, sous l'accusation de haute-trahison. En plus, il appelle à Léopoldville une partie des troupes de l'Armée nationale congolaise (ANC) stationnées à Stanleyville et au Kasaï9.
Entre-temps, l'ONU vote l'intervention de troupes internationales dans le but de s'interposer entre les Belges et les Congolais de Kasa-Vubu face aux partisans de Lumumba. C'est l'apparition de ce que l'on va appeler les Casques Bleus ainsi nommés par la couleur de leurs casques destinée à signaler ces militaires internationaux comme " Soldats de la Paix". Cependant, un coup d'État (soutenu par la CIA10,11,12,13), éclate à Léopoldville par lequel Joseph Désiré Mobutu prend le pouvoir. Ex-militaire, mais aussi ancien-journaliste dans la presse congolaise pro-belge Mobutu a repris du service dans l'armée congolaise avec le titre de colonel. Il crée immédiatement le Collège des Commissaires généraux composé de noirs compétents dans, divers domaines, transports, économie, politique, etc... chargés de gérer au plus pressé une situation chaotique. En même temps, le 10 octobre, Mobutu assigne à résidence Lumumba, Ileo et leurs ministres. Mais Lumumba fait passer en secret un mot d'ordre demandant à ses amis politiques de le rejoindre à Stanleyville, où ils établissent un gouvernement clandestin dirigé par Antoine Gizenga. Le 27 novembre, Lumumba s'échappe avec sa famille de la résidence Tilkens, à Kalina, et tente de gagner Stanleyville avec une petite escorte à bord de sa chevrolet. Son évasion n'est découverte que trois jours après. Grâce à cette avance, persuadé d'avoir réussi à échapper à ses ennemis, il harangue ses partisans sur son passage, ce qui lui fait perdre du temps et permet au major congolais Gilbert Mpongo, officier de liaison du service de renseignements, de le retrouver pour essayer de l'arrêter. Après un premier échec à Port Francqui le 1er décembre, Mpongo réussit et Lumumba est arrêté à Lodi, dans le disctrict de la Sankuru et ramené à Mweka, où il est embarqué à bord d'un avion vers Léopoldville d'où il est transféré au camp militaire Hardy de Thysville sous la garde des hommes de Louis Bobozo, un militaire congolais, ancien de l'offensive belge de 1941 contre les Italiens d'Abyssinie et qui a la confiance de ceux qui croient pouvoir ramener le calme9.
L'assassinatTout d'abord, le transfert de Lumumba et de plusieurs de ses partisans est envisagé au fort de Shinkakasa à Boma. Mais, à la date du 17 janvier 1961, Patrice Lumumba et deux de ses partisans, Maurice Mpolo et Joseph Okito, sont conduits par avion à Élisabethville, au Katanga, et livrés aux autorités locales. Lumumba, Mpolo et Okito seront conduits dans une petite maison sous escorte militaire où ils seront ligotés et humiliés par les responsables katangais comme Moïse Tshombé, Munongo, Kimba, Kibwe, Kitenge mais aussi les Belges Gat et Vercheure. Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d’un officier belge. En 2003, le documentaire télévisé CIA guerres secrètes explique que Mobutu a fait dissoudre le corps de son rival dans l'acide, après l'avoir fait assassiner11. Il est acquis en outre que les États-Unis avaient tenté de faire assassiner Lumumba mais le plan avait échoué ; l'opération avait été ordonnée par Allen Dulles qui avait mal interprété la volonté du président Dwight Eisenhower10,14.
En 2000, le sociologue belge Ludo De Witte publie chez Karthala L'Assassinat de Lumumba15, dans lequel il met en cause les responsables belges, précisant que ce sont des Belges « qui ont dirigé toute l’opération du transfert de Lumumba au Katanga, jusqu’à sa disparition et celle de son corps ». La Belgique, de même que l'ONU, n'avait pas reconnu le Katanga comme État indépendant mais certains officiers belges étaient encore en fonction. Le lendemain, une opération est menée par des agents secrets belges pour faire disparaître dans l'acide les restes des victimes découpées auparavant en morceaux. Plusieurs de ses partisans seront exécutés dans les jours qui vont suivre, avec la participation de militaires, ou mercenaires belges. Tshombé lance alors la rumeur selon laquelle Lumumba aurait été assassiné par des villageois. Ceci déclenche une insurrection parmi la population paysanne, qui prend les armes sous la direction de Pierre Mulele au cri de « A Lumumba » ou « Mulele Mai » : les paysans conquièrent près de 70 % du Congo avant d’être écrasés par l’armée de Mobutu.
Les faits selon la commission d'enquête belgeEn 2001, la commission d'enquête belge sur l’événement présente ainsi les événements : Arrêté à Port-Francqui le 1er décembre 1960, Lumumba est placé en détention à Thysville. Les 12 et 13 janvier 1961, une mutinerie militaire éclate dans la ville, pour des raisons financières. C'est « la panique à Léopoldville. « On » craint que la libération de Lumumba et son retour soient imminents […]. Le collège des commissaires demande à Kasa-Vubu de transférer Lumumba « dans un endroit plus sur ». […] Au nom du collège des commissaires [congolais], Kandolo insiste auprès du président Tshombe pour que Lumumba soit transféré au Katanga »16. L'ambassadeur belge au Congo, Dupret, en informe son gouvernement, et conseille « il vous apparaîtra sans doute indiqué appuyer opération envisagée et insister auprès autorités katangaises16 ».
À cette date, le gouvernement congolais et le gouvernement katangais sont encore en négociation17, et se sentent tous les deux menacés par Lumumba et ses partisans. Le gouvernement katangais est ainsi à cette date en proie à des attaques de troupes lumubistes dans le Nord-Katanga18. Une action commune contre Lumumba est donc dans leur intérêt commun.
Le gouvernement congolais livre finalement son prisonnier au gouvernement katangais de Moïse Tshombe, le 17 janvier 1961. Il meurt le même soir, entre 21h40 et 21h43 d'après le rapport d'enquête belge.
Tshombe refuse d'assumer le décès de Lumumba, affirmant d'une part qu'il ne savait rien du transfert de Lumumba vers le Katanga, et d'autre part que son prisonnier est mort lors d'une tentative d'évasion. Concernant la première affirmation, la commission d'enquête belge de 2001 est formelle « il y a trois déclarations du 18 janvier qui contredisent la version de Tshombe19 ». Pour elle, Tshombe a bien donné son accord au transfert de Lumumba sur son territoire. Elle cite en particulier une déclaration officielle katangaise confirmant l'accord du gouvernement sécessionniste.
Concernant la seconde affirmation de Moïse Tshombe sur son absence d'implication dans la mort de Lumumba, la commission d'enquête indique d'abord « il apparaît que la reconstitution détaillée et illustrée des faits de ce 17 janvier est aléatoire20 ». Mais elle considère que plusieurs faits sont assez précis. À 16h50 l'avion de Lumumba atterrit. De 17h20 à 20h30, Lumumba et ses deux compagnons sont enfermés à la « maison Brouwez », « où il est certain que les prisonniers ont subi des mauvais traitements, de la part de leurs gardiens, mais aussi de la part de ministres katangais20 ». Il est possible « que le président katangais [ait] participé aux sévices, même si aucune source ne le prouve.[…] Il semble hors de question qu'il n'ait pas vu les prisonniers dans la maison Brouwez, au moins lors du départ des prisonniers vers le lieu d'exécution20 ». La décision de Tshombe de l'exécution de Lumumba est donc certaine pour la commission, mais quatre représentants belges, qui soutiennent la sécession katangaise, y participent aussi : « le commissaire de police Frans Verscheure, le capitaine Julien Gat, le lieutenant Michels et le brigadier Son20 ». « Vers 21h15-21h30, Lumumba [et] ses compagnons arrivent sur le lieu de leur exécution. Ils vont être tués par balle, en présence du président Tshombe et de plusieurs de ses ministres. […] Lumumba […] meurt en dernier20. »
La commission d'enquête note une forte implication anti-Lumumba du gouvernement belge, soutenant la sécession katangaise et agissant pour la déposition de l'ancien premier ministre. Le roi Baudoin lui-même intervient, y compris en écrivant au président Kennedy, pour s'opposer (avant la mort de ce dernier) à toute libération de Patrice Lumumba21. De même des Belges ont participé à l'exécution de Lumumba. L'implication belge dans la chute puis la mort de l'ancien Premier ministre est donc forte. Mais pour la commission, la décision de tuer Lumumba vient de façon directe de Moïse Tshombe et de son gouvernement.
PostéritéLe général Mobutu consacre Patrice Lumumba héros national en 1966. Le retour d'Égypte de sa femme Pauline et de ses enfants est considéré comme un événement national. Le jour de sa mort, le 17 janvier, est un jour férié au Congo-Kinshasa. C'est pour le punir de l'assassinat de Lumumba que Moïse Tshombe est détenu par l'Algérie entre juin 1967, date du détournement de son avion sur Alger par un agent mobutiste, et sa mort aux causes mal définies (officiellement un arrêt cardiaque) en juin 1969.
L'action des anciens colonisateurs en pleine guerre froideLe rôle des puissances occidentales et celui des États-Unis en particulier a été fortement évoqué dans la mort de Lumumba. Ils craignaient une dérive du Congo vers l'URSS. En effet, Lumumba fit appel aux Soviétiques lors de la sécession du Katanga car l'ONU ne répondit pas à ses demandes d'aide militaire pour mettre fin à la guerre civile.
Les archives de la CIA déclassifiées depuis le 21 juin 2007 indiquent que la CIA a monté un plan d'assassinat de Lumumba10,22 :
Ce plan était connu de la commission Church. Elle affirmait que le poison prévu contre Lumumba ne lui avait jamais été administré. Elle affirmait également qu'il n'y avait aucune preuve que les États-Unis soient impliqués dans la mort de Lumumba24.
Les États-Unis de Dwight Eisenhower voulaient éliminer Lumumba — pas forcément physiquement — pour éviter un basculement du géant africain dans le communisme et la Belgique voyait en lui et ses thèses d’indépendance économique une menace pour ses intérêts économiques notamment dans le secteur minier. Ces deux pays ont soutenu l’effort de guerre de Mobutu contre les Maï-Maï. Les mercenaires belges ont organisé l’opération Omegang exécutée en liaison avec une intervention des parachutistes belges pour écraser la résistance Maï-Maï au Kivu.
Si le meurtre de Lumumba paraît avoir été élucidé, c'est sous l’impulsion de François Lumumba qui a estimé en savoir assez pour porter plainte contre X sur la base des affirmations du sociologue belge Ludo De Witte. Le gouvernement belge a d'ailleurs reconnu, en 2002, une responsabilité dans les événements qui avaient conduit à la mort de Lumumba : :À la lumière des critères appliqués aujourd'hui, certains membres du gouvernement d'alors et certains acteurs belges de l'époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. Le Gouvernement estime dès lors qu'il est indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée de par cette apathie et cette froide neutralité. Le 23 juin 2011, la famille de Patrice Lumumba a déposé plainte, à Bruxelles, contre une dizaine de Belges qu’elle considère comme impliqués dans l’assassinat25.
En Janvier 2014, le département d'Etat des États-Unis reconnait son implication dans le renversement et l'assassinat de Patrice Lumumba26.
Sa famillePatrice Lumumba était marié et père d'au moins six enfants : François, Patrice junior, Juliana, Roland, Christine (décédée en 1960) et Guy (né en 1961 après la mort de son père). Avant son emprisonnement, Lumumba s'est arrangé pour que son épouse légitime Pauline Opango et les enfants dont quatre issus de cette union plus François puissent quitter le pays. Ils sont allés en Égypte où François a passé le reste de son enfance — étudiant au lycée français du Caire (lycée Bab El Louk) — avant d'aller en Hongrie poursuivre ses études. Il est revenu au Congo dans les années 1990, au début de la rébellion contre Mobutu, et a créé un petit mouvement politique lumumbiste. Bien que son mouvement demeure peu puissant, il reste impliqué dans la politique congolaise et tente de défendre les idées de son père. Juliana a occupé quelques portefeuilles ministériels sous Laurent-Désiré Kabila et s'investit au développement de l'éducation en RDC. Guy a été candidat malheureux lors de l'élection présidentielle qui s'est déroulée en 2006 au Congo. Depuis son apparition sur la scène politique, il entend poursuivre le défi de la relève au sein de la famille biologique et politique de Patrice Lumumba.
Notes et références
1. De Vos. P., Vie et mort de Lumumba, Paris, Calmann-Levy, 1961. 2. Revue Europe no 393, Patrice Lumumba, janvier 1962. 3. Hélène Tournaire et Robert Bouteaud, Le livre noir du Congo, Librairie académique Perrin, 1963. 4. Jean-Paul Sartre, La Pensée politique de Patrice Lumumba, paru d'abord dans Présence africaine (no 47, juillet-septembre 1963); puis comme préface de Jean Van Lierde, La pensée politique de Patrice Lumumba, textes et documents recueillis et présentés par Jean Van Lierde, Paris-Bruxelles, Ed. Présence africaine, 1963; repris dans Sartre, Situations V. Colonialisme et néo-colonialisme, Gallimard, 1964 5. Jean Van Lierde, Patrice Lumumba. La dimension d'un tribun nonviolent, Bruxelles, MIR-IRG, 1988. 6. Benot, J., La mort de Lumumba, Paris, 1989. 7. Brassine, J. et Kestergat, J., Qui a tué Patrice Lumumba ? Paris-Louvain, Duculot, 1991 (théorie pro-belge). 8. Jean Tshonda Omasombo, Benoît Verhaegen, Patrice Lumumba, jeunesse et apprentissage politique 1925-1956, Paris, L'Harmattan, Cahiers africains, n° 33-34, 1998. 9. Ludo De Witte, L'assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000, 10. Colette Braeckman, Lumumba, un crime d’État, éd. Aden, 2002 11. Jean Tshonda Omasombo, Benoît Verhaegen, Patrice Lumuba, acteur politique. De la prison aux portes du pouvoir, juillet 1956-février 1960, Paris, L'Harmattan, Cahiers africains, n° 68-70, 2005. 12. Yvonnick Denoël, Le livre noir de la CIA, Nouveau monde éditions, 2007, (ISBN 2290017159).
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