Nous avons été humiliées par plusieurs forces armées dont des FPR et des FDLR. Devons-nous étaler, déterrer tous ces morts et les exhiber à la face du monde pour que les gens comprennent ?
Des personnes se permettent de cracher sur la mémoire de nos frères, de nos sœurs, de nos mères, de nos pères, de nos enfants. Nous avons été souillées par des viols commis par ces mêmes personnes qui voudraient changer notre histoire aujourd’hui…
Paul Kagame dit aujourd’hui publiquement qu’il n’y a pas eu de crimes commis au Congo par le Rwanda.
Qui a attaqué la ville de Bukavu en quittant par le haut plateau de Baraka en 1996 ?
Qui a envahi le territoire de Mwenga, le village de Kasika en 1998 ?
Qui a attaqué les camps de réfugiés de Ishungu et Kashusha en 1996 ?
En 2004, lors de l’insurrection de la ville de Bukavu, j’ai été violée, je me rappelle des visages, je me rappelle de cette douleur sans nom, je me rappelle comment ils ont assassiné des membres de ma famille. J’ai vu des morts, j’ai vu des larmes couler et j’ai senti la peur, une peur qui ne me quitte plus. Je sais qui sont mes bourreaux… Je suis témoin. Je suis une preuve vivante que ces crimes les plus graves ont été commis.
Mépriser la mémoire des victimes congolaises, nier l’Histoire des crimes commis au Congo, c’est vouloir cacher la réalité, mais l’Histoire est têtue et l’on ne cachera jamais la vérité ! Tant que nous vivrons, nous n’accepterons pas le déni de notre histoire !
Nous avons vécu le pire, mais nous avons encore notre honneur et nous irons jusqu’au bout pour que le monde sache et que justice soit rendue.
Les morts enterrés dans des fosses communes sont aussi des preuves. Ils ne pourront jamais parler, mais nous, survivants de ces cruautés, nous allons parler ! Nous allons témoigner ! Nous allons vous forcer tous à redevenir HUMAINS et à reconnaitre les torts que vous nous avez causé. Sans cela, nous ne pourrons pas parler de réconciliation. Sans cela, nous ne pourrons pas parler de paix.
Je suis Congolaise ! J’exige la vérité, la justice et des réparations pour toutes les atrocités commises sur les populations civiles du Congo et j’exige que le gouvernement congolais réagisse lorsque nos bourreaux cherchent encore à manipuler la vérité et à discréditer celui qui a soigné, aidé et sauvé beaucoup d’entre nous, le Dr Denis Mukwege.
Nous sommes des êtres humains et non des moustiques que vous allez continuer à écraser à chaque seconde. Nous disons non au négationnisme ! »
Tatiana Mukanire, Coordinatrice Nationale du Mouvement des Survivant.e.s de Violences Sexuelles en RDC
