Mozambique : zones d’ombres autour de l’arrestation d’un opposant à Paul Kagamé

L’ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé les autorités mozambicaines à révéler de toute urgence où se trouve le journaliste rwandais Cassien Ntamuhanga, opposant au régime du président rwandais Paul Kagame, arrêté fin mai.

« Les autorités mozambicaines doivent reconnaître de toute urgence qu’elles retiennent Cassien Ntamuhanga, révéler où il se trouve, lui permettre de consulter un avocat, veiller au respect de ses droits et empêcher tout retour forcé au Rwanda », a déclaré HRW dans un communiqué mardi soir.

Selon des sources policières et associatives au Mozambique, Cassien Ntamuhanga a été arrêté le 23 mai sur l’île d’Inhaca, puis emmené en bateau sur le continent, enchaîné, menotté et remis à l’ambassade du Rwanda à Maputo. Le ministère de l’Intérieur mozambicain a nié avoir procédé à l’arrestation.

« Il serait inadmissible et contraire aux obligations internationales de le remettre aux forces de police du pays dont il a fui les persécutions », avertit dans le communiqué Lewis Mudge, directeur de HRW pour l’Afrique centrale. « La police mozambicaine doit protéger ce demandeur d’asile, qui court un sérieux risque s’il est renvoyé au Rwanda ».

Accord d’extradition

Cassien Ntamuhanga, ex-directeur de la radio rwandaise Amazing Grace, a été condamné en 2015 à 25 ans de prison pour « formation d’un groupe criminel »« conspiration contre le gouvernement ou le président de la République » et « entente en vue de commettre un assassinat ». Le journaliste s’était alors exilé au Mozambique. Sa demande était toujours en cours de traitement au moment où il a été placé en détention le 23 mai alors qu’il n’y a pas d’accord d’extradition entre les deux pays.

Cassien Ntamahunga a été condamné aux côtés du chanteur et activiste Kizito Mihigo, qui a été gracié en 2018 mais arrêté à nouveau alors qu’il tentait de fuir le pays en février 2020 et est mort en garde à vue quatre jours plus tard. « La condamnation antérieure de Ntamuhanga, le sort de Mihigo et les antécédents du Rwanda en matière de ciblage impitoyable des critiques et des dissidents à travers le monde sont autant de raisons d’être gravement inquiet pour la sécurité de Ntamuhanga », a déclaré Human Rights Watch mardi.

Morts non élucidées

Ce journaliste n’est pas le premier exilé rwandais à avoir des problèmes à Maputo, selon le Réseau national des défenseurs des droits humains du Mozambique. En octobre 2012, Theogene Turatsinze, ancien directeur de la Banque de développement du Rwanda, y a été retrouvé mort. Son corps a été retrouvé flottant dans la baie de la capitale, les mains attachées dans le dos, après avoir été porté disparu pendant deux jours, selon un rapport publié ce mois-ci par le réseau des droits de l’homme.

Dans un incident distinct, l’ancien chef des services de renseignement du Rwanda, Patrick Karegeya, a été retrouvé mort dans un hôtel en Afrique du Sud en 2014. À la suite de ce décès, l’Afrique du Sud avait expulsé deux diplomates, dont Claude Nikobisanzwe, qui est désormais le haut-commissaire du Rwanda au Mozambique, la première personne à occuper ce poste depuis l’ouverture des bureaux diplomatiques à Maputo en 2019.

Liberté d’expression

Le Rwanda, dirigé d’une main de fer par le président Paul Kagame depuis la fin du génocide qui a coûté en 1994 la vie à quelque 800 000 personnes, principalement des Tutsi, est régulièrement critiqué pour ses attaques contre la liberté d’expression. Le président mozambicain Filipe Nyusi a rendu une visite surprise à Paul Kagame à Kigali à la fin du mois d’avril, et les deux ont assisté à un sommet des dirigeants africains à Paris en mai au début du mois. Récemment, le président français Emmanuel Macron s’est rendu à Kigali.

Les médias rwandais ont suggéré que le Rwanda pourrait envoyer un contingent militaire pour aider à protéger un projet massif de gaz naturel liquéfié dans le nord du Mozambique par la compagnie pétrolière et gazière française Total. Tous les travaux relatifs à ce projet gazier de 20 milliards de dollars ont été suspendus à la suite d’attaques menées par les rebelles extrémistes islamiques du Mozambique contre la ville voisine de Palma.

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