Dans une lettre ouverte à Fatshi, l’épouse de l’ancien Dg de la DGI renseigne qu’un groupe de mafieux opère entre le cabinet du Chef de l’Etat et le Palais de Justice.
Après la mise en liberté de son mari le mercredi dernier, à la suite d’une arrestation le lundi 3 août, Mme Lokadi rompt finalement le silence. Non pas par voie de communiqué de presse dans les médias. Ni encore moins, par des tags sur les réseaux sociaux. Plutôt, en adressant une lettre ouverte au Chef de l’Etat.
Dans cette correspondance de onze pages, rédigée sur un ton de révolte et d’indignation, l’épouse de M. Dieudonné Lokadi, directeur général honoraire de la Direction générale des Impôts (DGI), n’entend rien mettre au secret. Bien au contraire. De bout en bout, le ton est dénonciateur. Avec forces arguments. « Je voudrais énoncer, avec tout le respect que je dois à votre excellence, votre cabinet politique ainsi que les membres de votre structure de lutte contre la corruption, impliqués dans une vaste maffia de corruption sur fond de banditisme et d’escroquerie. Ma famille en a payé les frais ce lundi 3 août », écrit Mme Lokadi, dès le deuxième paragraphe de sa lettre.
Selon l’auteure de la correspondance, ce groupe d’arnaqueurs opère entre le Cabinet du Président Félix Tshisekedi et le palais de Justice à Gombe. Leur siège n’a et leurs identités n’on rien de top secret. « Ces gens se terrent dans un local derrière le Palais de Justice, sous les marches de son esplanade. Ils sont identifiés au Parquet de la Gombe, comme étant « la bande de Luzolo Bambi » ou encore les « supers inspecteurs », révèle Mme Lokadi.
Par ailleurs, l’expéditrice de ladite lettre explique que le mode opératoire de ces mafieux est bien connu. « Ils utiliseraient des éléments de Police nationale congolaise (PNC), jadis commis à la sécurité de Luzolo Bambi, ancien conseiller spécial du Président honoraire Joseph Kabila, en charge de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption, le financement du terrorisme et le blanchiment des capitaux, pour procéder à des arrestations musclées, arbitraires et illégales. Tout le monde le sait. Mais personne n’agit », regrette-t-elle.
Toujours an ce qui concerne le modus operandi de ce groupe, Mme Lokadi ne se perd pas en conjectures. « Ils montent de faux dossiers, arrêtent les personnalités ciblées, publient de fausses informations dans les médias en mettant en exergue des montants exorbitants supposés détournés pour manipuler l’opinion publique, ensuite, ils neutralisent les autorités judicaires en prétendant que c’est un dossier du Président de la république lui-même. A la fin, ils réclament à leur victime le paiement d’une somme d’argent pour être relâchée ».
ROMPRE L’OMERTA
Par sa lettre, Mme Lokadi n’entend pas seulement dénoncer ce qui s’apparente désormais à une mafia organisée. Mais aussi et surtout, tordre le cou à l’élan de solidarité établi entre membres d’un cercle déterminé pour dissimuler les fautes par crainte de rétorsion ou de vengeance ou pour sauvegarder des intérêts communs. Aussi, met-elle au banc des accusés, les autorités judiciaires et de la sécurité intérieure, restées impuissantes devant le groupe mis en cause.
« Je voudrais rompre cette Omerta des autorités judiciaires et de la sécurité intérieure qui acceptent qu’un groupe de gens opère autour du Palais de Justice au nom de la Présidence de la république, sans les renvoyer au Palais de la Nation, vos bureaux situés à deux minutes de à pied du palais de Justice », renchérit Mme Lokadi.
Dans ce groupe qu’elle considère comme un véritable danger public à cause de leur capacité de nuisance, la dame auteure de la lettre cite nommément un certain Mabongo Katembo Garry. « Il se promène avec des carnets de convocations dans sa poche. Il passe le clair de son temps dans vos locaux. Ils travaillent sous les ordres directs de M. Francis Lusakweno, de la Présidence toujours. Pendant deux jours, le sort de M. Lokadi était entre les mains d’une certaine bande composée de Francis Lusakweno, Mabongo Katembo Garry et Boyau. Aucune autorité judicaire n’a osé intervenir, administrativement, de peur des représailles nous a-t-on expliqué, officiellement, à moi et à mes avocats », explique-t-elle.
Très offusquée, Mme Lokadi soutient formellement que « la marche vers l’Etat de droit ne peut tolérer des groupes obscurs, opèrent en toute immunité, étalent les dossiers des contribuables dans la presse au mépris des conséquences sur le climat des affaires, diffusent des communiqués de presse dans les médias, fassent éruption dans les services de l’Etat, sans être inquiétés ».
« LE PROBLEME DE LA JUSTICE EST ABYSSAL »
Si une Nation ne peut être élevée que par sa Justice, Mme Lokadi constate cependant, que le problème de la Justice en RD Congo est abyssal. « Une poignée d’individus, pas plus de cinq personnes, résiste encore au changement. Leur défection est constatée mais pas sanctionnée. Ces électrons libres se considèrent comme personnel de la Présidence de la république, rodent autour du Palais de Justice et entretiennent une confusion sur leur statut réel. C’est ce groupe qui est actif dans les médias, son lieu naturel de travail, méprise sa hiérarchie naturelle. Son unique terrain de chasse : le Régies financières et les grandes entreprises », explique-t-elle encore.
Brandissant le rapport de l’Office de lutte contre la corruption dans les établissements publics (OCEP), Mme Lokadi renseigne que ce panel attribue la palme d’or en matière de corruption à la Justice congolaise. La DGI occupe l’avant dernière place après la DGDA.
« Comment expliquer alors que ces gens n’ont jamais diligenté une enquête ten,dant à améliorer l’image de la Justice ? Comment n’ont-ils jamais mis fin aux jugements et arrêts qui bloquent les actions en recouvrement des receveurs des impôts, alors que le ministre des Finances avait transmis à son collègue de la Justice Luzolo Bambi, en son temps, une liste des dossiers et jugements condamnant injustement le trésor public ? Comment l’Etat congolais perd-il tous les procès avec les particuliers « , s’interroge la dame Lokadi dans sa lettre.
Elle souligne par ailleurs, que dès le soir du lundi 3 août courant, cette bande mafieuse et obscure est allée jusqu’à vouloir lui extorquer des fonds dans un scénario digne d’un mauvais polar policier. « En effet, ce groupe m’a appelée au téléphone pour me demander d’aller dans la commune de Lemba, dans une boutique, pour y déposer toute somme d’argent que je pouvais avoir, que compte Mpesa qui me sera communiqué sur place et tout de suite mon époux sera libéré par le procureur général. N’ayant pas réussi le coup, le mardi 4 août, M. Garry est sorti du bois pour réclamer « 10 unités » c’es-à-dire 10.000$US, en précisant la clé de répartition entre la Présidence et le Parquet », révèle-t-elle. Ca sent bien l’arnaque !
FAIRE LE CHEMIN A REBOURS
Mme Lokadi entend singulièrement prouver qu’une mauvaise orientation des enquêtes du Conseiller Luzolo Bambi a conditionné la qualité et la crédibilité de son travail. Elle allègue que les enquêteurs de ce dernier, débauchés parmi les inspecteurs judiciaires qui ont travaillé avec son cabinet ministériel ont transformé, par une sorte d’enchainement, peut-être de manière inconsciente, des soupçons en conjectures et des conjectures en preuves présumées. Pas un donc un simple jeu de mots.
« Mon objectif consiste à dévoiler ce mécanisme, à faire le chemin à rebours en pointant les passages hasardeux de l’équipe Luzolo, les déductions erronées, la flagrante injustice et les manipulations des enquêtes de ses collaborateurs. Mon époux n’a rien à prouver à la présidence de la république. C’est à la supposée bande de Luzolo, plus précisément M. Lusakweno, de prouver qu’au-delà de tout doute raisonnable, la responsabilité personnelle d’un directeur général des impôts, qui n’st plus en fonction, du fait des actes posés dans l’exercice de ses fonctions, il y a 4 ans, liés à ses attributions en rapport avec l’accomplissement de missions régaliennes de l’Etat, dévolues à une administration fiscale sont sortis de leur cadre », souligne-t-elle.
Dénonçant les irrégularités autour de l’arrestation de son mari, par des services agissant au nom de la Présidence de la république, Mme Lokadi rappelle que l’action a été savamment organisée, pendant une période marquée par les nouvelles mises en place, sur fond de haine et de vengeance. Car, dit-elle, « M. Lokadi a déjà eu à faire à ce groupe qui opère à la Présidence et rode toujours autour des régies financières ».
Forum des As, titrage congovirtuel