Proclamé la semaine dernière par le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, l’état de siège qui est entré en vigueur depuis le jeudi 06 dans la province de l’Ituri et du Nord-Kivu frontalières avec l’Ouganda pourrait bien cacher une autre opération plus complexe, celle de sécuriser les blocs pétroliers de Total sur le lac Albert en proie a la menace djihadiste.
L’effet domino du retrait de Total de Mozambique
Le 11 Mars dernier, les Etats-Unis ont qualifié de « terroristes » deux groupes armés qui mettent directement deux grands projets de Total en Mozambique et en RDC en « danger » (ADF – RDC et ISIS- Mozambique).
Le 26 avril 2021, Total annonce son retrait du nord de Mozambique vue « l’incapacité de l ‘Armée Mozambicaine a faire face aux djihadistes.
« Compte tenu de l’évolution de la situation sécuritaire dans le nord de la province du Cabo Delgado au Mozambique, Total confirme le retrait de l’ensemble du personnel du projet Mozambique LNG du site d’Afungi. Cette situation conduit Total, en tant qu’opérateur du projet Mozambique LNG, à déclarer la force majeure » a annoncé un communiqué.
Désormais, le site gazier d’Afungi va demeurer un site mort pendant au moins un an, voire davantage. Le groupe pétrolier français Total ne croit plus à la capacité de l’armée nationale de ramener l’ordre rapidement. Le président mozambicain Filipe Nyusi est invité à Paris le 18 mai par son homologue français à la suite du fiasco militaire du Cabo Delgado, qui a paralysé le projet gazier de Total.
Effrayée par la situation dans le nord du Mozambique, où des groupes ayant fait allégeance à l’Etat islamique (EI, ou Daech) ont contribué à stopper depuis décembre 2020 la construction des deux trains de liquéfaction de gaz de Total, la France veut éviter une situation similaire sur le lac Albert sous menace de l’ etat Islamique – RDC.
Les retombées du déjeuner de travail Tshisekedi – Macron à Paris
La visite surprise de Félix Tshisekedi en France, juste après l’assassinat d’Idriss Deby pourrait être arrangé dans la suite logique de la protection des installations pétrolières de Total dans la partie Est de la RDC en proie depuis une dizaine d’année à une insécurité galopante des groupuscules armés se réclamant de Daech RDC fait peur à la multinationale TOTAL.
Invité pour un déjeuner de travail à l’Elysée le 27 avril, le président congolais Félix Tshisekedi a évoqué avec Emmanuel Macron l’organisation d’une visite du chef de l’Etat français en RDC en automne selon Africa Intelligence.
Le président Félix Tshisekedi a dans un même temps demandé le soutien de Macron face à aux groupes islamistes actifs dans l’est de la RDC. C ‘est a son retour de France que Félix Tshisekedi annoncera l’ état d’urgence dans les provinces concernées en RDC.
Le projet d’extraction Tilenga sous la menace djihadiste
Total a signé, le 11 avril dernier, trois accords clés avec les gouvernements ougandais et tanzanien, pour un chantier évalué à dix milliards de dollars. C’est le plus grand projet pétrolier au monde lancé cette année. La multinationale française prévoit de forer plus de quatre cents puits de pétrole situés, pour un tiers d’entre eux, au cœur de l’aire naturelle protégée de Murchison Falls en Ouganda. Elle jouxte le lac Albert, à la limite de la frontière avec la République Démocratique du Congo. L’équivalent de 6,5 milliards de barils de brut y reposent, et ces réserves devraient permettre l’exploitation entre vingt-cinq et trente ans. Total souhaite extraire 230 000 barils de brut par jour à partir de 2025.

Un oléoduc géant nommé East African crude oil pipeline (EACOP), le plus long oléoduc chauffé au monde. Conçu pour exporter le pétrole extrait avec le projet Tilenga, il va traverser l’Ouganda et la Tanzanie sur 1 445 kilomètres, en passant par un grand nombre de zones protégées et de sites Ramsar (zones humides d’importance internationale), tel le bassin du lac Victoria, le plus grand d’Afrique. Comme le pétrole extrait est visqueux, cet oléoduc sera chauffé à 50 °C.Total craint des actes de sabotage à l’instar des mouvements islamiques au Nord de la Mozambique.
Le lac Albert en état d’urgence de deux côtés
Le Lac Albert se retrouve depuis pris au piège par les militaires de la RDC et de l ‘Ouganda.
Du côté ougandais, 600 soldats pourraient être positionnés à la frontière avec la RDC. Les militaires ougandais mobilisés pour cette mission proviendraient tous du contingent déployé jusqu’en septembre au sein de l’opération de paix de l’Union africaine en Somalie, l’Amisom. Ces soldats étaient stationnés à Mogadiscio afin de protéger les agents de l’ONU. En Ouganda, ils viendraient en appui aux Special Forces Command dans les mains du fils du président, Muhoozi Kainerugaba, en charge notamment de la protection des blocs pétroliers de Total et de Cnooc.Museveni compte confier au lieutenant-colonel Peter Elwelu ce nouveau contingent spécialement dédié à prévenir les menaces venant de RDC, notamment de la part des Allied Democratic Forces-National Army for the Liberation of Uganda (ADF-NALU), un groupe anti-Museveni d’inspiration islamiste créé en 1995 et dont les actions, régulièrement revendiquées par l’Etat islamique, lui ont valu d’être placé sur la liste des groupes considérés comme terroristes par les Etats-Unis, même si les preuves d’un lien avec la nébuleuse djihadiste ne sont pas probantes. Son unité pourrait être stationnée entre la ville congolaise de Beni et le poste-frontière à Mpondwe, à proximité de la province du Sud-Kivu où l’Ouganda est régulièrement pointé du doigt pour les violences et le pillage de minerai.
Du côté congolais, les deux provinces bordant le lac Albert ont été placées en état d’urgence et mises sous la direction des généraux congolais « ex-rebelles proches des officiers ougandais et rwandais » a noté la Radio France Internationale.
Toutefois, le président congolais Félix Tshisekedi compte sur appui militaire éventuel des militaires Kenyan pour « sécuriser la zone » et d ‘une aide internationale dans une région ou près de 20 millions d’habitants ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence selon Aline Ouedraogo, de l’ONG Care.
« A partir du 6 mai, et pour une période initiale de 30 jours, les autorités civiles de ces deux provinces seront remplacées par des militaires et des policiers. Ce sera notamment le cas des gouverneurs et vice-gouverneurs. Les gouvernements provinciaux, assemblées provinciales, responsables des entités locales ou encore des tribunaux civils sont suspendus. Les militaires seront en outre dotés de pouvoirs exceptionnels : ils pourront notamment interdire ou empêcher les publications, rassemblements, et même la présence des personnes qu’ils jugeront nuisibles à leur action. Selon une source onusienne, ces mesures ont été mises en place sans concertation avec la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) » a écrit Boisselet.
Le gouverneur du Nord Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima, alias « Effacer le tableau », a été surnommé ainsi lorsqu’il était commandant au sein de la rébellion du Mouvement pour la libération du Congo (MLC). En 2002, il aurait dirigé l’opération « Effacer le tableau » en Ituri, durant laquelle de graves exactions ont été commises.
En Ituri, le lieutenant-général Johnny Luboya, ancien chef des renseignements militaires au sein du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), rébellion soutenue par le Rwanda, pourrait, de par sa position de commandement, être tenu responsable de meurtres, de viols et d’autres exactions commises par ses forces, selon une note interne des Nations Unies que Human Rights Watch a pu consulter.
Une analyse de Olivier Omayetsha Atakete avec un condensé des articles AI, BBC, Reporterre, Human rights watch et autres
[…] RDC : Etat de siège ou une « opération militaire secrète » pour sécuriser les blocs pétroli… Share this… […]