Trois mois après sa sortie médiatique faite au cours de la célébration eucharistique en marge du 60ème anniversaire de l’indépendance nationale, laquelle avait provoqué un tollé des réactions aussi bien dans la sphère politique sociale, l’Archevêque métropolitain de Kinshasa le Cardinal Fridolin Ambongo Besungu vient encore de s’illustrer par une autre déclaration actuellement au centre des débats.
Cette fois-ci, le chef de l’église catholique de Kinshasa a touché l’âme de l’ensemble des Congolais en s’attaquant au secteur social qui ne peut laisser personne indifférente, à savoir la vie de l’enseignant oeuvrant dans une école catholique conventionnée et l’instruction des enfants.
Alors qu’il présidait une cérémonie d’installation des responsables d’un doyenné de son église dans la périphérie de la ville, précisément dans la commune de Nsele, le Cardinal est comme d’habitude brusquement sorti du cadre événementiel pour déclarer à haute et intelligible voix que les enseignants qui ne confessent pas la foi catholique ne seront plus admis dans les écoles conventionnées catholiques sur toute l’étendue de la ville de Kinshasa. Avant d’ajouter que les curés et les coordonnateurs desdites écoles sont instruits pour faire respecter cette mesure.
Peut-être il n’avait pas mesuré l’onde de choc ou les réactions que sa déclaration allait provoquer aussi bien dans la classe politique que dans l’ensemble des organisations de la société civile.
D’abord, le Cardinal semble ignorer superbement pour des raisons qui lui sont propres que sa déclaration viole intentionnellement l’article 13 de la Constitution qui interdit toute forme de discrimination des Congolais en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques.
Article 13 « Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique »
Dans l’article 14 qui suit, le législateur a renforcé cette interdiction en matière de discrimination à l’égard de la femme appelée à bénéficier du même traitement que son semblable masculin.
Ce qui choque le plus dans ce dossier et trouble les bonnes consciences est le fait de voir qu’une telle déclaration soit sortie de la bouche du plus haut gradé du prélat catholique, de surcroit le numéro un de l’église de la capitale où réside le Représentant du saint Siège en l’occurrence le Nonce apostolique. On comprendrait encore qu’une déclaration soit l’œuvre d’un laïc, d’un diacre ou d’un vicaire. Mais, qu’elle soit de celui qui est censé être au-dessus des couleurs et sentiments parce qu’appelé à paitre les brebis, cela n’est nullement tolérable !
Les analystes qui suivent de près toutes les déclarations publiques du Cardinal, trouvent que Fridolin Ambongo devrait clairement se définir ou s’afficher comme un acteur politique au lieu de continuer de se cacher derrière ses fonctions religieuses ; alors que toutes ses déclarations n’ont rien à affaire avec sa mission de pasteur.
Vice-ministre/EPST : «les enseignants sont payés par le Trésor public»
Face à la déclaration du Cardinal Fridolin Ambongo qui continue non seulement d’alimenter des conversations mais également de susciter des inquiétudes à la veille de la rentrée scolaire fixée pour le lundi 12 octobre prochain, le vice-ministre de l’EPST Didier Budimbu a décidé de rompre le silence et répondre à son auteur.
Le n°2 de l’Epst rappelle au prélat cette réalité qu’il semble ignorer : les enseignants des écoles conventionnées – qu’elles soient catholiques, protestantes, salutistes, kimbanguistes, musulmanes ou autres – sont payés par l’Etat, propriétaire.
Par-là, il veut rappeler également au chef de l’église catholique de Kinshasa qu’il n’a pas le droit de faire une telle déclaration ou prendre des mesures qui violent la Constitution et les lois du pays, aussi longtemps que l’Etat reste l’unique propriétaire des écoles conventionnées et employeur de ces enseignants. Les églises ne sont que des gestionnaires. C’est aussi lui qui définit la politique nationale de l’éducation que tout le monde, qu’il soit du secteur public ou privé, doit suivre. Faire semblant d’oublier cette réalité relève ni plus ni moins de la mauvaise foi manifeste dont un chef de l’église ne devrait pas faire montre.
En plus, les confessions religieuses avec lesquelles l’Etat avait signé la convention de gestion sont sans ignorer que non seulement les écoles qu’elles dirigent appartiennent à l’Etat, mais également c’est l’Etat qui les avait construites. Le fait de leur avoir donné cela pour gérer ne les rend nullement responsables.
Pour mieux comprendre les dessous de cette déclaration, il faut remonter à la résistance affichée par les écoles conventionnées catholiques face à l’application de la décision gouvernementale décrétant la gratuité de l’enseignement de base. L’opinion peut maintenant conclure que la réaction des gestionnaires du réseau des écoles conventionnées catholiques, leur était dictée d’en haut. Alors, pour quelle raison ceux qui prônent la charité et conseillent dans leur évangile le partage doivent-ils s’opposer à tout ce qui joue en faveur de l’allègement du fardeau social de la population ? L’évangile enseigné n’était que du bluff pour distraire l’opinion, pendant que la motivation poursuivie était tout autre ?
La discrimination aussi nuisible que le tribalisme et le régionalisme
Au même titre, le tribalisme et le régionalisme sont condamnés et sanctionnés par la loi, la discrimination ne devrait pas faire exception. Elle est une gangrène à même de produire des conséquences similaires.
Est-ce par ignorance que des responsables de haut niveau agissent ainsi ou cela procède d’un plan bien défini? Parce que personne n’avait prévu les conséquences des discours xénophobes tenus aux lendemains des élections de décembre 2018 qui avaient fait des morts innocents. Un nombre non négligeable des fidèles catholiques découragés par le silence coupable de la CENCO ne fréquentent plus l’église. Jusqu’où tiendront-ils de tels discours ? Que veulent-ils obtenir ? Wait and see, disent les anglophones.
Lephare