RDC : Nomination du premier ministre J.M Sama Lukonde, le coup de poker osé de Félix ? (C. Ndombo)

Sama Lukonde

L’opinion tant nationale qu’internationale a découvert hier le visage du nouveau premier ministre, successeur d’Ilunga Ilunkamba.

Jean Michel Sama Lukonde Kyenge a été désigné par le président de la République pour prendre les rênes du gouvernement de l’Union sacrée, nouvelle configuration parlementaire née des récents bouleversements politiques

Bouleversements politiques

Alors que se profile à l’horizon et à grand pas 2023, le président de la République dont le temps n’est plus grand allié, pressé par l’exigence des résultats probants joue par ce choix stratégique du nouveau premier ministre un jeu de poker osé qui peut se décrypter en quatre pari

1. Le pari du sud contre le nord Katanga

2. Le pari du FCC réformé contre l’ensemble de Katumbi

3. Le pari du technocrate contre le politicien vertébré

4. Le pari de la jeunesse contre la sénilité.

1. Du pari du sud contre le nord du Katanga

Originaire du haut Katanga, c’est à dire du sud de l’ex-province Katanga, jean Michel Sama Lukonde vient succéder à Ilunga Ilunkamba, Lubakat, un homme du Nord, comme l’ancien président Joseph Kabila.

L’ex province du Katanga demeure encore un pivot géopolitique important. Aussi, la nomination de Sama Lukonde permet de rassurer  » une élite locale » crispée par les dernières tensions politiques ayant divisé l’ancienne coalition FCC-CACH, mais également les tensions sécuritaires exacerbées par une résurgence des bakata Katanga.

A cela il faut ajouter les « attentions très poussées » de l’igf sur les gouverneurs du haut Katanga et du Lualaba et le déferlement judiciaire  probable du général John Numbi.

Et si l’ex province du Katanga demeure au cœur des enjeux stratégiques , c’est surtout en perspective de 2023, et des ambitions présidentielles d’un certain Moïse Katumbi, Bemba du sud, pressenti un moment premier ministre, et qui aurait refusé l’offre, vraisemblablement pour ne pas partager  » le bilan » du président Félix.

La carte  » Sama Lukonde » aurait-elle le mérite de diviser pour mieux régner ? Vieille tactique des années 60 de l’opposition Tshombé- Sendwe? Celle de l’opposition Nord-sud. Ou vise-t-elle à diviser le sud lui-même plutôt, à défaut de conquérir Katumbi lui-même ?

2. Du pari du Fcc réformé contre l’ensemble de Katumbi.

En rejoignant la dynamique des consultations initiées par le président Félix Tshisekedi, Moïse Katumbi, avec ses 90 députés, aurait pu penser jouer un rôle politique majeur au sein de la nouvelle majorité. C’était sans compter avec la grande transhumance des élus de l’ancien Fcc qui ont dénaturé la donne, à tel enseigne que ce qui aurait pu être un coup stratégique semble se transformer désormais en  » partie sans gain majeur ».

Deuxième force de l’Union sacrée, après le Fcc réformé, l’ensemble de Moïse Katumbi ne dispose pas de marge de manœuvre solide pour infléchir le président Félix. Son départ de l’Union sacrée, même associé à Jean Pierre  bemba, ne pouvant basculer la majorité parlementaire fortement consolidée par les transfuges du Fcc, ces derniers constituant la première force politique au sein de l’Union sacrée.

Et si Moïse Katumbi, dans ses propres calculs d’avenir politique aurait refusé la primature, le choix de Sama Lukonde conforte le leadership du président de la République, celui-ci, proche du président, et son parti politique « ACO » de Danny Banza, ambassadeur itinérant du chef de l’état, s’est désolidarisé de Lamuka et du G7 pour soutenir la candidature de Félix Tshisekedi en 2018.

C’est donc un président de la République plus ragaillardi et plus affirmé tant au parlement que désormais au gouvernement qui vient de se consolider par la nomination de Sama Lukonde.

3. Le pari du technocrate contre le politique vertébré

Alors que d’aucuns auraient pu s’attendre à la nomination d’une personnalité politique forte capable de « gérer » cette majorité parlementaire hétéroclite et composite pour pouvoir asseoir une stabilité de l’action gouvernementale, le président fait le choix d’un technocrate et dont le parti ACO ne dispose nullement d’un poids politique majeur au sein de cette nouvelle majorité.

Et si le profil d’un certain Bahati Lukwebo,  patron de l’adfc-A, vertébré de la scène politique et ancien transfuge du Fcc, qui aurait pu vraisemblablement disposer des larges épaules pour mieux bénéficier du soutien des « transfuges du Fcc », les perspectives de 2023 et les velléités présidentielles de l’ambitieux Bahati jouerait en sa défaveur.

En jetant son dévolu sur Sama Lukonde, le président aurait-il trouvé son technocrate sans ambitions présidentielles qui pourrait lui apporter les résultats d’un Matata Ponyo sans les désagréments d’une ambition présidentielle à refreiner ?

4. Le pari de la jeunesse contre la sénilité.

Enfin, le président de la République a pris le pari de l’audace et du dynamisme face à l’immobilisme incarné par la sénilité d’Ilunga Ilunkamba. Le choix de Sama Lukonde répond-il à ce besoin de renouvellement de la classe politique ?

Quoiqu’il en soit, en jetant son dévolu sur Sama Lukonde, le président de la République a pris un pari osé, un jeu de funambulisme de haute voltige où chaque pas est un pari gagné sur le vide.

Christian Ndombo Moleka

Politologue prospectiviste

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