Sur des notes de «violation intentionnelle de la Constitution par le Président de la République suite à ses ordonnances du 17 juillet nommant, notamment deux anciens juges de la Cour Constitutionnelle à la Cour de Cassation, le Prof Raphaël Nyabirungu a embouché très fort sa trompette. C’était au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue mardi 08 septembre à Kinshasa. Ce pénaliste à la retraite prévient un chaos et demande, par conséquent, au chef de l’Etat de rapporter lesdites ordonnances et au Parlement de se prononcer là-dessus. Il internationalise même la question en sollicitant l’implication des organisations au niveau régional. Cette sortie médiatique n’est pas gratuite. Elle annonce assurément un coup fourré du FCC au cours de la session parlementaire qualifiée de tous les dangers qui s’ouvre ce 15 septembre.
Président du MLC, Jean Pierre Bemba se souviendra pour longtemps encore du modus operandi qui a conduit à sa disqualification à la présidentielle 2018. Tel un lanceur d’alerte, le Prof Nyabirungu fit venir un parterre de journalistes pour donner un avis sur son éligibilité ou non; avis qui se révéla par la suite comme option prise par le gourou. Le «chairman» se vit «exit», malgré le génie de ses avocats. Après cet triste exploit, le pénaliste congolais reprend du service. Cette fois-ci pour endosser ou expliciter les récriminations du FCC autour des ordonnances du Président F.A Tshisekedi du 17 juillet à la base d’un tsunami dans l’armée et la justice à la satisfaction de la quasi-majorité des Congolais. Cela après avoir tenté de faire avaler aux Congolais la pilule amère de l’éligibilité de l’ancien Président de la République Joseph Kabila en 2023 alors que celui-ci a épuisé ses deux mandats constitutionnels et est consacré Sénateur à vie par la Constitution.
Mardi 08 septembre à Kinshasa devant un parterre des journalistes, le Professeur émérite et ancien doyen de la faculté de droit à l’UNIKIN a porté assez haut le verbe en déclarant que les ordonnances signées par le Président de la République ont «violé intentionnellement» la Constitution. Cela en énervant certaines de ses dispositions, à savoir les articles 1, 12, 79 alinéa 4, 82, 91, 150, 152, 158. Elles ont ainsi porté atteinte à l’Etat de droit. Et de ce fait, celui-ci chancèle et est même introuvable. Il a poussé son outrecuidance jusqu’à noter que «ces ordonnances ont procédé de la mauvaise foi et de la fraude de la part du Président de la République». Une mauvaise foi qui, à l’en croire, apparait au grand jour lorsque l’on voit comment on a expressément envoyé en mission le Premier ministre pour que le Vice-Premier ministre et Ministre de l’Intérieur puisse contresigner lesdites ordonnances.
Fin calculateur, le moment choisi par Raphaël Nyabirungu pour déverser sa bile sur le Président de la République n’est pas fortuit. C’est à une semaine de la rentrée parlementaire de septembre et d’aucuns qualifient cette session ordinairement consacrée à l’élaboration du budget de «session de tous les dangers». Et comprendre qui le veut. Il plante donc le décor d’une imminente crise.
Le sociétaire du FCC n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il souligne que «le Parlement doit se prononcer sur ces ordonnances qui menacent la cohésion nationale». Appelant les partenaires FCC-CACH à engager un dialogue franc autour desdites ordonnances, il sollicite aussi l’implication de la société civile, des confessions religieuses et de la CENCO. Les organisations régionales, telles la CPGL et la SADC, ne sont pas en marge. Comme Me Théodore Ngoy, il va entonner la rengaine qui veut que les deux juges de la Cour Constitutionnelle nommés présidents à la Cour de Cassation par ces ordonnances avaient choisi d’exercer leurs anciennes fonctions à la Cour Constitutionnelle.
La sortie médiatique du Prof Nyabirungu n’est autre chose qu’une annonce d’un coup fourré que le FCC voudrait asséner contre l’ordre constitutionnel en mettant le Président de la République à rude épreuve. Spécialiste du droit, ce pénaliste connaît pertinemment bien la voie idoine pour obtenir réparation en cas de violation de la Constitution et d’autres lois de la République. Autant il énumère des dispositions légales prétendument violées par le Président de la République, autant il y en a aussi qui peuvent guider sa démarche devant les institutions compétentes pour faire triompher sa cause. Nulle part, il n’est envisagé un dialogue pour réparer une violation, de surcroît intentionnelle, de la loi. Les articles 100, 101, 102 et 103 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65 du Règlement intérieur de cette Cour, se prêtent bien à sa démarche. Comble de tout, il rappelle que le pays est gouverné par un accord qui doit être respecté et qui recommande à son tour le respect de la Constitution. De quel accord, somme toute ésotérique, s’agit-il? Même si accord il y a, en quoi engage-t-il le pays? Quelle est sa portée juridique? C’est vraiment un mélange des genres, une cacophonie, une confusion de la part du Prof Nyabirungu. De quoi à donner raison à son collègue André Mbata qui soutient que tout juriste n’est pas forcément constitutionnaliste. Bref, c’est une incursion hasardeuse dans un monde qu’on ne maîtrise pas, au risque d’induire en erreur ses commanditaires.
Pour mémoire, l’article 100 de la Loi organique précitée dispose que «Le Procureur Général assure l’exercice de l’action publique dans les actes d’instruction et de poursuites contre le Président de la République, le Premier Ministre ainsi que les coauteurs et les complices.
A cette fin, il reçoit les plaintes et les dénonciations et rassemble les preuves. Il entend toute personne susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité». Dans le cas d’espèce, le Prof Nyabirungu, avocat de son état, se doit de déposer sa plainte ou celle de sa famille politique, s’il ne l’a pas encore fait, auprès du Procureur Général (PGR) près la Cour Constitutionnelle et déposer à l’occasion toutes les preuves en sa possession étayant sa plainte. Les articles 101, 102 et 103 de ladite loi indiquent la manière dont le Parlement s’implique en cas de violation de la Constitution par le Président de la République. Encore qu’il faille savoir que toute violation de la Constitution n’est pas forcément intentionnelle. De toutes les façons, il reviendra à la justice de qualifier l’infraction. Par ailleurs, les 2 chambres ne peuvent se saisir d’office des infractions commises par le chef de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions. Ce dernier n’est pas responsable devant le Parlement. Cette institution se saborderait si jamais elle s’engouffre dans la brèche que le Prof Nyabirungu tente de lui ouvrir par sa démarche hasardeuse. Ce qui peut conduire à sa dissolution. Il appartient donc à cet enseignant de convaincre au préalable le PGR près la Cour Constitutionnelle de cette violation intentionnelle de la Constitution afin que le Parlement puisse jouer sa partition.
Le problème est ailleurs
Lentement, mais sûrement, le Président Tshisekedi est en train de déboulonner le système Kabila qui se nourrissait de la corruption et de l’impunité. Dix-huit ans durant, ce système a reposé fondamentalement sur l’instrumentalisation et l’inféodation de l’armée, des services de sécurité, de la police et de la justice. Cela étant, les nominations intervenues au sein de l’armée et dans la magistrature le 17 juillet ne peuvent être nullement les bienvenues dans le camp du FCC. Elles ont déjoué les desseins les plus rocambolesques pour le pays. C’est ce qui explique, entre autres, les lois Minaku-Sakata pour mettre au pas la justice qui semble se réveiller et qui va, à coup sûr, inquiéter tous les bonzes du régime passé habitués à vivre aux mamelles de l’Etat et à jouir de l’impunité. Les expressions «La République des juges» et «Le terrorisme judiciaire» sont made in FCC. Et pourquoi ? Les missions de contrôle de l’Inspection Générale des Finances et les enquêtes de la Police judiciaire des parquets ne sont pas de nature non plus à rassurer tous ces dignitaires. Des fuites font état du non-paiement des taxes et autres impôts dus à l’Etat par des personnes qui paraissaient jusque-là intouchables. Afin de mettre un terme à ce changement qui les incommode, ils sont prêts à faire feu de tout bois. Ils ont besoin, pour ce faire, de l’implication de certaines forces politiques, sociales, religieuses, voire économiques. La montée au créneau de certains leaders politiques n’est pas innocente.
Moïse Musangana/Le Phare