Plusieurs Etats membres de l’Union africaine ont manifesté leur intérêt pour participer au projet hydroélectrique du Grand Inga. Le président congolais Félix Tshisekedi compose également sur ce même dossier avec les ambitions du géant minier australien Fortescue Metals Group.
Le président de la République démocratique du congo, Felix Tshisekedi.
Désireux d’asseoir une stature panafricaine, le président congolais Félix Tshisekedi compte sur le soutien de l’Union africaine (UA) en vue de la concrétisation du programme de développement du marché continental du Grand Inga, qui comprend les projets de méga-barrages d’Inga III à Inga VIII, pour une puissance totale de 42 000 MW. Alors que le consortium sino-espagnol The Inga Unified Consortium est déjà sur les rangs pour le développement d’Inga III, Kinshasa discute en parallèle avec l’australien Fortescue Metals Group, quitte à donner l’impression de jouer sur tous les tableaux.
D’après les informations d’Africa Intelligence, Felix Tshisekedi a reçu en audience, le 28 octobre, le représentant de l’Union africaine (UA) en charge des infrastructures Raila Odinga. Au cours de cette rencontre, l’ex-premier ministre kényan, qui s’est longtemps opposé au chef de l’Etat Uhuru Kenyatta avant d’opérer ces dernières années un spectaculaire rapprochement , a soumis à l’exécutif congolais un document détaillant les engagements de plusieurs Etats membres de l’UA pour le Grand Inga.
Selon ce texte, qu’Africa Intelligence a pu consulter, ce ne sont pas moins de cinq pays qui ont précisé leur intention de devenir acheteurs à court et moyen terme pour Inga III. Le premier d’entre eux est l’Afrique du Sud, dont le volume d’achat a fait l’objet de nombreuses circonvolutions en raison de la crise majeure traversée par la société publique d’électricité Eskom. Il devrait finalement s’élever à 2 500 MW, au lieu des 5 000 MW promis initialement .
Suivent, dans l’ordre, le Cameroun et le Botswana, qui se sont arrêtés chacun sur 500 MW, la Namibie (entre 300 et 400 MW), et le Congo-Brazzaville (200 MW). Deux autres pays n’ont pas encore pris d’engagements fermes. Il s’agit de l’Angola et de la Zambie, chacun d’entre eux planchant sur une demande dans un premier temps de 500 MW.
Avalanche de promesses
Douze autres pays ont manifesté leur intérêt pour participer au projet, via notamment la construction de lignes de transmission électrique afin de donner corps au marché continental. On retrouve ainsi le Botswana, la République centrafricaine, l’Ouganda, le Kenya, le Nigeria, la Namibie, le Ghana, le Gabon, l’Egypte, le Zimbabwe, le Rwanda et le Burundi. D’après l’UA, le marché à prioriser est celui du South African Power Pool (SAPP), dont la demande en électricité pour le futur Grand Inga est évaluée en 2045 à 8 000 MW.
Censée sécuriser et rendre bankable le projet, et plus particulièrement la première tranche d’Inga III, cette avalanche de promesses de mégawatts fait suite à la conférence virtuelle sur le Grand Inga, qui s’est tenue du 22 au 29 juin . Celle-ci avait été organisée conjointement par l’exécutif congolais et l’UA, avec pour ambition de donner une dimension panafricaine à ce vaste projet, ainsi qu’à son principal maître d’œuvre, le président Tshisekedi.
Un duo Fortescue-The Inga Unified Consortium ?
Autant par volonté de prouver au milieu des affaires l’attractivité de la RDC que par souci de bénéficier des meilleures offres, Kinshasa entend laisser la porte ouverte à tous les investisseurs, quitte à devoir parfois concilier des intérêts contradictoires. C’est le cas notamment de sa relation avec le minier Fortescue Metals Group. Absent en Afrique après son échec à prendre pied dans le gisement guinéen de Simandou, le géant australien tente un grand retour sur le continent en faisant irruption dans le jeu énergétique congolais.
En déplacement à Kinshasa à la mi-septembre, le président du groupe, Andrew Forrest, a ainsi signé un accord avec le gouvernement congolais pour le développement d’une série de sites électriques d’une puissance de plus de 70 000 MW – soit sur le papier près de trente fois la puissance installée actuelle de la RDC. L’objectif du groupe australien est de fournir l’alimentation nécessaire pour des projets d’exploitation minière dans le pays, et non a fortiori pour exporter de l’électricité vers les pays de l’UA. Preuve de sa volonté d’aller vite, Fortescue a d’ores et déjà nommé le Français Olivier Ronin, un ancien haut cadre du producteur belge de malt Boortmalt, au poste de regional manager pour l’Afrique.
Les ambitions de Fortescue se sont précisées le 5 novembre, à l’occasion de la visite dans la capitale congolaise de sa directrice générale adjointe, Julie Shuttleworth, pour s’y entretenir avec le premier ministre Sylvestre Ilunga et Alexy Kayembe de Bampende, le conseiller spécial en charge des infrastructures auprès de Félix Tshisekedi. D’après les informations d’Africa Intelligence, la direction de Fortescue a présenté à ses interlocuteurs un chronogramme détaillant son projet pour le Grand Inga, et plus particulièrement pour Inga III, pour lequel l’australien propose une offre de construction évaluée à 6 milliards de dollars.
Sauf que le développement de ce dernier a été confié en août dernier par Kinshasa au consortium sino-espagnol The Inga Unified Consortium pour un coût estimé à 13 milliards de dollars. Séduite par l’offre de l’australien, qu’elle juge fiable et susceptible d’aller plus vite pour construire le méga-barrage, la présidence congolaise tente d’associer les deux parties. Pour ce faire, Alexy Kayembe de Bampende a récemment demandé à Fortescue de s’entretenir avec le consortium sino-espagnol afin, éventuellement, de faire aventure commune sur Inga III.
Contacté par Africa Intelligence, Fortescue n’a pas souhaité donner davantage de détails, mais a insisté sur sa volonté de « mener des études de développement dans des projets utilisant les ressources hydroélectriques de la RDC pour soutenir les opérations industrielles vertes ».
Africa Intelligence