Désarmement, sécurité et fin mandat : Questions directes à SIMABATU MAYELE SIM’S NONO
Article publié le 15 novembre 2016
SIMABATU MAYELE SIM’S NONO, Expert sur les questions liées au Désarmement et Sécurité Internationale et défenseur de Droits Humains en République Démocratique du Congo.
1. Que devons-nous comprendre à travers le concept du désarmement ?
Le terme « désarmement » possède des résonances biens différentes selon l’oreille qu’on lui prête. Pour un esprit idéaliste, il évoque tout simplement l’élimination des armements tandis que pour un esprit réaliste et averti il renvoie à la politique des Etats, à leurs manœuvres diplomatiques et préoccupations stratégiques.
Dans une acception étroite, qui serait la plus rigoureuse, il vise les mesures tendant à restreindre volontairement, voir éliminer totalement les armements, et les forces armées existants dans le but de prévenir les conflits.
Dans une acception plus large, et plus généralement reçue, il comprend également l’ensemble des méthodes et moyens permettant d’empêcher ou limiter l’utilisation, la fabrication ou de l’emploi et stockage des armes.
2. La RDC est-elle favorable à un désarmement favorable des Nation-Unies ?
Le désarmement général et complet ou l’élimination progressive des armes à destruction massive est l’un des objectifs que s’est fixé l’ONU. En effet, éliminer le danger de la guerre nucléaire et mettre en œuvre des mesures destinées à arrêter et à inverser la course aux armements est au cœur de l’Organisation.
L’objectif des Nations Unies en cette matière n’a pas changé, mais la portée des délibérations et des négociations évolue en fonction des réalités politiques et de la situation internationale.
La RDC, état signataire de plusieurs instruments juridiques régionaux et internationaux favorisant le désarmement général et complet et des armes à destruction massives, a mise en œuvre et améliore ses instruments juridiques nationaux conformément aux priorités dictés par les Nations Unies. La RDC prône le désarmement général et complet.
3. Quelle est l’état du Désarmement en République Démocratique du Congo ?
R/Notre pays a souscrit à plusieurs instruments Internationaux à l’instar du traité de Pelindaba signé depuis le 11 avril 1996, régionaux et sous régionaux du secteur du désarmement et de la sécurité Internationale et a mis en place plusieurs structures, commissions ministérielles, interministérielles et points focaux pour leur mise en œuvre d’où la mise sur pied d’un décret n°011/44 du 14 décembre 2011, portant création d’un Comité National du Désarmement et Sécurité Internationale ayant pour objectif de coordonner et veiller à la bonne application de ces structures.
Il y a des avancées significatives mais beaucoup reste à faire pour mettre en place une bonne politique nationale en la matière. car jusqu’en ce jour nous devons faire remarquer que 95% des structures de ce secteur ne dispose pas d’un budget de fonctionnement. D’autres difficultés sont liées aux dérives autoritaires, par exemple la Commission Nationale sur les Armes Légères et des petits Calibres ; CNC-ALPC en sigle qui malgré sans budget de fonctionnement jusqu’à ce jour, a pu bénéficier de la part des partenaires techniques et financiers de machines sur le marquage pour permettre une bonne identification et traçage des armes et tant d’autres matériels afin de faciliter ce travail. Mais jusqu’en ce jour, où en somme nous avec ce matériel ? D’autres groupes électrogènes et matériels roulant se sont retrouvés dans des fermes privés de certaines de nos autorités.
4. En tant qu’expert dans le domaine sécuritaire et du désarmement, comment jugé-vous l’insécurité récurrente à l’Est du pays, malgré l’existence de votre structure, mesures et opérations militaires pour la protection de la population ?
R/ En notre qualité d’expert, nous suivons et évaluons les activités des commissions ministérielles, points focaux ainsi que des partenaires du secteur dans le cadre des engagements de notre pays conformément à l’art deux alinéa un du Décret N°11/44.
A ce titre notre mission principale est de veiller à la bonne application par les commissions Interministérielles et points focaux, des conventions, Traités ou autres instruments juridiques internationaux du secteur du Désarmement signé ou ratifiés par la RD.CONGO.
La responsabilité première incombe à l’Etat Congolais, aux autorités qui sont sensés garantir la paix et la sécurité des personnes et de leurs biens sur l’ensemble du territoire.
A notre niveau, nous suivons, menons des activités, faisons des analyses pour non seulement proposer des pistes des solutions sur la situation sécuritaire dans notre pays, mais nous formulons aussi les recommandations au gouvernement.
Nous avons élaboré un Plan d’Action Quinquennale (PAQ) 2014-2018 qui constitue un cadre de référence des projets à mener durant 5 ans en matière de Désarmement et Sécurité Internationale ; pour mener à bon port les activités du en la matière et avec objectif de doter notre pays d’une politique nationale du Désarmement et Sécurité Internationale. Malheureusement jusqu’en ce jour ce plan n’a pas été mis en œuvre par manque de volonté politique de la part ceux qui décident dans ce secteur.
Plusieurs plans stratégiques, plaidoyer ont été faites et tant d’autres projets au niveau des commissions interministérielles ont étés élaborer pour une bonne coordination des activités dans ce secteur, mais aussi pour mener des enquêtes techniques et non technique dans notre territoire national précisément à l’EST de notre pays pour non seulement s’imprégner de la situation d’une manière générale mais aussi pour comprendre les causes profonde par exemple concernant la situation au Nord Kivu et Beni mais les autorités ayant dans leurs attributions la sécurité n’ont jamais soutenu ces projets ou même signés des ordres de missions pouvant féliciter la descente sur terrain des agents ou experts en la matière pour s’imprégner de la situation.
Nous constatons un manque total de la volonté politique et de la vision sur la politique sécuritaire de nos autorités en cette matière et souvent ceux qui ont une vision et l’expertise de doter notre pays d’un bon mécanisme et d’une politique efficace du désarmement et la sécurité sont souvent victime de plusieurs combats par ceux qui décident en la matière.
Les autorités sont plus préoccupées par le positionnement et les intérêts de leur famille politique que l’intérêt générale en ce qui concerne la sécurité de nos populations plus précisément à L’EST du pays.
Ainsi, cela fait plus de vingt ans qu’ils ne parviennent plus à le garantir. Pire encore, nous avons l’impression qu’il en est l’un des acteurs de cet insécurité voir même complice dans certain endroit des pillages et d’instabilité dans la région dont certains ont été cités dans le rapport Mapping de Nations-Unies publié en Août 2010.
5. Qu’est ce qui explique le regain des violences dans l’Est de la RD. Congo et en particulier à Beni, malgré l’embargo sur les armes et la présence de la Monusco ?
Cette question d’embargo est devenue un alibi ou justificative de la part de certains membres du gouvernement pour couvrir leur incapacité à protéger la population de l’Est alors que présentement, la RD. Congo n’est plus sous embargo des Nations Unies, elle a été levé par la résolution 1807 du Conseil des Sécurité des Nations Unies du 31 Mars 2008 et ne reste en vigueur que pour les groupes armés opérant à l’Est de la république. Plusieurs facteurs sont à la base de l’insécurité à l’est et quant aux responsabilités, elles sont aussi diverses et variés ainsi qu’à d’échelles différentes.
6. Avez-vous l’idée sur la vraie identité des assaillants qui opère dans cette région ?
Pour cette question, je veux vous envoyer à la lecture du rapport du groupe d’experts des Nations-unies d’enquête intitulé numéro 1 « Qui sont les tueurs de Beni », publié en mars 2016. Un rapport minutieux basé sur les enquêtes sur terrain.
Dans ce rapport il est dit que les ADF sont en grande partie responsable de la violence. Cependant ils ne sont pas les seuls responsables. Il y a aussi la complicité passive et la participation active de certains officiers de la FARDC à ces massacres, refusant parfois l’intervention nocturne sous l’instigation des responsables militaires dont le général Muhindo « Mundos » impliqué dans le commerce illicite de Bois. Aux ADF et FARDC, il faut ajouter le rôle des groupes armés résiduels. Les FARDC et les ADF sont loin d’être les seuls acteurs militaires dans le territoire de Beni. Ce terrain a depuis longtemps été le champ de mobilisation d’autres groupes armés, et des rapports concordent sur la participation de deux de ces groupes : un réseau d’anciens officiers du RCD/KML et d’anciens officiers du M23.
En lisant ce rapport vous serez édifié sur les origines et auteurs du conflit armé de Beni.
7. Dernièrement il y a eu un procès contre des présumés ADF à BENI, qu’elle en est l’issue ?
Quatre des six personnes présumées auteures des massacres des civils dans le territoire de Beni ont été condamnés à la peine de mort. L’arrêt de la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu qui jugeait en audience foraine les six prévenus a été rendu le lundi 17 octobre devant de nombreux habitants. Parmi les quatre condamnés figuraient deux imams mis en cause dans le recrutement des rebelles ougandais des ADF, présumés auteurs de plusieurs massacres perpétrés contre les civils à Beni.
Vous comprendrez le maigre résultat de ces arrestations au regard des multiples massacres qui sont perpétré sur cette partie du pays.
8. Comment expliquer que l’Ouganda ne demande pas l’extradition de ces ADF capturés à BENI et présentés comme ses ressortissants ?
En lisant le rapport du groupe d’experts de Nations-Unies, vous comprendrez que l’Ouganda avait déjà eu dans le passé signé un accord de paix avec le NALU, cet accord avait donné lieu au retour massif des ADF dans leur pays. Mais comme il est de coutume dans les conflits armés en Afrique, une frange des rebelles avaient refusé ce deal. Il y a aussi un fait non la moindre, la doute sur l’identité réelle de ces assaillants quand on sait que les ADF resté au Congo ont une certaine familiarité ethnique étant en majorité Nande, ethnie majoritaire à BENI. Dans cette lignée il est ainsi difficile à l’Ouganda d’exiger l’extradition des citoyens qui n’ont jamais menacé sa sécurité intérieure.
9. Quel peut être la solution durable en vue d’éradiquer cette vague d’insécurité ?
Tout au long de cette interview vous allez constater la stigmatisation sur l’absence d’une volonté politique, la non-prise en compte des recommandations, la passivité et complicité de certains responsables politico-militaires.
Ainsi toute solution durable passe en premier lieu par un changement de régime politique, étant donné que l’actuel est arrivé à échéance. Ainsi au nouveau venu seront présentés toutes les recommandations et solutions qui étaient restées dans le placard de l’actuel gouvernement sortant du président Joseph Kabila.
Ce n’est qu’à ces prix-là, que nous serons en mesure d’évaluer l’inefficacité ou pas des recommandations préconisées.
10. La RDC vit un moment particulier de son histoire avec la crise politique à venir consécutive à la fin du Mandat du Président Kabila, comment évaluez-vous l’après 19 décembre ?
Le président Kabila tient mordicus à s’accrocher au pouvoir même au prix du sang. A mon avis et au vu des derniers manifestations passées, il a deux scenarios qui vont lui permettre à demeurer au pouvoir. La première stratégie est celle relative à contenir toute revendication populaire en plaçant de manière quasi permanente dès la mi-décembre, ses militaires loyaux dans les différents points chauds de quartiers contestataires. Le deuxième scénario est proche du scénario burundais où il faut laisser un semblant chaos afin de venir par la suite rétablir l’équilibre par les arrestations, enlèvements et disparition des opposants radicaux ainsi que de leurs partisans.
Le second scénario sera une violente répression, restriction des libertés d’expressions et associations qui constituant de fait, une atteinte aux droits humains, socle d’une démocratie.
Nous devons savoir lire les signes du temps, vu les évènements du 19 et 20 septembre 2016, le régime actuel nous laisse croire qu’il est prêt à tout pour la conservation de son pouvoir.
11. Quel est votre dernier mot ?
Nous demandons aux décideurs d’appliquer effectivement les recommandations formulées par les commissions ministérielles, interministérielles, points focaux et autres acteurs du secteur pour une mise en œuvre efficace.
Aussi, je l’adresse en l’endroit de la population congolaise de s’armer du courage afin de faire échec à cette confiscation de la démocratie par le clan de Kabila, comme le stipule l’article 64 de la constitution ; Une démocratie gage de l’avenir glorieux du pays.
RGL
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