« Crise du M23 » : Les propositions russes « d’accompagnement » techniques et militaires à la RDC

Echaudées par la tournure des événements en Centrafrique et au Mali, les puissances occidentales redoutent un rapprochement de la RDC avec la Russie et souhaitent maintenir un contrôle à minima par l’ONU de l’embargo sur les armes dans le pays.

Adoptée fin juin au conseil de sécurité, la nouvelle résolution onusienne sur la RDC comprend quelques aménagements au régime d’embargo sur les armes. Loin d’interdire l’importation de matériel militaire par Kinshasa – seuls les groupes armés sont visés par cette interdiction -, ce régime impose seulement à l’exportateur de notifier ses livraisons auprès des Nations unies. Avec cette nouvelle résolution, cette obligation est limitée à l’armement léger, mais elle concernera également les formations militaires dispensées par des tiers.

Cette dernière disposition n’est pas innocente. Elle vise avant tout à garder un œil sur les velléités de Moscou, et plus particulièrement la nébuleuse paramilitaire Wagner, de s’ingérer dans les affaires congolaises. Les Occidentaux n’ont pas oublié le modus operandi de l’entrisme de la Russie en Centrafrique – soumise à l’époque à un embargo onusien. Celui-ci a débuté en 2018 par l’envoi, auprès des forces armées centrafricaines, d’instructeurs officiellement présentés comme appartenant à l’armée russe, mais étant liés pour nombre d’entre eux aux sociétés de la galaxie Wagner. Cette crainte est d’autant plus prégnante que la RDC est depuis plusieurs années dans le viseur du groupe cofondé par Dmitri Utkine – un ancien officier du GRU – comme l’atteste une liste interne de pays-cibles datant de 2017.

Appréhension autour de Viktor Tokmakov

Les diplomates occidentaux en poste à Kinshasa ont également noté avec appréhension l’arrivée courant 2021 de Viktor Tokmakov comme numéro 2 de l’ambassade de la fédération de Russie à Kinshasa. Ce dernier avait auparavant fait fonction de premier conseillé de l’ambassade à Bangui, où il entretenait des liens étroits avec Valery Zakharov, l’ancien conseiller chargé des questions de sécurité du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra. Tous deux sont réputés être les artisans de l’implantation de la nébuleuse Wagner dans le pays.

Qu’elle soit économique ou politique, l’influence russe en RDC demeure toutefois très limitée pour l’instant. Dès le début de son mandat en 2019, la présidence de Félix Tshisekedi a opté pour un renforcement de la relation avec les Etats-Unis – l’objectif était alors de faire contrepied à l’idylle entre Pékin et le régime de son prédécesseur Joseph Kabila. Les Occidentaux ont cependant détecté ces derniers mois des signaux faibles interprétés comme une volonté d’influence dans le pays. Des pancartes à l’effigie du président russe Vladimir Poutine ont fait leur apparition lors de manifestations récentes contre l’appui supposé du Rwanda à la rébellion armée du M23. En février dernier, en soutien à la guerre russe en Ukraine, un convoi de plusieurs véhicules a défilé dans Kinshasa en arborant des drapeaux.

Les propositions russes « d’accompagnement »

 Au sein du ministère congolais des affaires étrangères, la Russie constitue une option évidente pour élargir le panel du multilatéralisme. Au regard de la doctrine diplomatique de Kinshasa du « le Congo est ouvert, mais pas offert », et des déceptions à l’égard des partenaires occidentaux en matière sécuritaire et économique – renforcées par les hésitations à mettre en cause le Rwanda -, la RDC souhaite étudier les propositions russes d' »accompagnement ». Moscou a exprimé son désir de développer la coopération tant militaire que technique notamment dans la lutte contre les groupes armés à l’est du pays – où un observateur militaire russe est mort dans l’hélicoptère de la Monusco abattu par le M23 à la fin du mois de mars – et attend les demandes officielles de Kinshasa.

La présidence congolaise et son appareil diplomatique n’ont pour l’instant pas encore transmis d’instructions officielles au nouvel ambassadeur en Russie, Ivan Vangu-Ngimbi, nommé le 15 février et arrivé début juin. Son ministre, Christophe Lutundula Apala, l’a chargé de soumettre des propositions et une feuille de route. L’ambassade congolaise à Moscou attend également l’envoi d’un attaché de défense pour mener les discussions sur la coopération sécuritaire.

Africa Intelligence

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