La Zambie devait 6,6 milliards de dollars aux financiers chinois en août, et non 3,4 milliards de dollars comme indiqué par l’administration sortante, selon China Africa Research Initiative
Le manque de divulgation et de transparence complète semble compliquer la demande d’allégement de la dette de la Zambie par les pays du G20 et les espoirs d’un renflouement du FMI.
Les nouveaux dirigeants du pays, en défaut de paiement depuis août 2020, doivent restructurer une dette dont ils ignorent l’ampleur.
Quelques jours à peine après avoir remporté l’élection présidentielle en Zambie du 12 août 2021, Hakainde Hichilema a découvert un « trou plus gros que prévu » dans les finances du pays. Ce « trou » de la dette engloutissait près de 40 % des recettes fiscales jusqu’à ce que le pays se déclare en défaut de paiement à l’automne 2020. Le nouveau président, élu en août sur fond de colère sociale et de hausse des prix, a désormais la délicate mission de renégocier la dette extérieure, dont le tiers serait détenu par la Chine.
Premier défi : retrouver toutes les dettes, y compris celles qui se sont égarées. Un ministère a peut-être emprunté de l’argent à un créancier chinois sans prévenir personne au gouvernement, comme cela arrive parfois, ou l’Etat va peut-être découvrir, à la suite d’un défaut de paiement inattendu, qu’il doit rembourser un emprunt dont il s’était porté garant.
Selon les calculs du laboratoire AidData, de l’université américaine William & Mary, la dette cachée de la Zambie vis-à-vis de la Chine représenterait à elle seule 8 % de son PIB.
« Maintenant que nous sommes au pouvoir, nous commençons à voir que les chiffres officiels de la dette ne correspondent pas vraiment aux chiffres réels, a affirmé fin août M. Hichilema à l’agence Bloomberg, une semaine après son élection. Des accords ont été négociés en dehors des canaux habituels, c’est-à-dire que de la dette a été accumulée sans autorisation du Parlement. » Le nouveau président ne veut rien cacher de la dette abyssale de la Zambie, qui a été multipliée par sept en six ans, tout en prenant garde à ne pas effrayer les investisseurs. « Les créanciers de la Zambie ne doivent pas s’inquiéter de notre situation financière. Nous parviendrons à une solution à l’amiable et bénéfique pour tout le monde », a-t-il écrit sur Twitter, quelques jours plus tard. « Il va falloir mettre sa ceinture, car ce sur quoi on va tomber ne va pas être joli », prévient toutefois un diplomate au sujet de la situation financière du pays.
Dans les poches d’anciens responsables politiques
Le pays s’est engagé dans la procédure du « cadre commun » du G20 qui prévoit une coopération renforcée entre tous les créanciers, y compris la Chine, pour restructurer les dettes. La Zambie et le Fonds monétaire international (FMI) doivent se mettre d’accord sur la « nouvelle trajectoire fiscale » à adopter avant que celle-ci ne soit transmise au secrétariat du G20 puis discutée avec les autres créanciers. Le nouveau ministre des finances et ancien employé du FMI Situmbeko Musokotwane a promis de doubler les revenus tirés de l’exportation du cuivre, et de relancer des secteurs-clés tels que l’agriculture et le tourisme pour redresser l’économie. L’Etat pourrait réduire certaines subventions pour l’achat d’engrais ou d’essence, si l’on en croit les journaux du pays, mais « les dépenses sociales seront préservées », assure Preya Sharma, la représentante du FMI en Zambie.
La dégringolade du cours du cuivre, qui fournit à la Zambie 70 % de ses revenus tirés de l’exportation, et la dépréciation de sa devise qui a renchéri le remboursement de ses emprunts libellés en dollars, a précipité le pays vers le défaut de paiement. « Les dépenses dans les infrastructures n’étaient pas aussi optimisées que dans d’autres pays », ajoute Preya Sharma. En langage moins diplomatique, une partie de l’argent qui servait à construire les routes et le nouvel aéroport s’est perdue en chemin, ou, plus probablement, dans les poches d’anciens responsables politiques zambiens.
Le montant total de la dette zambienne à restructurer avoisinerait les 13 milliards de dollars (11 milliards d’euros) et l’Etat s’est engagé à traiter tous ses créanciers équitablement. « Les autorités zambiennes ont partagé avec le FMI les données complètes sur la dette, tient à préciser la représentante de l’institution en Zambie, et nous sommes prêts à réévaluer la situation si de nouvelles données apparaissent. »
Julien Bouissou
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