RDC, Zambie…“des pays pauvres d’Afrique” tombés dans le «piège de la dette» chinoise

En RDC, Les taux d’intérêt sur les prêts accordés par la Chine , les données techniques de la mine et la direction générale des projets sont particulièrement préoccupants, a déclaré le ministre des Finances Nicolas Kazadi dans une interview le 25 septembre à Kinshasa, la capitale

En Zambie, la Chine a favorisé le gouvernement « corrompu » de Lungu qui a caché « le réel chiffre » de la dette. La Zambie devait 6,6 milliards de dollars aux financiers chinois en août, et non 3,4 milliards de dollars comme indiqué par l’administration sortante, selon China Africa Research Initiative. Le manque de divulgation et de transparence complète semble compliquer la demande d’allégement de la dette de la Zambie par les pays du G20 et les espoirs d’un renflouement du FMI.

Depuis vingt ans, Pékin a versé, en dons et surtout en prêts, 843 milliards de dollars à 163 pays à faible et moyen revenu, selon un rapport américain. La Chine est certes généreuse, mais son aide se paie cher.

Les financements de la Chine en direction des pays en développement ont atteint des sommets, dépassant de loin l’aide déboursée par l’ensemble des pays riches de la planète.

Pékin a versé, en dons et surtout en prêts, 843 milliards de dollars (722 milliards d’euros) à 163 pays à faible et moyen revenu au cours des deux dernières décennies, soit six fois l’enveloppe budgétaire du plan Marshall, destinée à la reconstruction de l’Europe au lendemain de la seconde guerre mondiale (en tenant compte de l’inflation de la devise américaine depuis 1947). Cela représente, en moyenne annuelle, 85 milliards de dollars, soit deux fois plus que les sommes versées par les Etats-Unis et les autres grandes puissances.

Ce chiffre inédit, tiré d’un rapport de l’université américaine William & Mary, publié mercredi 29 septembre, donne une idée de l’ampleur de l’expansionnisme chinois et de la situation de dépendance dans laquelle se trouvent les pays en développement.

L’encours des emprunts chinois dépasse désormais les 10 % du produit intérieur brut (PIB) dans quarante-deux pays en développement alors que leurs finances publiques sont fragilisées par la crise du Covid-19.

Pour parvenir à ces estimations, plus d’une centaine de chercheurs du monde entier, en Allemagne, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, ont décortiqué près de 91 000 documents officiels de 13 427 projets financés par Pékin, rédigés dans de nombreuses langues, du néerlandais au persan en passant par le portugais.

Une aide qui se paie cher

La Chine est généreuse, mais son aide se paie cher. Contrairement aux pays riches, elle ne finance pas les économies en développement avec une majorité de dons et de prêts à taux réduits. Depuis le lancement des « nouvelles routes de la soie » en 2013, la part des prêts commerciaux a rapidement pris le dessus, notamment pour financer les grands projets d’infrastructures – avec un coût supérieur à 500 millions d’euros – dont le nombre a triplé en moyenne annuelle entre 2013 et 2017.

« Depuis, la Chine a réduit la voilure, remarque cependant Andrew Small, chercheur au German Marshall Fund. La crise du Covid-19 est passée par là et les grands projets ne sont pas sans conséquences politiques et diplomatiques. » Dans des pays comme les Maldives ou le Sri Lanka, les financements chinois ont par exemple été accusés de favoriser le pouvoir en place, d’alimenter la corruption ou d’alourdir la dette.

Les taux d’intérêt pratiqués sont parfois élevés car la Chine « prête de manière disproportionnée à des pays dont la solvabilité est fragile », peut-on lire dans le rapport. Pékin peut exiger de ces pays de souscrire une assurance, ou de demander la caution d’un tiers pour se protéger des risques, voire de gager les prêts sur des actifs. Même si la Chine a rarement pris le contrôle d’infrastructures gagées comme des ports ou des terrains, elle peut en tirer des gains géopolitiques. L’exploitation du port de Hambantota, au Sri Lanka, étape importante du trafic maritime dans l’océan Indien, a été confiée en 2019 à une société chinoise pour 99 ans, à la suite de l’incapacité de Colombo à honorer sa dette.

Les auteurs du rapport montrent toutefois que les liquidités sont en majorité utilisées comme garantie. « Des créanciers chinois demandent qu’une somme équivalente à une partie du prêt soit déposée sur un compte offshore, celle-ci pouvant être saisie en cas de défaut, rapidement et sans passer par les tribunaux », explique Bradley Parks, le directeur du laboratoire AidData, à l’université William & Mary.

Lorsque les gouvernements, surendettés, n’ont pas la capacité d’emprunter, la Chine leur propose d’autres choix. Elle prête par exemple à des entreprises ou à des organismes semi-étatiques – sommes qui ne figurent pas dans les comptes publics – tout en réclamant des garanties de l’Etat. A l’été 2020, Pékin a ainsi demandé au gouvernement des Maldives de lui rembourser le prêt d’un homme d’affaires en faillite, qui lui avait été accordé avec une garantie de l’Etat.

Problèmes de transparence démocratique

Plus des deux tiers des prêts chinois analysés par AidData sont ainsi distribués à des joint-ventures ou à des entités qui ne dépendent pas directement du gouvernement alors qu’ils ne constituaient qu’une petite minorité avant 2013. A la moindre crise, ces dettes privées peuvent soudain se transformer en dettes publiques.

« Le problème, ce n’est pas seulement que le montant d’une dette soit confidentiel, mais que les pays en développement ne sachent pas combien ils devront rembourser au cours des prochaines années », déplore M. Parks. Ces encours dissimulés représenteraient dans les pays en développement l’équivalent de 5,8 % de leur PIB.

« Déjà problématiques en temps normal, les dettes cachées sont particulièrement inquiétantes au moment de la pandémie de Covid-19 car les capacités de remboursement des pays à bas et moyen revenu sont diminuées », avertit le rapport.

Selon le dernier décompte du Fonds monétaire international, trente-six pays frôlent le défaut de paiement ou y sont déjà et quarante-sept ont bénéficié d’une initiative de suspension du service de la dette dans le cadre du G20. Une situation de fragilité dont la Chine, devenue en l’espace de trente ans le premier créancier de la planète, pourrait tirer profit, comme cela s’est produit dans le passé. Alors qu’elle cherchait à imposer son candidat à la tête de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 2019, elle a discrètement annulé la dette de 70 millions de dollars du Cameroun, qui, peu de temps après, a retiré son candidat de la course.

L’augmentation rapide des emprunts chinois dans les pays en développement complique aussi les procédures de restructuration collective des dettes. Pékin exigeant que les montants restent confidentiels, comment les créanciers d’un pays au bord du défaut de paiement peuvent-ils évaluer sa solvabilité ou ses capacités de remboursement ? Et comment s’assurer que le principe de l’équité dans le traitement des créanciers soit respecté ? De plus, cette opacité pose de sérieux problèmes de transparence démocratique, puisque les gouvernements doivent cacher à leurs contribuables les sommes que ces derniers devront rembourser tôt ou tard.

En 2020, la Chine s’est engagée pour la première fois à collaborer au Club de Paris et à participer aux efforts collectifs de restructuration de la dette, mais les résultats sont encore incertains. « Dans les réunions internationales, Pékin dit le contraire de ce qui est écrit dans ses contrats », souligne Bradley Parks.

Julien Bouissou

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