EACRF/SADC/BIR/CIRGL/MONUSCO/ CEEA/UA: Vers la création d’une « structure commune » , » centralisée » et « interrégionale » de « coordination » de toutes les forces d’intervention qui seront déployées en RDC?

Les dirigeants de la SADC présents à Windhoek

Tshisekedi est-il en train de faire du « forum-shopping » entre l’EACRF et la SADC, cherchant désespérément de l’aide pour vaincre le M23 afin d’augmenter ses chances de réélection en décembre ? Et la SADC tombe-t-elle dans le piège du forum – shopping de Félix Tshisekedi ?

L’organisation d’un » grand sommet élargi » qui inclurait la SADC, la Communauté de l’Afrique de l’Est, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et la Monusco sera- t- elle possible pour proposer la création d’une structure commune ou d’un organe de coordination de toutes les forces d’interventions régionales en RDC ?

Tshisekedi a récemment annoncé qu’il voulait que l’EACRF quitte le pays d’ici juin car elle ne remplit pas son mandat d’attaquer et de mater les rebelles du M23. Tshisekedi s’est également plaint à plusieurs reprises que le Rwanda soutiendrait à nouveau le M23 à se redéployer.

Le gouvernement congolais soupçonne également que le Burundi et l’Ouganda – qui participent à l’EACRF aux côtés du Kenya et du Soudan du Sud – sont essentiellement là pour poursuivre leurs propres ennemis rebelles qui se cachent dans l’est de la RDC.

Lac Albert, « le Dilemme du pipeline » de Tshisekedi

En tout, Félix Tshisekedi ne chassera pas les troupes de l’EACRF selon plusieurs observateurs. Chasser les troupes de l’EAC sera un pari risqué pour la RDC en quête d’accès au pipeline de l’EACOP avec l’Ouganda (qui compte plus de 9000 troupes en RDC) et la Tanzanie (qui a de troupes au sein de BIR des Nations unies). Le président congolais, Félix Tshisekedi, s’active pour que son pays soit partie prenante du projet ougandais d’exportation pétrolière via la Tanzanie. Malgré le scepticisme de TotalEnergies, Tshisekedi veut convaincre Museveni et Suluhu de lui céder des parts dans l’EACOP nécessaires pour désenclaver le bloc 1&2.

Ce qui fait que malgré les menaces et les hésitations du président congolais   sur l’avenir de l’accord-cadre pour la paix d’Addis-Abeba, Félix Tshisekedi ne compte pas chasser les troupes de l’EAC et de tourner la page de 10 ans après sa mise en application, un processus soutenu par les Etats-Unis.

Le nouveau commandant kenyan de la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EACRF), le major-général Alphaxard Muthuri Kiugu, a pris ses fonctions à Goma, apportant une certaine certitude à la mission .

De profondes appréhensions et divergences quant au mandat et aux intentions de la force de l’Afrique de l’Est en République démocratique du Congo (RDC) sont à l’origine de la décision de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) de déployer ses troupes dans cette région turbulente.

À première vue, la décision semble étrange. D’abord parce que la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EACRF) n’est présente dans l’est de la RDC que depuis quelques mois . Et deuxièmement, parce que la SADC y a déjà des troupes – la Brigade d’intervention Rapide (FIB) – destinée à être la pointe de la mission de maintien de la paix des Nations Unies Monusco qui est en RDC depuis 10 ans.

Malgré ces diverses interventions, l’organe de sécurité de la SADC, ainsi que les pays contributeurs de troupes de la FIB, « ont approuvé le déploiement d’une Force de la SADC dans le cadre de la Force en attente de la SADC comme réponse régionale en appui à la RDC pour rétablir la paix et la sécurité dans l’Est de la RDC. », lors d’un sommet à Windhoek le 8 mai.

Dissensions au sein de SADC sur l’emploi de la force contre le M23

 Lors d’une réunion du sous-comité de défense de l’organe de la SADC juste avant le sommet de Windhoek, les responsables ont été sévères dans leur évaluation de l’EACRF. Ils semblaient être d’accord avec le point de vue de la RDC selon lequel elle ne respectait pas l’accord sur le statut des forces en vertu duquel elle était déployée et devait se retirer.

Les responsables de la SADC se sont plaints de l’approche trop amicale de l’EACRF envers les «terroristes du M23/RDF» . (RDF fait référence aux Forces de défense rwandaises.) Les responsables de la SADC ont déclaré que la population considère l’EACRF comme passive, citant un exemple de troupes de l’EACRF se tenant à côté pendant que des soldats rwandais défilaient dans la région. En conséquence, le M23 est retourné dans les territoires qu’il avait occupés et avait l’intention d’attaquer Goma comme il l’avait notoirement fait en 2012, provoquant l’intervention de la FIB à l’époque.

L’autre question concernant la nouvelle force proposée par la SADC est de savoir pourquoi elle est nécessaire alors que la FIB (Brigade d’intervention rapide) est déjà sur le terrain. Les responsables de la défense de la SADC ont noté le manque d’efficacité de la FIB pour diverses raisons, parmi lesquelles l’impopularité de la Monusco auprès des Congolais ordinaires et la diminution des capacités de la FIB. Un autre facteur cité est que le mandat de la Monusco, qui englobe la FIB (Brigade d’intervention rapide), se termine en 2024.

Les responsables suggèrent néanmoins que la SADC devrait à nouveau faire appel à l’ONU pour renforcer les capacités de la FIB (brigade d’intervention rapide) – peut-être à titre provisoire – et recommander que la FIB soit la dernière à partir si et quand la Monusco se retirera.

Aucune suggestion n’a été faite sur les pays de la SADC qui devraient fournir des troupes

 Le rapport recommande une force en attente de la SADC composée d’une brigade, armée d’hélicoptères d’attaque et d’artillerie pour s’attaquer au M23 et aux autres groupes rebelles armés qui tourmentent la région. C’est la recommandation, du moins en principe, que le sommet a adoptée. Aucune suggestion n’a été faite sur les pays de la SADC qui devraient fournir des troupes ou sur le moment où la force devrait être déployée – bien que le besoin urgent de stabiliser l’est avant les élections nationales de la RDC en décembre ait été souligné.

Une « opposition éventuelle » de la Mozambique, l’Angola se déclare de son côté « neutre » et « médiateur », l’Afrique du Sud et le Zimbabwe sont accablés par les Etats-Unis pour leur collusion avec la Russie

 Pierre Boisselet, chercheur au Congo Research Group, se demande si tous les pays de la SADC soutiendraient la force d’intervention. Le Mozambique pourrait s’y opposer, compte tenu de sa dépendance à l’égard des forces rwandaises pour tenir en échec les insurgés  à Cabo Delgado. Et le président angolais Joao Lourenço est très actif dans les efforts de paix entre Tshisekedi et Kagame, ne souhaite pas que la RDC fasse la guerre au Rwanda, ni que les troupes angolaises s’affrontent avec les troupes rwandaises sur terrain.

L’éternelle question du financement occupe également une place importante – et c’est celle qui domine actuellement les débats au Conseil de sécurité de l’ONU sur les missions de paix africaines. D’où viendrait l’argent puisque la SADC a déjà fait appel à des sources extérieures pour financer SAMIM en Mozambique ? Boisselet pense que la suite après le départ de la Monusco pourrait également être en jeu. « Probablement que la SADC veut faire partie de l’image, ou pense même qu’elle peut prendre le relais de la Monusco, y compris en recevant le financement. »

Il y a plus qu’une allusion à cela dans le rapport du comité de la défense. Il note qu’en septembre 2022, les ministres de la défense de la SADC ont demandé l’examen et la finalisation d’un plan antérieur visant à déployer une force de la SADC de division en RDC après le retrait de la Monusco et de la FIB.

« Force de la SADC en RDC », une politique d’influence régionale « retrouvée » de l’Afrique du Sud au détriment du Rwanda ?

Certains suggèrent que l’ambition de l’Afrique du Sud de regagner l’influence perdue dans la région pourrait être à l’origine de la proposition du 8 mai. On ne sait pas dans quelle mesure le sentiment fort du rapport du sous-comité de la défense est partagé par les échelons supérieurs. L’Afrique du Sud qui ne retrouve accablé par des scandales de collusion avec la Russie au sujet de la crise ukrainienne, souhaiterait plutôt d’être « médiatrice entre la Russie et l’Ukraine » et entre la RDC et le Rwanda

Coco Kabwika Avec DM

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