Au cours de la cérémonie d’ouverture de la 34ème session de la conférence des Chefs d’Etats de l’Union Africaine le 6 février 2021, le président de la République Démocratique du Congo son excellence Monsieur Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo a reçu officiellement des mains du président sortant de la commission de l’UA Moussa Faki Mahamat le drapeau et le marteau, symbole du pouvoir en exercice de l’Union Africaine 2021. Cette passation de pouvoir marque un tournant décisif pour la RDC dont le pouvoir du président de la république est encore confronté à plusieurs défis politico-sociaux économiques interne et pour l’Afrique dans un contexte de détérioration des conditions sécuritaire, la montée du terrorisme et la pandémie de COVID-19 avec ses effets dévastateurs ainsi que des conséquences incalculables sur le continent Africain.
L’avènement du président de la RDC à la tête de l’UA coïncide avec l’histoire d’une Afrique jalonnée des périodes charnières où d’immenses bouleversements l’ont mis à rude épreuve. En ce jour l’Afrique est également en proie à plusieurs défis majeurs, dont celui de faire taire les armes.
Comment est-ce que la RDC peut- elle faire preuve de leadership à l’UA et relevé le défi de la paix et sécurité pour toute l’Afrique ?
L’avenir du continent Africain se joue en République Démocratique du Congo. « L’Afrique à la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Zaïre » (actuel RDC), observa Franz Fanon.
Ainsi, la République Démocratique du Congo au vue de sa position géostratégique au cœur de l’Afrique, peut jouer un rôle central à travers cette présidence à l’UA par le renforcement de la coopération en matière de paix et sécurité, la promotion de la bonne gouvernance et le développement durable. Cela est possible sous trois axes à savoir :
1. L’UA comme levier de la politique étrangère de la RDC pour renforcer la paix et sécurité dans la région des grands Lacs, corne de l’Afrique et les pays limitrophes :
Partant de sa position géopolitique et stratégique, la vocation de RDC n’est pas d’être le maillon faible de l’Afrique centrale, mais plutôt sa colonne vertébrale au cœur de l’Afrique et qui se retrouve dans un carrefour de nombreuses régions. Il est membre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, de la SADC et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. Elle a également manifesté son intérêt à rejoindre officiellement la Communauté de l’Afrique de l’Est. Cela pourrait jouer en faveur du président Felix Tshisekedi alors qu’il s’efforce de parvenir à un consensus en tant que président de l’UA.
Dès son accession à la magistrature suprême, la politique étrangère du président Felix Tshisekedi à privilégier le principe de bon voisinage, notamment avec le Congo, l’Angola, l’Ouganda, le Rwanda et la Zambie, et pourrait compter sur eux pour obtenir un soutien en tant que président de l’UA.
Toutefois Cela ne garantit pas un ralliement automatique de ces parties prenantes autour de son travail, mais pourrait contribuer d’élargir et consolider les engagements diplomatiques.
Aussi pour de faire de l’UA un instrument efficace de sa politique étrangère et renforcer la coopération en matière de paix et sécurité, la RDC doit prêcher par l’exemple en ce qui concerne les engagements régionaux du secteur de sécurité, elle doit mettre en œuvre le protocole de Nairobi, adopté le 21 avril 2004 en vue de prévenir, contrôler et réduire les armes légères et de petits calibres dans la région des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique et pays limitrophes auquel ont adhéré certains Etats de la CEEAC, a le mérite d’être un instrument juridiquement contraignant.
Pour stopper la prolifération des armes légères et de petit calibre au niveau de l’Afrique centrale, elle doit ratifier en urgence la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage, dite Convention de Kinshasa, pour renforcer le contrôle des armes légères et de petit calibre et de combattre leur commerce et trafic illicites en Afrique centrale dans l’objectif de faire taire les armes en Afrique. Elle doit également contribuer à l’élaboration des politiques en matière de sécurité communes, des mises en œuvre régionaux, sous régionaux et nationaux et d’autres mécanismes favorisant la paix et sécurité du continent.
2. Redynamisation du multilatéralisme et le principe de la vocation Africaine pour renforcer coopération en matière de paix et sécurité de l’UA :
La vocation africaine constitue le deuxième axe prioritaire de la politique étrangère de la RDC. Bien que 2020 a été nommée l’année du « Silencing the Gun » par l’UA, et qu’une paix fragile s’installe au Soudan du Sud et en Libye, de nouveaux conflits ont éclaté en Éthiopie avec un risque potentiel de déstabiliser toute la région de la Corne de l’Afrique, en République centrafricaine, au Sahel, région du lac Tchad, La République Démocratique du Congo et le Cameroun la violence armée et conflits à répétition continue de provoquer des pertes en vies humaines et des déplacements. Il est maintenant évident que le processus de rétablissement de stabilité soit entamé pour renforcer cette vocation africaine au sein de l’UA.
La diplomatie congolaise doit renforcer ses actions en faveur de la prévention et consolidation de la paix dans l’objectif de résoudre des conflits. Pour être efficace, à travers sa présidence à l’exercice de l’UA 2021, la RDC doit faire de la ratification du protocole de l’UA établissant le conseil de paix et sécurité une priorité. (CPS) celui-ci permettra de mettre en œuvre sa politique étrangère dans le cadre de résolution pacifique des différends de la manière la plus efficace au sein du Conseil de paix et de sécurité qui est l’organe décisionnel permanent de l’Union africaine en matière de la prévention, la gestion et le règlement des conflits.
Ce protocole constitue également un système de sécurité collective et d’alerte rapide, visant à permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique. C’est le pilier central de l’Architecture africaine de paix et de sécurité dans le cadre de la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité sur le continent africain. La présidence de l’UA s’accompagne de certaines prérogatives acquises sous les devoirs de « représenter l’Union et de promouvoir les objectifs et les principes de l’UA ». Cela représente une opportunité pour le président Tshisekedi, afin d’accroître sa stature dans l’espace multilatéral mondiale et de faire jouer la RDC son rôle de leader au cœur de l’Afrique.
3. Renforcement de l’engagement de l’UA pour faire progresser le désarmement et sécurité internationale :
L’existence d’armes nucléaires fait peser une menace constante sur le monde. De nouvelles menaces (comme l’intelligence artificielle, dans le cyberespace, …) commencent à façonner la vie des générations actuelles comme celle des générations futures. Les armes nucléaires entrent de plus en plus dans la tendance des armes qui peuvent être utilisées en cas d’un conflit entre le pays détenteurs de ce type d’armements. Le Traité sur l’Interdiction des Armes nucléaires est entré en vigueur depuis le 22 janvier 2021, depuis ce jour les armes nucléaires sont devenues illégales au regard du droit International.
La République Démocratique du Congo qui s’est retrouvée indirectement au cœur de cette sombre page de l’histoire, puisque l’uranium de la première bombe atomique Little boy vient de ces mines. Peut réécrire une nouvelle page de l’histoire à la tête de l’UA en engageant à nouveau tous les Etats de l’UA vers la voix du désarmement avec une position commune qui aura pour objectif de ratifier de façon collective et unanime le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Les conséquences humanitaires catastrophiques qu’aurait toute utilisation d’armes nucléaires constituent une menace pour les objectifs du développement durable (ODD) que le continent africain essaye de réaliser. Les pays d’Afrique doivent réaffirmer leur attachement à l’engagement humanitaire et leur désir de faire du TIAN un axe prioritaire de leur politique étrangère et de défense au sein de l’Union Africaine.
Avec l’avènement du président Felix Tshisekedi à la tête de l’UA, le continent se trouve donc à un tournant décisif en ce qui concerne la paix et la sécurité internationale. On ne le dira jamais assez, l’Afrique n’est pas un continent à part, détaché des autres, enfermé dans je ne sais quel isolement. Nous restons tous confronté aux conséquences humanitaires des armes nucléaires. L’Afrique bat au même rythme que le monde. Et le cœur l’Afrique bat en RDC. Elle à l’opportunité de jouer son rôle de leader au cœur de l’Afrique. Celui d’avoir contribuer à l’universalisation du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires pour contribuer la paix et sécurité internationale.
Tribune de Simabatu Mayele Sims Nono,
Diplomate, Chercheur et expert sur les questions liées au Désarmement et maîtrise des armements, Directeur exécutif du Centre de Recherche et d’Information pour le Désarmement et Sécurité.
Contact: mayelesimabatu@gmail.com