P. Kagame  remplace B. Johnson comme président en exercice du Commonwealth, une victoire diplomatique pour le Rwanda

Le président Paul Kagame a pris ses fonctions de président en exercice du Commonwealth pour un mandat de deux ans en remplacement du Premier ministre du Royaume-Uni (RU), Boris Johnson.

La réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth (CHOGM), qui s’est officiellement ouverte à Kigali, la capitale du Rwanda, le vendredi 24 juin 2022, a également réélu Patria Scotland  au poste de secrétaire général du bloc.

Kagame remplace Boris Johnson qui occupait le poste depuis 2018. Il devait passer le relais au Rwanda en 2020 mais la rencontre a été retardée en raison de la pandémie.

Lors de sa passation de pouvoir vendredi, Boris Johnson a déclaré qu’il passait le relais au président Kagame, l’un des plus récents membres du Commonwealth, et lui a souhaité du succès dans sa présidence, en englobant 54 pays et un tiers de l’humanité.

« L’un des membres les plus récents est maintenant à la barre, et d’autres nations cherchent à se joindre, ce qui vous dit tout sur la santé et la vitalité de notre Commonwealth, car malgré toutes les différences entre nous, nous sommes unis par un fil invisible de partage de  valeurs, d’histoire et d’amitié », a-t-il déclaré.

La réunion à Kigali des pays membres du Commonwealth, auxquels se sont ajoutés le Togo et le Gabon, soit une communauté de 2,5 milliards d’êtres humains, représente en effet une grande victoire diplomatique pour le Rwanda, l’occasion de mettre en évidence les progrès réalisés par le pays depuis la fin du génocide et l’accession au pouvoir des anciens réfugiés tutsis d’Ouganda, résolument anglophones. Cependant deux sujets de polémique et d’inquiétude ont terni la sérénité de la rencontre et jeté une ombre sûre le « miracle rwandais ». Le projet d’accueillir au Rwanda des réfugiés demandeurs d’asile en Grande Bretagne a mis en lumière les critiques des défenseurs des droits de l’homme. Ces derniers rappellent le peu de place laissée à l’opposition rwandaise et le sort tragique qui fut réservé à certains opposants comme le chanteur Kizito Mihigo, décédé dans sa cellule, tandis que la condamnation de Paul Rusesabagina, le héros (controversé) du film Hôtel Rwanda mobilise toujours l’opposition rwandaise à l’extérieur du pays.

Pied de guerre

Mais surtout le Rwanda et la République démocratique du Congo sont pratiquement sur pied de guerre : des courriers diplomatiques sont échangés, des médiateurs régionaux sont appelés à la rescousse dont le président angolais Joao Lourenço, et lors de leur dernière réunion à Nairobi, les pays membres de la communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) ont décidé d’envoyer une force régionale dans l’est de la RDC pour tenter de faire cesser les violences. Le Rwanda, cependant membre de l’EAC, ne participera pas à cette force car Kinshasa s’y étant opposé, avançant l’accusation selon laquelle Kigali soutiendrait les forces rebelles du M23 qui ont repris les hostilités au Nord Kivu et se sont emparées de la ville de Bunagana sur la frontière ougandaise.

Qu’elles soient formulées par le ministre congolais des affaires étrangères Lutundula, par le porte-parole de l’armée congolaise ou par une presse quasi unanime, les accusations congolaises sont virulentes et précises, répétant que les forces armées rwandaises soutiendraient le M23 et produisant des preuves. Les accusations congolaises se fondent aussi sur des souvenirs douloureux : jadis, tant le RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) que le CNDP de Laurent Nkunda ou le M23 de Sultani Makenga, défait voici dix ans, ont été soutenus par Kigali, au prétexte de protéger les minorités rwandophones vivant au Congo et avec pour mission d’être des relais de l’influence et des intérêts économiques rwandais dans l’est du Congo.

Alors que les rebelles du M23 avancent que la promesse de leur intégration dans l’armée et de leur amnistie n’a pas été respectée, les Congolais sont d’autant plus virulents qu’ils estiment que la politique de la main tendue menée par le président Tshisekedi n’a pas été payée en retour. Ses compatriotes rappellent que le président congolais, au lendemain de son élection s’était longuement recueilli à Kigali devant le mémorial du génocide et qu’il avait conclu plusieurs accords économiques importants dont l’autorisation des vols Rwandair au départ de plusieurs villes congolaises. Tshisekedi avait également accordé des permis d’exploitation dans l’Est du Congo, dont des mines d’or alimentant une raffinerie installée au Rwanda. Depuis la chute de Bunagana les relations entre les deux pays sont exécrables, il est question de rappeler les ambassadeurs et la confiance est au point mort.

Collette Braeckman

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