RDC : Gouvernement Sama Lukonde, quelles conséquences pour le dossier du Grand Inga ?

Barrage Inga III

La présidence congolaise devrait réaffirmer sa prééminence dans la gestion du dossier du Grand Inga, au détriment de nouveaux ministres sans réel poids politique.

La nomination le 12 avril du nouveau gouvernement de Sama Lukonde Kyenge, qui devait marquer l’orientation de la présidence congolaise de Félix Tshisekedi sur le Grand Inga, a laissé perplexe les principaux acteurs du dossier. Les deux ministères concernés par le projet des méga-barrages sur le fleuve Congo, à savoir les ressources hydrauliques et l’électricité, ainsi que les infrastructures, reviennent respectivement à Olivier Mwenze et Alexis Gisaro. Tous deux présentent des profils atypiques : le premier n’a aucune expérience connue dans le secteur de l’électricité, tandis que le second est surtout réputé pour être le fils de l’ancien député Muhoza Gisaro, membre de la communauté rwandophone banyamulenge dans l’est du pays.

Ces nominations interviennent alors que l’exécutif planchait depuis plusieurs semaines sur l’idée d’un grand ministère rattaché directement à la présidence et chargé des investissements, de la coopération économique et des grands projets, dont le périmètre d’action aurait intégré le Grand Inga. Le nom de l’actuel conseiller spécial de la présidence chargé des investissements, Jean-Claude Kabongo, incontournable sur tous les grands dossiers économiques, était régulièrement cité pour occuper ce poste. Il figurait notamment dans la liste proposée par Modeste Bahati Lukwebo, ex-membre du Front commun pour le Congo (FCC, la formation de l’ancien président Joseph Kabila) ayant rejoint Félix Tshisekedi pour l’aider à former en fin d’année dernière une nouvelle majorité parlementaire.

Tensions à la présidence

En l’absence de figure majeure pour mener à bien le projet du Grand Inga, la présidence devrait continuer d’assurer la gestion de ce dossier, dont elle a fait un marqueur particulièrement fort du mandat de Félix Tshisekedi. Une réunion en ce sens est prévue prochainement à la Cité de l’Union africaine, en présence du chef de l’Etat et des ministres concernés. Elle devrait également rassembler Jean-Claude Kabongo et son collègue à la présidence chargé des infrastructures, Alexy Kayembe de Bampende, dont les relations sont émaillées de tensions – le premier s’opposant au second sur le choix du minier australien Fortescue Metals Group pour construire le Grand Inga.

Jean-Claude Kabongo met notamment en avant la nécessité de résoudre au préalable la question du contrat passé sous la mandature de Joseph Kabila avec le consortium sino-espagnol The Inga Unified Consortium, dont le principal leader, le chinois China Three Gorges Corp (CTG), tente à nouveau de faire le pied de grue auprès des autorités congolaises. Certains observateurs mettent pourtant en avant que ce contrat est désormais caduc, les parties prenantes ayant refusé de financer les études de faisabilité en l’absence de visibilité sur les offtakers potentiels – notamment l’Afrique du Sud, qui tergiversait sur les volumes potentiels d’électricité à acquérir.

Le conseiller spécial chargé des investissements souhaite également associer la Banque africaine de développement (BAD), qui préférerait redimensionner le projet et s’en tenir uniquement à la construction d’Inga III. Ce scénario est jugé bien plus crédible que celui des six méga-barrages du Grand Inga – regroupant Inga III à Inga VIII -, dont le coût est jugé exorbitant et les débouchés hasardeux.

Course des investisseurs

Si Jean-Claude Kabongo ne figure pas dans le gouvernement (il avait laissé entendre à plusieurs interlocuteurs qu’il préférait un rôle dans l’ombre à celui de ministre), rien ne laisse encore présager de la direction prise par l’exécutif dans ce dossier. En attendant, Alexy Kayembe de Bampende tente de prendre les devants en poursuivant à Kinshasa les négociations avec Fortescue, afin de formaliser un contrat exclusif avant le 16 septembre 2021, soit un an après la signature de la convention relative au développement d’industries vertes en RDC.

Alors que les incertitudes politiques demeurent nombreuses sur la conduite du dossier, les Australiens de Fortescue cherchent à aller vite pour sécuriser leur projet. Pour cela, ils financeraient d’ores et déjà une série d’études de faisabilité, ainsi que la construction de plusieurs infrastructures, dont le montant total est évalué à environ 100 millions de dollars. Ils sont aussi soucieux de ne pas se faire rattraper par Three Gorges, alors qu’un voyage du chef d’Etat congolais est prévu prochainement à Pékin. Les discussions sont toujours en cours, mais le déplacement devrait intervenir avant celui prévu en France à la mi-mai.

 Africa Intelligence

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