RDC, Jeux de la francophonie, l’OIF s’alarme contre Didier Tshiyoyo(Rapport- Zeina Mina)

Jeux de la francophonie : le rapport explosif de l’OIF

Dans un rapport consulté par Africa Intelligence, l’Organisation internationale de la francophonie s’alarme du retard pris par Kinshasa dans les préparatifs des jeux, qui doivent avoir lieu dans la capitale congolaise en août 2022. Le rapport évoque notamment des dépenses « non justifiées » ainsi « qu’un manque de transparence » dans la gestion des fonds.

Un rapport interne daté du 15 juin de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), consulté par Africa Intelligence, recense de nombreuses irrégularités et des dysfonctionnements dans le dispositif mis en place par le président congolais, Félix Tshisekedi, pour superviser l’organisation de la 9e édition des Jeux de la francophonie, prévus à Kinshasa du 19 au 28 août 2022. Le Comité national des jeux de la francophonie (CNJF), dirigé par Didier Tshiyoyo, qui a abandonné ses activités de DJ en Suisse pour devenir haut représentant de Félix Tshisekedi, est particulièrement pointé du doigt. La « capacité à mener à bien les préparatifs et livrer les infrastructures dans les délais impartis » du CNJF est remise en question par le Comité international des Jeux de la francophonie (CIJF), chargé de contrôler les préparatifs de l’événement pour le compte de l’OIF.

« Incohérences, manquements, fragilités juridiques »

Signé par la directrice du CIJF, l’ancienne athlète olympique libanaise Zeina Mina, le document souligne également que les conditions d’octroi des contrats de construction et de réhabilitation des infrastructures « ne satisfont pas l’exigence de transparence inhérente aux grands événements internationaux ». A l’issue de la 19e réunion du Conseil d’orientation du CIJF, tenue le 28 avril sous la présidence du Maroc, le CNJF congolais s’était vu demander de fournir des preuves de la conformité avec les réglementations financières, notamment en matière de gestion des fonds et d’attribution des contrats. Près de 90 % des pièces demandées ont été transmises et examinées par les experts du CIJF, qui relèvent des « incohérences », des « manquements » et « des fragilités juridiques ».

Selon le rapport, la plupart des documents ne sont pas paraphés et incomplets. Aucun des contrats signés par Didier Tshiyoyo ne comporte la mention « approuvé par la direction générale des marchés publics ». La réhabilitation du stade Tata-Raphaël, pour un montant de plus de 11 millions de dollars, confiée au consortium de l’Alliance des bâtisseurs congolais (ABC), n’échappe pas à la règle. Les délais d’exécution ne sont le plus souvent pas précisés, laissant craindre des retards importants. Le CIJF ne dispose pas de termes de référence ou cahier des charges permettant de procéder aux appels d’offres ou à la contractualisation de gré à gré le plus souvent privilégiée par la direction du CNJF.

Explosion du budget

Autre point mis en exergue par l’OIF : le contrat portant sur la construction du village des jeux. Initialement budgétisé à 41 millions de dollars, son coût a littéralement explosé pour s’envoler à 113 millions de dollars. En avril, plusieurs mouvements financiers avaient déjà alerté l’OIF. Didier Tshiyoyo avait ainsi retiré en son nom propre d’importantes sommes en espèces de comptes ouverts au nom du CNJF . « Il pourrait être utile de préciser et de communiquer le numéro du compte bancaire dédié aux IXe Jeux de la francophonie », note ainsi l’expert financier de l’OIF.

Le rapport financier 2020 fait état de 961 000 dollars de dépenses, un montant qui « n’est pas justifié au vu des activités très réduites menées par le CNJF », cette année-là. Si la partie dédiée au fonctionnement reste stable à 12,1 millions d’euros, le budget alloué aux investissements est passé de 36 à 93 millions d’euros. Le CIJF se dit très préoccupé par la gestion et l’organisation du CNJF qui « reste fragile et manque de maîtrise ». Les retards importants déjà enregistrés « risquent d’entamer désormais la qualité du dispositif organisationnel », note le rapport.

Absence et désistement

Pour l’instant, 38 Etats se sont engagés à participer à l’événement. Des pays habitués à prendre part aux Jeux de la francophonie, tels que l’Egypte, le Rwanda et la Guinée-Bissau, ne se sont en revanche toujours pas inscrits et Monaco s’est récemment désisté.

Au sein du premier cercle de conseillers de Tshisekedi, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la gestion de Didier Tshiyoyo. Ce dernier peut néanmoins compter sur le soutien indéfectible de Roselyne Mbombo, une cousine du chef de l’Etat auprès duquel elle plaide pour maintenir Tshiyoyo en fonction.

Après la présidence de l’Union africaine (UA) cette année, les Jeux de la francophonie l’année suivante constituent la principale opportunité diplomatique et de rayonnement à l’international de la RDC.

Africa Intelligence

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