RDC : rapports sexuels contre emploi, ou le harcèlement de Congolaises par des travailleurs humanitaires

Plus de vingt femmes congolaises ont affirmé avoir été victimes de harcèlement et d’abus sexuels, sous forme de chantage à l’emploi, par des travailleurs humanitaires dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), selon une enquête récente menée conjointement par l’agence The New Humanitarian et la Fondation Thomson Reuters. Le phénomène n’est pas nouveau.

Que s’est-il passé ?

L’histoire aurait pu passer inaperçue dans l’est du Congo où le harcèlement sexuel et le viol sont banalisés et restent impunis. Mais cette fois-ci, plusieurs femmes ont osé témoigner et une enquête a été menée par l’agence spécialisée The New Humanitarian et la Fondation Thomson Reuters. On y apprend que lors de la dixième épidémie d’Ebola, entre 2018 de 2020, que des hommes travaillant pour des organisations humanitaires internationales à Butembo, dans le Nord-Kivu, ont profité de leur situation pour harceler des femmes vulnérables. Ils leur offraient des emplois en échange de rapports sexuels. Les avances se faisaient en direct ou par messagerie téléphonique.

« Si je te donne du travail, que me donneras-tu en retour ? » – « Tu es une femme. Je pense que tu sais ce que tu peux me donner »Messages envoyés sur WhatsApp à l’une des accusatrices 

selon l’Agence The New Humanitarian et la Fondation Thomson Reuters

Relations d’exploitations sexuelles

La femme qui a partagé le message avec les journalistes fait partie des 14 victimes présumées qui ont porté plainte. Les autres se sont contentées de témoigner. Elle précise que le message reçu provenait d’un Congolais rencontré dans un bar en 2019 et qui était arrivé à bord d’un véhicule portant le logo de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Elle déclare avoir été employée par l’organisation internationale en tant que femme de ménage après des relations sexuelles. Comme elle, plusieurs autres sont tombées dans le piège. Une femme dit avoir été violée, une autre est morte après un avortement…

La plupart des prédateurs sexuels sont Congolais et travaillent pour l’Organisation mondiale de la Santé, comme le souligne l’enquête journalistique. L’OMS a réagi à ces allégations.

« L’OMS s’engage à prendre des mesures rapides et énergiques au cas où son personnel pourrait être reconnu coupable d’avoir perpétré des abus »Marcia Poole, porte-parole de l’OMS 

selon l’Agence The New Humanitarian et la Fondation Thomson Reuters

Des pratiques courantes 

Ces révélations ne sont pas une exception. En 2020 déjà, une enquête similaire de The New Humanitarian et de la Fondation Thomson Reuters avait fait état d’abus sexuels de ce type dans la ville voisine de Béni. Une cinquantaine de femmes avaient accusé des employés d’agences onusiennes et d’importantes ONG engagées dans la lutte contre Ebola.

Depuis, plusieurs travailleurs ont été licenciés. Au total, sept organisations humanitaires dont trois agences des Nations unies sont mises en cause dans ces agissements présumés. L’ONU a ouvert une nouvelle enquête et promet une fois encore de sanctionner les responsables.

Reste un problème majeur : les femmes qui ont témoigné de manière anonyme devant les journalistes et dont les propos ont été recoupés semblent réticentes à révéler leur identité de peur d’être stigmatisées au sein de leur communauté. Elles hésitent d’autant plus que les affaires d’abus sexuels ne sont pratiquement jamais condamnées par la justice.

Franceinfo

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