Surnommé « le Crocodile », Emmerson Mnangagwa était considéré en 2002 comme un des principaux responsables du pillage des ressources naturelles en République démocratique du Congo (RDC).
Ancien ministre de la Justice, ancien ministre de la Sécurité – et à ce titre chef des services de renseignement – ancien président du parlement, Emmerson Mnangagwa a la réputation d’être le seul homme que les Zimbabwéens craignaient plus que le président Mugabe. Surnommé ‘le Crocodile » en raison de son attitude impitoyable envers ses adversaires, il était cité dans le rapport des experts de l’Onu pour le Congo, daté du 15 octobre 2002, comme un des principaux responsables du pillage des ressources naturelles en RDC.
Il jouit d’un fort appui de la part des principaux chefs militaires et du renseignement zimbabwéens. Parce qu’il est un vétéran de la guerre d’indépendance contre les colons blancs de Ian Smith, gagnée en 1980, comme eux. Mais aussi parce qu’il leur a permis de s’enrichir en leur ouvrant les portes du Congo, indiquait le livre de Geoff Hill, « The Battle for Zimbabwe: the final Countdown » (2003).
Emmerson Mnangagwa faisait partie de la direction de l’entreprise Cosleg. Créée en 1999, sous Kabila père, cette société résultait de l’union des entreprises Osleg (Operation Sovereign Legitimacy), propriété des forces armées du Zimbabwe, Comiex (propriété de l’armée congolaise et liée au président Laurent Kabila) et Oryx Zimcon, enregistrée à une adresse au ministère zimbabwéen de la Défense à Harare et succursale de Oryx Natural Resources, appartenant à l’homme d’affaires omani Thamer al-Shanfari.
Cosleg avait reçu du ministre congolais des Mines de l’époque, Kibassa Maliba, un permis d’exploiter les mines de diamants de Tshibwa et Senga Senga, au Kasai, déjà attribuées à la société semi-publique congolaise Miba.
Les diamants du Kasaï
Lorsque débute la deuxième guerre du Congo (1998-2003), le président Laurent Kabila appelle l’armée zimbabwéenne à la rescousse. Emmerson Mnangagwa organise alors le montage « business » qui va permettre aux principales figures de l’armée zimbabwéenne et à lui-même de s’enrichir sur le diamant congolais. Perence Shiri, chef du contingent zimbabwéen en RDC, va bien sûr en profiter – tout comme le général major Sibusiso Busi Moyo, que le président Mnangagwa avait nommé ministre des Affaires étrangères et du Commerce International a l ‘epoque . Ce dernier était, à l’époque, le directeur général de Cosleg, la société privée mise en place par Kabila père et Mnangagwa pour exploiter des gisements de diamants pris sur les concessions de la Miba (société appartenant à 80% à l’Etat congolais) .
Comme Mnangagwa, les deux militaires seront cités par les experts de l’Onu parmi les principaux pillards du Congo sous Kabila père. D’autres militaires zimbabwéens s’étaient enrichis dans les fournitures militaires à l’armée et à des milices congolaises.
En juillet 1999, le président Kabila a accordé les droits exclusifs d’exploitation pour une durée de vingt-cinq ans de deux des plus riches concessions diamantifères de la RDC à une co-entreprise (« joint venture ») en partie zimbabwéenne,
qui devait par la suite prendre le nom de Sengamines. Les concessions, qui comprennent des dépôts alluvionnaires et six veines kimberlitiques 11 étaient auparavant la propriété de la MIBA, la société d’exploitation de diamant dont l’État possédait la majeure partie. Les termes exacts du contrat et les modalités d’exploitation demeuraient opaques. Il n’existait apparemment aucun décret légal officiel portant création de Sengamines et précisant ses statuts ; de plus, l’entreprise n’était pas affiliée à la Fédération des entreprises du Congo (FEC), ce qui est également une procédure congolaise légale habituelle. Cette privatisation de fait de biens appartenant en grande partie à l’État ne semble pas avoir été effectuée dans le respect des principes internationalement reconnus régissant les appels d’offres, une démarche qui aurait pourtant permis à l’État congolais de s’assurer qu’il tirait le meilleur avantage possible de la vente.
Les diamants sont le produit du carbone soumis à l’action d’une intense chaleur et à de fortes pressions à de grandes profondeurs sous terre. Ils ont été ramenés à la surface lors d’éruptions d’une roche en fusion appelée kimberlite. Des millions d’années de pluie et d’érosion ont permis aux diamants de se rapprocher au plus près de la surface puis d’être disséminés à travers le paysage et dans le gravier des lits de rivières.
L’entreprise Sengamines
L’entreprise Sengamines a été créée par une société portant le nom de Cosleg – issue d’une fusion entre Osleg (Operation Sovereign Legitimacy) et la Comiex (Générale de commerce d’import/export au Congo) – en association avec Oryx Zimcon. Cette dernière est elle-même une entreprise commune réunissant les Forces
de défense zimbabwéennes et Oryx Natural Ressources, une société enregistrée dans les îles Caïmans qui aurait obtenu les droits exclusifs de prospection et d’exploitation des diamants et autres minéraux dans ces concessions
pour une période de vingt-cinq ans à dater du 16 juillet 1999, ou jusqu’à épuisement des gisements. Le commandant en chef des Forces de défense zimbabwéennes et le secrétaire permanent du ministère zimbabwéen de la Défense seraient deux des principaux actionnaires d’Osleg. Le Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo, mandaté par le Conseil de sécurité des Nations unies, a publié son rapport initial sur l’exploitation économique en RDC en avril 2001, suivi d’un additif en novembre de la même année.
Les opérations d’extraction développées sur concessions exploitées par Sengamines bénéficieaient de l’exemption complète de toutes les taxes sur les importations et de tous les impôts sur les sociétés pour une période de six ans à compter de la mise en place de chaque unité de production, mise en place réalisée unité après unité ». Le président Laurent-Désiré Kabila avait pareillement accordé une exemption d’impôts pour une durée de cinq ans à la compagnie aérienne Hewa Bora, également créée en 1999. Le président Kabila et des membres de sa famille détenaient, semble-t-il, la majorité des parts de la compagnie.
La Sengamines, qui a commencé à extraire des diamants alluvionnaires a vu sa création célébrée le 15 janvier 2000 à 50 km de Mbuji-Mayi, sur la concession qui lui avait été attribuée, par des délégations des deux gouvernements conduites par leurs ministres de la Justice, Mwenze Kongolo pour Kinshasa et Emmerson Mnangagwa pour Harare. Étaient également présents les ministres congolais des Mines, Frédéric Kibassa Maliba, de la Reconstruction nationale, Denis Kalumé, et des PTT, Prosper Kibwe. L’entreprise, qui tirait son nom de la rivière Senga Senga avait employé 500 Zimbabwéens mais les autorités politiques, lors de l’inauguration, ont promis des retombées économiques pour la population locale sous forme d’équipements et services tels que routes, écoles et dispensaires. Cette entreprise, apprend LAE, a vu sa concrétisation facilitée après le règlement d’un différend portant sur la Minerals Business Company, une société installée également dans ce Kasaï oriental producteur de diamants et qui était en fait un simple comptoir d’achat. La MBC était gérée par une équipe de ressortissants indiens dirigée par un certain Monsieur Panchal, mais avec pour actionnaires trois Zimbabwéens et trois proches collaborateurs du président Laurent Kabila.
Le colonel zimbabwéen Tshinga Dube et la mine secrète de Kabolo, dans le Kasaï occidental (RDC)
Un des officiers zimbabwéens intervenus dans l’exploitation minière en République démocratique du Congo (RDC) était le colonel Tshinga Dube, ex – patron de la Zimbabwe Defence Industries (ZDI). Selon le rapport d’un panel d’experts des Nations unies sur le pillage des ressources naturelles de RDC, une mine de diamants a été secrètement mise en opération par l’armée zimbabwéenne à Kabolo, dans le Kasaï occidental (RDC), via la société Dube Associates.
Selon des documents bancaires cités par le rapport, cette société était liée, via le colonel Tshinga Dube, au trafiquant d’armes et de diamants ukrainien Leonid Mining. La Lettre de l’Océan Indien avait révélé l’existence de transactions financières autour d’un compte bancaire de la filiale hongroise de la banque italienne Intesa BCI group, utilisé d’ordinaire par Minin pour le paiement de ses ventes d’armes aux pays sous embargo.
La ZDI avait effectué des virements sur ce compte en avril 1999 (1,3 millions $) et en mai 1999 (2,1 millions $). Puis, en juin 1999, trois virements successifs de près de 300 000 $ au total avaient été virés de ce compte à destination du colonel Dube. Selon le rapport des Nations unies , le président du Parlement zimbabwéen et ancien ministre de la sécurité nationale a l’époque , Emmerson Mnangagawa, qui était « le stratège clef » de l’exploitation des ressources de RDC par la hiérarchie militaire zimbabwéenne, associée à quelques hommes d’affaires. Son principal allié était le commandant des Zimbabwe Defence Forces (ZDF) et président exécutif de la société Cosleg, le général Vitalis Zvinavashe, impliqué avec sa famille dans le diamant et le commerce en RDC.
Le chef de l’armée de l’air, Perence Shiri, s’occupait du soutien logistique de certaines de ces opérations. Tandis que le général Sibusiso Busi Moyo, directeur général de Cosleg, conseillait les sociétés Tremalt (de John Arnold Bredenkamp) et Oryx Natural Resources (de Thamer Bin Said Ahmed Al-Shanfari) qui intervenaient en RDC et dissimulaient en fait les intérêts financiers de responsables militaires zimbabwéens. Cosleg a également à sa tête d’autres militaires (Mike Tichafa Karakadzai, Simpson Sikhulile Nyathi) et l’ex ministre de la défense, Sidney Sekeramayi, en était l’actionnaire.
Ce dernier, toujours selon le rapport de l’ONU, avait remercié par écrit Al-Shanfari de son soutien matériel et moral pour les élections parlementaires de 2000. Enfin, dans une note au président Robert Mugabe, en août 2000, Sekeramayi l’informait d’un accord de partage des profits au sein de la société Tremalt, précisant que 24% revenaient au Zimbabwe.
Zimbabwe, un asile assuré pour les Kabilistes sous sanctions?
Emmerson Mnangagwa actuellement président du Zimbabwe se voit redevable aux Kabilistes qui ont contribué à sa richesse. Pour l’instant, la présence de John Numbi et de « sa base » au Zimbabwe n’a pas été confirmée officiellement, ni par Harare, ni par Kinshasa. Mais plusieurs sources militaires soulignent une étrange concomitance de calendrier entre la fuite de John Numbi et la « tournée » de Joseph Kabila à Abou Dhabi, en Tanzanie et… au Zimbabwe début mars 2021. Le magazine Jeune Afrique avait même révélé que l’ancien président congolais avait dîné avec son homologue zimbabwéen Emmerson Mnagagwa. Au sein du renseignement militaire, on se demande si « l’accueil » de John Numbi et de ses hommes n’a pas été négocié lors de cette rencontre. D’autant que les relations entre Joseph Kabila et le Zimbabwe s’étaient fortement resserrées depuis 2018 selon Christophe Rigaud, journaliste directeur du site Afrikarabia consacré à l’actualité en République démocratique du Congo (RDC) et en Afrique centrale.Le Zimbabwe va t – il devenir un « refuge » pour les « criminels » de la kabilie ».?
Kabamba Kalala