Beveraggi vs Katumbi : P. Beveraggi cherche le soutien de Macron et menace la RDC de 220 millions $ d’indemnisation

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Le Français Pascal Beveraggi, qui menace de lancer un arbitrage contre la RDC dans le contexte de son conflit contre l’homme politique congolais Moïse Katumbi, lui a donné un dernier délai pour réagir. Il cherche aussi l’appui des autorités françaises et des médias dans son combat.

Le 22 juin, Alexis Foucard, Simon Greenberg et Marion Créach, avocats du bureau parisien du cabinet Clifford Chance, ont transmis un courrier à la ministre de la justice de RDC Rose Mutombo pour le compte de leur client, Pascal Beveraggi. Ils y expliquent que si les demandes de Pascal Beveraggi, homme d’affaires français actif dans les services miniers en RDC, ne sont pas satisfaites sous huit jours, un arbitrage sera engagé contre l’Etat congolais devant la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI).

220 millions de dollars d’indemnisation

Données en copie au président congolais Félix Tshisekedi, au premier ministre Sama Lukonde Kyenge, et au président de la Cour constitutionnelle Dieudonné Kaluba Dibwa, la lettre exige l’exécution dans ce délai d’une décision du 11 décembre 2020 de la cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Celle-ci ordonne, selon les avocats, la restitution d’actifs de Pascal Beveraggi, notamment ceux de la compagnie de sous-traitance minière basée dans le Haut-Katanga NB Mining Africa, saisis illégalement par la société Astalia Investment. Cette entreprise enregistrée à Maurice est contrôlée par l’épouse de l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, businessman et homme politique congolais. Principal opposant à l’ex-président congolais Joseph Kabila, Moïse Katumbi a rejoint l’union sacrée autour du président Félix Tshisekedi en début d’année. Ayant des appuis au plus haut niveau de l’Etat et des membres de son parti au sein du gouvernement, il envisage cependant de concourir à la présidentielle de 2023, où Félix Tshisekedi devrait remettre son mandat en jeu.

A défaut de restitution des actifs à Pascal Beveraggi, les avocats de Clifford Chance affirment qu’une indemnisation de 220 millions de dollars sera réclamée à l’Etat congolais.

Conflit sans fin

Si Pascal Beveraggi s’est résolu à poursuivre l’Etat congolais, c’est qu’il estime que ce dernier n’a pas agi pour exécuter des décisions de justice rendues en sa faveur dans son conflit judiciaire contre Astalia. C’est aussi que ces procédures n’ont pas eu la conclusion qu’il espérait. Depuis plusieurs années, les deux hommes sont à couteaux tirés. Ceci fait suite au rachat en 2015 par le groupe français Necotrans de la société de sous-traitance minière de Moïse Katumbi, Mining Co of Katanga (MCK). Pascal Beveraggi avait alors été placé à la tête de la nouvelle entité contrôlée par Necotrans, NB Mining. Necotrans a ensuite été liquidé, en 2017, et Pascal Beveraggi a racheté NB Mining, mais Moïse Katumbi a engagé des poursuites, assurant que les frais qui lui étaient dus du fait de la cession de MCK ne lui avaient pas tous été réglés. Depuis, le conflit s’est envenimé et des procédures ont été engagées en RDC comme en France. Les jugements en découlant ont mené à des interprétations souvent opposées de la part des deux parties, chacune se prévalant de droits sur les actifs de l’entreprise de sous-traitance. En septembre dernier, les bureaux de NB Mining Africa (entité créée à la suite de la liquidation de NB Mining en 2018) à Lubumbashi ont été envahis par des agents de MCK, qui gèrent de fait aujourd’hui l’entreprise et ses contrats.

Face à cela, les avocats de Pascal Beveraggi dénoncent des carences judiciaires de l’Etat congolais et son inaction. Ils affirment dans leur lettre à la garde des sceaux de RDC que « les décisions des autorités congolaises locales ont eu pour effet d’exproprier [Pascal Beveraggi] de ses actifs sans indemnisation ». Ils ajoutent que la RDC a traité l’homme d’affaires français « de manière discriminatoire », en « violation de l’engagement du pays d’assurer, conformément au droit national et au traité bilatéral franco-congolais, un traitement juste et équitable aux investisseurs » étrangers. De ce fait, ils menacent de saisir la CCI, après avoir un temps considéré aussi de saisir le Cirdi (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements).

Chercher l’appui de Macron

Au-delà de cette pression judiciaire sur la RDC, Pascal Beveraggi essaie aussi de trouver des relais au sein de l’Etat et de la classe politique française, afin qu’elle fasse réagir les autorités congolaises. L’homme d’affaires a adressé une lettre au président Emmanuel Macron le 10 mai, en amont du Forum sur le financement des économies africaines de Paris du 18 mai où Félix Tshisekedi était présent, afin d’attirer son attention sur sa situation. Le chef de l’Etat français n’a toujours pas réagi.

Mi-juin, Pascal Beveraggi a également rencontré Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, et Amélia Lakrafi, députée pour la dixième circonscription des Français de l’étranger (qui comprend une large partie de l’Afrique, dont la RDC). Tous deux sont membres de groupes d’amitié parlementaires avec l’Afrique centrale.

Les médias sont également sollicités pour faire parler de l’affaire : après un point presse virtuel où les avocats de Pascal Beveraggi ont détaillé le dossier, plusieurs rencontres ont été organisées en France.

Africa Intelligence

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