L’ enquête et les documents « Congo Hold-up » montrent une proximité indéniable entre l’ancien président de la RD Congo et le magnat belge. Une proximité que Philippe de Moerloose se refuse pourtant à admettre.
Une allée pavée, entourée de buissons taillés par des jardiniers professionnels, grimpe jusqu’à un garage à deux portes. Le garage est relié par une pièce dotée d’une vaste baie vitrée, à une grande villa brabançonne en briques claires. A l’arrière se trouve une piscine orientée plein sud, à l’abri des regards. La demeure ne fait pas tache, à deux pas du golf du Bercuit, à Grez-Doiceau (Brabant-Wallon) : l’une des communes les plus chères de Belgique. 395m², cuisine ultra-moderne, trois salles de bain, sept chambres… La villa est à vendre depuis mars 2021. Intéressé ? Faire offre à partir d’1,2 million d’euros.
Cette demeure de standing, Philippe de Moerloose reconnaît l’avoir cédée à Léonie Kasembe Okonda, la mère de l’épouse de l’ancien président de la RD Congo, Olive Kabila. Philippe de Moerloose ne nous a pas dit en quelle année, et nous ne sommes pas parvenus à joindre la belle-mère de Joseph Kabila. Cette vente s’était faite « au prix du marché après une expertise immobilière et devant un notaire en Belgique. Les paiements ont été faits en Belgique sur le compte du notaire », assure De Moerloose.
A part cela, l’homme d’affaires maintient, mordicus, qu’il n’a aucun lien particulier avec Joseph Kabila ou sa famille. Lui qui a si souvent fait affaire avec ses gouvernements. « J’ai toujours entretenu des liens professionnels courtois avec le président Kabila et son épouse (que j’ai rencontrés à plusieurs occasions comme à des audiences professionnelles, des cérémonies d’inauguration, etc.) – mais je m’insurge catégoriquement contre toute allégation d’association personnelle avec eux, de jeux d’influence illégitimes et de toute autre forme de pratiques malsaines », lance-t-il.
Les documents Congo Hold-up et notre enquête montrent pourtant une proximité avec le clan Kabila, établie par des faits.
En 2011, De Moerloose lance sa fondation en RDC, « Fondation PHD ». L’analyse du conseil d’administration d’alors est instructive : il y avait Deogratias Mutumbo, le gouverneur de la Banque centrale soupçonné d’avoir aidé le clan Kabila à détourner des millions. Mais aussi Chantal Deschryver, épouse du responsable logistique de longue date du président Kabila, Charles Deschryver.
La vente à Sud Oil
Comme nous l’avons déjà révélé, le tout premier deal de la société Sud Oil – la société-écran responsable à elle seule d’un détournement de fonds publics congolais de 92 millions de dollars – a été scellé avec Philippe de Moerloose. En 2013, le Belge a vendu un grand garage de Kinshasa-Gombe, qu’il avait racheté deux ans plus tôt à sa propre entreprise. Et pour négocier cette vente à 12 millions de dollars, le Brabançon savait à qui s’adresser : il écrivait directement à Francis Selemani, frère adoptif de Joseph Kabila et patron en sous-marin de Sud Oil. « Cher Francis, j’espère que tu vas bien. Sois sûr que nous allons conclure ce deal et que je n’ai aucun problème, parce que je te fais confiance. C’est le plus important », lui écrit De Moerloose le 14 octobre 2013. La société boîte aux lettres installera dans ce garage son siège social. Tandis que les millions de dollars ont été versés sur le compte en suisse de Philippe de Moerloose.
En septembre 2012, il y avait eu une autre connexion financière : les Grands Elevages du Bas-Congo (GEL), la société de l’immense domaine agricole de l’ex-président, et qui était contrôlée à l’époque par deux de ses associés, a viré 7 millions de dollars sur un compte en Suisse de HMIE, une société offshore immatriculée aux îles Vierges britanniques appartenant au Belge. Motif? « Achat de matériel agricole ». Philippe de Moerloose confirme: « Celui-ci se rapporte à la livraison de matériels agricoles qui ont été expédiés à destination de Boma. » Joseph Kabila est devenu propriétaire de GEL l’année suivante.
Les documents Congo Hold-up révèlent aussi des liens d’affaires avec l’autre frère de Joseph Kabila, Zoé, et sa société Cosha Investments.
De Moerloose, l’un des rares hommes d’affaires étrangers invités au mariage de Joseph Kabila (2006), explique y « avoir fait acte de présence par politesse pendant quelques minutes ». Il nie avoir jamais accueilli chez lui Olive Kabila, toutefois quatre sources distinctes proches des autorités belges nous ont assuré que le Brabançon a plusieurs fois accompagné l’épouse de l’ancien président lorsqu’elle voyageait en Belgique. « Monsieur Kabila est un ancien chef d’Etat et aucunement un ami », conclut De Moerloose.
Le Soir