Déforestation et du reboisement en RDC : « On ne va pas dormir affamés sous prétexte qu’il faut protéger l’environnement ! »

« Là, il y a 270 sacs de makala« , explique Emmanuel Baati Lukoo, responsable du secteur sud du Parc des Virunga, en désignant le grand tas de sacs de toile blanche. ‘Makala’signifie en swahili, ‘charbon de bois’. « Nous les avons confisqués il y a une semaine. Trois camions les transportaient, en provenance de Rubare, un village proche d’ici. Nous les avons saisis parce que ce makala provient de la carbonisation d’arbres issus du Parc, et qui ont été coupés illégalement« .

Nous sommes à Rumangabo, en pleine forêt afro-alpine, dans le secteur sud du Parc des Virunga, au Nord Kivu à l’Est de la République démocratique du Congo, non loin du Volcan Nyiragongo. Près d’un millier de gorilles vivent dans cette région frontalière avec le Rwanda et l’Ouganda. Le Parc en compte environ 350.

« Ce Makala était destiné à être vendu à Goma, Bukavu et même au Rwanda », ajoute Emmanuel Baati Lukoo. « Un sac coûte 40 à 45 dollars. Faites le calcul ! Cette seule saisie vaut plus de 12.000 dollars… C’est comme ça que les groupes armés s’enrichissent. Ils achètent des munitions, des armes, ils rémunèrent leurs hommes ».

Plusieurs groupes armés vivent de trafics de ressources naturelles issues du Parc des Virunga. Dans cette zone forestière du sud, les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un groupe d’exilés rwandais hutus, parmi lesquels des génocidaires contre les tutsi en 1994, tirent profit de ce makala, si convoité dans la région.

« Cette pratique du déboisement pour la carbonisation se passe au vu et au su de tout le monde », déplore Emmanuel Baati Lukoo. « On ne sait pas qui est complice ou pas. Une partie de la population riveraine se livre à cette pratique, tout en étant protégée par ces groupes armésHeureusement, une autre partie de la population nous aide. C’est sur base de renseignements que nous faisons ces saisies« .

Le Parc des Virunga est la zone protégée la plus riche d’Afrique en biodiversité. Etendu sur plus de 300 km près de Goma au sud, jusqu’à Béni au nord, il abrite plus d’un millier d’espèces animales.

Près de 700 gardes forestiers ont pour mission de protéger cette biodiversité. Ils travaillent pour l’ICCN, l’Institut congolais pour la conservation de la nature, une agence de l’Etat congolais. Ils sont armés. Ils ont un mandat de policier. Leur mission est aussi de protéger la population qui vit dans le parc ou qui le traverse.

« Chaque jour, nous devons nous assurer que les gorilles de Mikeno sont suivis, qu’ils ne sont pas malades, qu’il n’y a pas de braconnage dans la zone« , explique encore Emmanuel Baati Lukoo. « Nous avons des hommes qui patrouillent dans plusieurs zones. Ces hommes font le suivi et nous rendent des rapports. Quand ils repèrent des traces de braconniers, j’envoie du renfort « .

RTBF

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