Humilié par la garde présidentielle, le numéro deux du régime Jean-Marc Kabund claque la porte.
A première vue, si Jean-Marc Kabund, premier vice-président de l’Assemblée nationale et activiste chevronné, annoncé sa démission, c’est parce que la coupe était pleine. L’homme à la casquette, celui qui galvanisait les militants de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), le parti du président Tshisekedi, n’a pas supporté l’incident qui l’avait opposé à des membres de la Garde républicaine, les redoutables Bana Mura, chargés de la protection du chef de l’Etat.
Un incident à première vue banal, mais qui reflète les prérogatives dont s’arrogent les puissants du régime : la semaine dernière, alors qu’un véhicule de la GR descendait à contre-sens une artère de Kinshasa au mépris du flot ascendant, Kabund, un homme impulsif, parfois surnommé 520 Giga, jaillit de sa jeep et apostropha violemment les hommes en armes. Le lendemain, des gardes se dirigeaient vers Kingabwa et s’attaquaient à la – luxueuse – demeure de celui qui se considère comme le numéro deux du régime, déclenchant une tempête politique.
Certes, les vétérans du vieux parti UDPS créé en 1982 considèrent que Jean-Marc Kabund-a-Kabund est un ouvrier de la 25e heure et ils rappellent qu’il est un Katangais d’origine, né dans le Haut Lomami et issu de l’entourage de Moïse Katumbi, l’allié et potentiel rival du chef de l’Etat. Mais ils savent aussi que cet homme de 37 ans, habile manœuvrier, est l’artisan, avec le président du Sénat Modeste Bahati, du démantèlement de la majorité que détenait l’ex président Kabila. C’est Kabund qui mena à terme le débauchage des élus des FCC qui rallièrent l’Union sacrée autour de la « vision » de Félix Tshisekedi.
L’aile familiale du parti
Le président doit donc beaucoup à cet homme-lige, qui n’a pas supporté d’être humilié par la garde de son chef. Selon certaines sources, Kabund pourrait être remplacé par Augustin Kabuya, actuel secrétaire général du parti ad intérim, à la tête de ce que d’aucuns appellent désormais « l’aile familiale » du parti. C’est du « théâtre de chez nous » nous assure un vieux militant de l’UDPS qui rappelle que le chef des « combattants » a longtemps bénéficié du soutien de la base populaire du parti, recrutant dans les quartiers pauvres et organisant de spectaculaires manifestations de soutien à Félix Tshisekedi, entre autres lors de ses retours de voyages.
Même si Kabund a déjà laissé entendre qu’il pourrait revenir sur sa décision, l’incident risque de laisser des traces : à un an des élections, il révèle des tensions internes au sein du parti au pouvoir et l’affaiblissement du premier cercle. Il illustre aussi une violence latente allant de pair avec l’arrogance du comportement et les révélations quasi quotidiennes sur les dépassements budgétaires et le manque de préparation de certaines décisions comme l’état de siège qui dure déjà depuis six mois et n’a engrangé que de piètres résultats.
Notre interlocuteur conclut : « comme au théâtre, le peuple regarde, observe, conclut. Après la démission de celui qui chauffait les foules, applaudira-t-il encore ? ».
Collette Braeckman