Au moment où la Chine est en difficulté en RDC, Taïwan tente de faire avancer ses pions en brandissant l’arme de l’ancien prêt accordé à la RDC il y a 30 ans.
La République démocratique du Congo (RDC) doit négocier actuellement le rééchelonnement d’un prêt de 57 millions de dollars de Taïwan qui remonte à la présidence de M. Mobutu. Mandaté par l’EximBank of China, l’avocat Paul E. Summit, du cabinet américain Sullivan & Worcester, a profité du séjour fin septembre 2021 à New York de la ministre congolaise de la justice, Rose Mutombo Kiese, pour s’enquérir avec elle de ce dossier. Peu après, l’avocate payée par la RDC, la Française Benita Kindongo, a averti la partie adverse que l’affaire était à l’ordre du jour d’une réunion à la mi-octobre du cabinet de la ministre. Depuis, les autorités congolaises n’ont pas donné suite aux sollicitations de Taipei.
Litige de prêt : Taïwan vs RDC
En 1991, l’ Ex-Im Bank de la République de Chine (l’Export-Import Bank of Taiwan) a accordé un prêt de 20 millions de dollars à la République du Zaïre (le nom de la RDC à l’époque), dirigée par le président Mobutu Sese Seko. M. Mobutu a régné sur le pays africain de 1965 jusqu’à ce qu’il soit contraint à l’exil en mai 1997 au Maroc, où il est décédé trois mois plus tard.
En échange du refus du Zaïre de reconnaître la République populaire de Chine (RPC) comme successeur de la République de Chine (Taïwan), le Zaïre a reçu une aide financière de Taïwan pendant la dictature de Mobutu, dans le cadre de la « diplomatie du dollar » taïwanaise. Depuis la destitution de Mobutu, la RDC a progressivement réaligné sa politique internationale sur la Chine qui est désormais son principal partenaire commercial.En outre, début janvier 2021, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, s’est rendu en RDC. Lors de sa rencontre avec le président congolais Félix Tshisekedi, il a été annoncé que la Chine annulerait environ 28 millions de dollars de prêts à la RDC, dont le remboursement était dû d’ici la fin de 2020, et fournirait 17 millions de dollars d’autre soutien financier pour aider le pays a surmonté les impacts du COVID-19. Les deux pays ont également signé un protocole d’ accord sur la coopération Initiative de la ceinture et la route, avec la RDC qui est devenue le 45ème partenaire de l’ Initiative de la ceinture et la route en Afrique.
En 2010, une décision conjointe de la Banque mondiale et du FMI a permis d’annuler 12,3 milliards de dollars de la dette de la RDC envers les créanciers multilatéraux et bilatéraux, correspondant aux sommes accumulées pendant les 32 ans de la dictature de Mobutu, dont certaines étaient conservées sur des comptes bancaires suisses . Cependant, Taïwan n’est pas membre à part entière de la Banque mondiale, ni du FMI, de sorte que l’annulation de la dette n’a pas affecté l’encours de la dette de la RDC envers Taïwan.
Depuis 2016, à la lumière du fiasco de sa « diplomatie du dollar », Taïwan est déterminé à récupérer son argent auprès d’anciens débiteurs qui ont fait allégeance à la Chine. La Taiwanese Export-Import Bank a intenté une action en justice pour prêts impayés devant le tribunal de district des États-Unis pour le district sud de New York (désigné comme l’un des nombreux forums non exclusifs dans le cadre des accords de prêt) contre plusieurs pays africains, dont la RDC.
Depuis que Taïwan a décaissé le prêt en 1991, la RDC n’a remboursé aucun versement à l’île de Formose. Par conséquent, en 2017, la RDC a été condamnée par contumace par le tribunal de district du Sud à rembourser le prêt, dont la somme initiale de 20 millions de dollars – après intérêts accumulés sur trois décennies et pénalités de retard – s’élève désormais à 57,3 millions de dollars.
Le gouvernement taiwanais a obtenu en octobre 2020 de la cour du Southern District de New York que le gouvernement congolais soit assujettit, tant qu’elle ne rembourserait pas sa dette, à des sanctions pécuniaires de 1 000 $ par jour, un montant doublant chaque mois mais ne pouvant pas excéder 80 000 $ par mois. Suivant ce calcul, cette somme a atteint, le 29 octobre 2021, un peu plus de 3 millions de dollars, mis à part le 57,3 millions.
Malgré la décision défavorable du tribunal, Mme Benita Sarr-Kindongo (co-fondatrice du cabinet d’avocats Hannoun & Banking ) a réussi à persuader , au nom de la RDC, la banque taïwanaise de négocier un rééchelonnement de la dette, avec l’intention de trouver un solution viable pour les deux parties.
La dette : l ‘arme Taïwanaise pour faire « pression »
Depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir, la Chine est mise en mal en RDC en ce qui concerne les contrats miniers signés sous Kabila. Dans les mines, les congolais sont des esclaves des chinois. Ce qui fait monter la sinophobie en RDC .
Sur terrain, les citoyens chinois sont même exposés à des possibles attaques et sabotages des groupes armés vue la que la réputation des chinois en RDC se retrouve ternie par des scandales d’atteintes aux droits des creuseurs congolais dans les grandes mines du cobalt.
L’ambassade de la Chine en RDC a même appelé tous les citoyens chinois à quitter le Sud-Kivu et les provinces voisines du Nord-Kivu et de l’Ituri, affirmant que la situation sécuritaire dans la région était « extrêmement complexe et sombre » et qu’elle y avait peu de possibilité de fournir de l’aide en cas d’attaque ou enlèvement.
Taïwan compte sur les « négociations » de sa dette pour convaincre le président congolais Félix Tshisekedi de hausser le ton sur son ennemi éternel « la Chine continentale » et surtout à réduire l’influence croissante de la Chine sur les mines du Congo par une Révision totale des contrats.
Les tensions militaires entre Taiwan et la Chine ont atteint un pic inédit en plus de quatre décennies. Pékin aurait les moyens de mener une invasion « totale » de l’île d’ici 2025, sur fond de multiplication des manœuvres militaires chinoises.
La Chine considère Taïwan comme une « province renégate » et n’exclut pas un recours à la force pour la ramener dans son giron. L’île met en avant son indépendance et veut défendre ses libertés et sa démocratie.
Coco Kabwika