La Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) a remplacé l’armée et l’État dans ce coin de la province de l’Ituri depuis l’effondrement d’un accord de désarmement fin 2020.
Au nord-est de la République démocratique du Congo, dans une province sous contrôle militaire, une milice rebelle administre un territoire traité comme refuge par les déplacés.
Le territoire est accessible par une piste sablonneuse qui serpente à travers les collines et les affleurements rocheux au sud de la capitale provinciale, Bunia.
Après avoir parcouru 30 kilomètres, s’arrêtant à quatre péages illégaux tenus par des soldats de l’armée congolaise, des chambres à air tendues entre des piquets marquent l’entrée du domaine FRPI.
Un jeune homme en civil ouvre la barrière, un fusil d’assaut Kalachnikov à portée de main. On nous accorde l’entrée dans la chefferie de Walendu Bindi.
Depuis fin 2020, des milliers de personnes déplacées sont arrivées sur les lieux, larges d’une cinquantaine de kilomètres, cherchant la protection de la milice, même si elle n’est que relative.
Ils ont fui les massacres perpétrés dans les chefferies voisines de Boga et Tchabi par les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé qui a fait allégeance à l’organisation État islamique et qui a pour alliés une communauté hutu installée dans la zone.
La FRPI est une milice de plus de 1.000 hommes, créée à la fin des années 1990 pour « chasser l’armée ougandaise qui envahissait l’Ituri », explique le « colonel » Munobi, porte-parole du mouvement, lors d’une cérémonie d’inauguration d’école.
Des troupes de l’Ouganda voisin chassaient des membres des ADF, qui ont commencé par un soulèvement contre le régime du président Yoweri Museveni en 1996.
Les FRPI ont signé un accord de démobilisation avec l’État congolais en février 2020, mais sept mois plus tard, le processus s’est effondré après une provocation imputée à des deux côtés.
Les miliciens se sont depuis repositionnés sur les routes principales et dans les villages pour contrôler tous les mouvements. Ils se targuent d’être un rempart contre l’expansion de l’ADF.
A l’extrémité sud de la chefferie de Walendu Bindi, une position FRPI domine une plaine déboisée. Des combattants en treillis passent le temps dans un camp de paille.
« Tout a été pillé«
« Nous avons mis en place ces positions en juin pour empêcher les ADF et leurs alliés Banyabwisha d’attaquer la population et d’entrer dans notre chefferie« , raconte le « Colonel » autoproclamé Jean-Robert Kufa Mbafele
Dans l’est de la RDC, les Banyabwisha sont des Hutus congolais vivant dans la chefferie de Bwisha au Nord-Kivu, la province troublée au sud de l’Ituri.
En juin dernier, avec quelques centaines de miliciens, Mbafele a affronté les ADF. « Nous avons perdu trois hommes« , a-t-il déclaré.
Au pied de leur avant-poste collinaire, une piste déserte traverse les chefferies de Mitego, Boga et Tchabi, où des villageois ont été traumatisés en 2021 lorsque plus de 100 civils ont été massacrés.
Patrick Sande Loki, guérisseur traditionnel, se souvient de l’attaque du 30 mai dernier. « Il était environ minuit. On entendait des voix crier ‘Ouvrez la porte !’ Et juste après, les balles ont commencé à crépiter. »
Des miliciens de la Force de Résistance Patriotique de l’Ituri (FRPI) patrouillent à Bukiringi le 6 janvier 2022 pour protéger la chefferie de Walendu Bindi des attaques d’autres groupes armés dans le sud de la province de l’Ituri, au nord-est de la République démocratique du Congo.
En 2020, plusieurs dizaines de membres de la communauté Banyabwisha, accusés d’être des envahisseurs, ont été massacrés dans leurs champs lors d’une attaque attribuée aux jeunes de Tchabi.
L’Ituri, comme le Nord-Kivu, est en « état de siège » depuis mai dernier. La mesure a donné les pleins pouvoirs à l’armée pour lutter contre les groupes armés qui sévissent dans la région depuis plus de 25 ans.
Mais autour de Tchabi ou de Boga, la FRPI est considérée par la population comme un moindre mal, coexistant avec des autorités débordées et laissées seules par les militaires.
Il est 16h00 à Boga et le soleil se couche.
Le major Mulumba, commandant de la police, démarre sa moto chinoise et s’engage sur la piste qui remonte à Bunia. En chemin, il embarque un jeune homme portant un gilet pare-balles, l’emmenant à l’entrée d’Aveba, le fief du groupe armé.
Le milicien remercie le policier et reprend du service en tenant un poste de contrôle.
AFP avec Daily Monitor