RDC/Massacre de Kilwa : «perpétré sous J. Kabila», F. Tshisekedi appelé à dédommager huit victimes avec 4,36 millions $ (RAID /UK)

 Il apparaît que le Président Joseph Kabila avait ordonné la reprise de la ville de Kilwa dans 48 heures pour répondre aux inquiétudes de la société minière australo-canadienne Anvil Mining, qui possédait et exploitait une mine de cuivre et d’argent à proximité.

Cette société minière a ensuite été mise en cause pour avoir fourni à l’armée un soutien logistique essentiel à l’opération.

RETOUR SUR L’INCIDENT DE KILWA 2004

14 octobre 2004 : Aux environs de 2 heures du matin, un groupe de six ou sept individus tente d’occuper la petite ville de Kilwa, dans la province du Katanga, au sud-est de la République démocratique du Congo (RDC). Ils prétendent appartenir à un mouvement rebelle jusqu’ici inconnu, « le Mouvement révolutionnaire pour la libération du Katanga » (MRLK). Les membres du personnel de sécurité de la compagnie Anvil Mining s’entretiennent avec le chef rebelle à Kilwa, qui leur fait savoir qu’il n’a aucunement l’intention de s’emparer de la mine de Dikulushi d’Anvil Mining1, située à proximité. Anvil Mining déclare : « Le groupe rebelle semble constitué d’un petit nombre d’individus mécontents en mal de reconnaissance. »

14-15 octobre 2004 : Anvil Mining évacue son personnel de la mine de Dikulushi vers la capitale de la province, Lubumbashi, dans des vols charters au départ de l’aéroport de Dubie.

Anvil Mining confirme que des militaires sont arrivés sur place par les vols retour. Deux expatriés et deux membres congolais de l’équipe de sécurité d’Anvil Mining restent sur place pour surveiller l’évolution de la situation.

15 octobre 2004 : Anvil Mining publie un communiqué de presse le jour du lancement de l’attaque militaire (voir ci-dessous), déclarant que la compagnie « espère que la situation sera résolue sous 72 heures ».La majeure partie de la population fuit lorsqu’il est annoncé à la radio que les troupes envoyées vers la ville ne feront preuve d’aucune pitié et que quiconque restera sera traité comme un insurgé.

La responsabilité du minier  Anvil Mining

Les soldats de la 62ème Brigade d’infanterie des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) arrivent à Kilwa. Les FARDC ont utilisé les camions d’Anvil Mining pour effectuer le trajet depuis leur base à Pweto, à 135 kilomètres de là. Sous les ordres du colonel Ilunga Ademar, les militaires lancent une attaque afin de reprendre la ville de Kilwa. Au cours de cette opération, de graves violations des droits de l’homme (notamment des dizaines d’exécutions sommaires, des arrestations arbitraires, pillages et extorsions) auraient été commises par les FARDC contre la population civile. Dans un affrontement qui dure deux heures, les FARDC ne déplorent aucune perte.

 Près de trois ans après ces événements à Kilwa, il apparaît que le Président Joseph Kabila avait ordonné la reprise de la ville dans 48 heures.

Les soldats de la 62ème Brigade d’infanterie sous les ordres du colonel Ilunga Ademar

29 juin 2005 : Le colonel Ilunga Ademar est arrêté à Lubumbashi pour des délits en rapport avec le trafic d’armes et d’autres infractions sans lien avec l’incident de Kilwa.

1er juillet 2005 : ASADHO/Katanga publie un communiqué de presse demandant que le colonel Ilunga Ademar soit poursuivi pour son implication dans l’opération des FARDC à Kilwa et qu’une enquête soit menée afin de définir le rôle joué par Anvil Mining dans les événements.

13 juillet 2005 : Le colonel Ilunga Ademar est accusé de crimes de guerre et d’autres crimes commis au cours de l’opération militaire de Kilwa en octobre 2004.

Plus de 70 personnes ont été tuées. La société minière australo-canadienne Anvil Mining, qui possédait et exploitait une mine de cuivre et d’argent à proximité, a ensuite été mise en cause pour avoir fourni à l’armée un soutien logistique essentiel à l’opération.

Le procès de Kilwa : un déni de justice

Après plusieurs tentatives infructueuses d’obtenir justice en RDC, en Australie et au Canada, huit des victimes ont porté plainte auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. La Commission, créée en vertu de l’article 30 de la Charte africaine, est chargée de “promouvoir les droits de l’homme et des peuples et d’assurer leur protection en Afrique”. En 2017, la Commission a rendu une décision historique exigeant que la RDC verse aux huit victimes des dommages-intérêts totalisant 4,36 millions de dollars américains. Elle a également demandé à l’État congolais d’identifier les victimes non parties à la procédure et de les indemniser, d’ouvrir une nouvelle enquête et de prendre “les mesures nécessaires pour poursuivre et punir les agents de l’État et le personnel de la société Anvil Mining ” impliqués dans les violations. L’Etat congolais avait un délai de 6 mois, expiré le 17 décembre 2017, pour informer la Commission des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations. À ce jour, aucune mesure n’a été prise.

Felix Tshisekedi devrait réparer en  toute urgence les abus de Kabila

Le Président de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, doit remédier de toute urgence aux défaillances du gouvernement précédent en matière de droits humains et mettre en œuvre la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples au sujet de graves abus à Kilwa, dans le sud-est de la RDC, ont déclaré aujourd’hui les trois groupes internationaux et congolais de défense des droits humains à l’origine de la plainte.

Le Président Tshisekedi est actuellement Président de l’Union africaine et s’est engagé à promouvoir les droits humains et à défendre les institutions africaines. Cette semaine, la Commission africaine célèbre le 40ème anniversaire de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 par l’Assemblée des Chefs d’État de l’Organisation de l’Unité Africaine (aujourd’hui Union Africaine).En 2017, la Commission africaine a décidé que la RDC avait violé la Charte africaine par rapport au massacre, en 2004, de plus de 70 personnes par des soldats de l’armée congolaise dans la ville de Kilwa. Elle a accordé des dommages-intérêts de 4,36 millions de dollars à huit victimes et à leurs familles, la plus haute indemnisation jamais accordée par la Commission africaine. Elle a aussi ordonné

à l’État congolais à identifier et indemniser les autres victimes et leurs familles non parties à la plainte mais directement touchées par l’attaque.

Joseph Kabila a ignoré la décision de la Commission africaine

 Le gouvernement de l’ancien Président Joseph Kabila a ignoré la décision de la Commission africaine et celle-ci n’a toujours pas été mise en œuvre.

« Lorsque les gouvernements africains ignorent les décisions des organes africains des droits humain, non seulement ils ébranlent la Charte africaine et les institutions africaines, mais ils abandonnent également les peuples africains”, a déclaré Gaye Sowe, Directeur exécutif de l’IHRDA. « Le Président Tshisekedi peut faire preuve d’initiative en matière de droits humains en mettant en œuvre la décision de la Commission africaine relative au massacre de Kilwa, en RDC.”

Dans une lettre ouverte adressée au Président Tshisekedi et publiée aujourd’hui, les groupes de défense des droits humains qui ont initié, au nom des victimes, la plainte auprès de la Commission africaine ont déclaré que l’État congolais violait ses obligations nationales et internationales en refusant de mettre en œuvre la décision. Les groupes ont salué la décision du gouvernement de la RDC de ratifier, en décembre 2020, le Protocole sur la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Ils ont toutefois souligné qu’en prenant cette mesure, le gouvernement du Président Tshisekedi courrait le risque d’être condamné par la Cour pour non-respect de la Charte.

Lisez aussi la décision de la Commission africaine relative au massacre de Kilwa, en RDC.”

Source :

• IHRDA (Banjul)

• Afrewatch (Kinshasa)

• RAID (Londres): Anneke Van Woudenberg

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