Ancienne icône de la réconciliation, autrefois choyé par le régime rwandais, le chanteur Kizito Mihigo a été retrouvé mort dans sa cellule. Il avait été arrêté quatre jours auparavant, alors qu’il tentait de traverser la frontière vers le Burundi.
Le chanteur rwandais Kizito Mihigo a été retrouvé mort lundi 17 février au commissariat de Remera. Selon un communiqué de la police rwandaise, l’artiste de 38 ans se serait suicidé dans sa cellule. Contactée par Jeune Afrique, cette dernière affirme avoir ouvert une enquête pour éclaircir les circonstances exactes de la mort de cette icône de la réconciliation, autrefois choyée par le régime rwandais.
Kizito Mihigo avait été interpellé quatre jours plus tôt, dans le district de Nyaraguru, dans le sud du Rwanda. Selon les autorités rwandaises, l’homme tentait de se rendre au Burundi pour y rejoindre des « groupes terroristes » hostiles à Kigali quand il a été reconnu par des agriculteurs de la région. Il aurait alors tenté de les soudoyer pour qu’ils gardent le silence. Il a ensuite été remis au Rwanda Investigation Bureau.
Une version remise en cause par des personnes proches du chanteur. En contact régulier avec Kizito Mihigo depuis sa libération, l’une d’entre elles affirme ainsi qu’il n’a jamais évoqué le moindre projet de rejoindre un groupe armé, même si l’artiste avait bel et bien émis le souhait de quitter le pays.
Émotion et interrogations au Rwanda après le décès du chanteur Kizito Mihigo
L’artiste a été retrouvé mort lundi 17 février dans sa cellule alors qu’il était en détention depuis trois jours à Kigali. La police et le bureau d’enquêtes rwandais affirment qu’il s’est suicidé. Pour certains, cette thèse ne tient pas la route. Les autorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête. Depuis, les réactions se multiplient sur les réseaux sociaux.
Sur Twitter comme sur Facebook, les internautes ne cachent pas leur émotion. « Difficile de croire que (…) l’apôtre de la réconciliation rwandaise n’est plus de ce monde », écrit par exemple Alice Mutimukeye. Avant d’ajouter : « Merci pour tout Kizito Mihigo. Repose en paix. »
Réactions également du côté de classea politique rwandaise. « Un bon coeur a cessé de battre. Cela dépasse l’entendement », tweete pour sa part l’opposante Victoire Ingabire, grâciée et libérée de prison en 2018, au même moment que le chanteur de gospel.
« Il était seul dans sa cellule », affirme le bureau des enquêtes
Mais au-delà de l’émotion, la mort de l’artiste soulève de nombreuses interrogations. Certains se disent indignés. D’autres n’hésitent pas à pointer du doigt le régime du président Paul Kagame, en l’accusant d’avoir assassiné le chanteur.
Le directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch, Kenneth Roth, appelle quant à lui à une « enquête urgente », surtout dit-il « si l’on se fie à l’histoire politique du Rwanda, marquée par les assassinats d’opposants présumés ».
La police rwandaise affirme que le célèbre chanteur de gospel s’est suicidé dans sa cellule. Il était détenu au poste de Ramena, à Kigali depuis trois jours. Kizito Mihigo avait été arrêté jeudi dernier dans le district de Nyaruguru, dans le sud du Rwanda.
Le bureau des enquêtes rwandais l’accusait d’avoir voulu traverser illégalement la frontière burundaise pour rejoindre un groupe armé. Il assure cependant travailler à faire toute la lumière sur l’événement. « Nous avons été informés ce matin par le poste de Remera, où il était détenu. Et nous avons ouvert une enquête. Il semble que ce soit un suicide. Il était dans sa cellule, seul, et il a utilisé un drap pour se pendre. Son corps a été transféré au laboratoire de médecine légale en vue de son autopsie. Je peux ajouter qu’il était très silencieux depuis son arrestation. Il ne voulait pas parler, même lors de visites », détaille Marie-Michelle Umuhoza, la porte-parole du bureau.
Lorsque nous lui demandons si le fait que Mihigo soit mort sous la responsabilité des autorités n’est pas vécu comme un échec, elle rétorque : « Vous savez, les détenus ont des droits, et ils ont droit à la vie privée. Donc il était seul dans sa cellule. C’est une triste nouvelle. »
L’activiste rwandais René Mugenzi, en exil à Londres, se dit sous le choc. Pour lui, la thèse du suicide ne tient pas la route.
On ne croit pas que Kizito Mihigo se soit suicidé. C’est impossible, parce que Kizito est chrétien qui a des valeurs chrétiennes très profondes. Il l’a montré dans ses chansons, dans ses actions. Il n’aurait jamais, jamais pu se suicider. Il n’aurait pas non plus contacté les groupes soi-disant terroristes ou les groupes armés, ce ne sont pas ses valeurs, qui sont celles du pardon, de la réconciliation. On est sûr à 100% qu’il a été assassiné par la police.
JEUNE AFRIQUE and RFI