Tribune: Restitution des œuvres d’art congolais par la Belgique, osons le dialogue institutionnel

Christian Ndombo Moleka

En marge de la célébration du centenaire de sa création, l’Eglise Kimbanguiste est entrain d’ériger, dans le Kongo-central profond, un musée censé abriter les œuvres d’art africain.

Cette initiative combien louable a pourtant le mérite de susciter un autre questionnement plus complexe parce qu’au carrefour des enjeux politico-diplomatiques, économiques, juridique et culturelle: c’est celui de la restitution d’œuvres d’art africain, et pour le cas du congo, celles du musée belge de Tervuren, dernier mohican des musées coloniaux d’Europe et qui disposerait de près de 120 000 objets d’art d’origine congolaise

Si en France Emmanuel macron, lors de son discours de Ouagadougou du 28 novembre 2017, a ouvert le débat sur la restitution d’œuvres  d’art africain, du côté de la Belgique rien ne semble bouger.

Pourtant, cette question s’est invitée, dans les relations diplomatiques belgo-congolais, depuis 1970, sous le Marechal Mobutu puis récemment, en 2018, par un collectif d’association et d’universitaires

Comment expliquez dès lors ce mutisme et cette absence d’initiatives alors que le président Felix  Tshisekedi évoquait il y a peu, à  l’occasion de l’inauguration du musée national du congo, la nécessité « d’un retour organisé » du patrimoine congolais conservé dans des musées belges.

Restitution d’œuvres d’art: une épine dans l’embellie de la coopération belgo-congolaise

Voguant habituellement entre amour et désamour, tensions et détente, la coopération belgo congolaise semble retrouver sous l’ère Felix Tshisekedi, à contrecourant avec son prédécesseur Joseph Kabila.

Et si hier on pouvait arguer de l’absence de musées et d’infrastructures adéquates pour justifier de la non restitution des œuvres d’art, l’inauguration prochaine du musée du Nkamba après celui du musée national dote désormais la RDC d’une capacité infrastructurelle certaine

La volonté d’un  rapprochement stratégique qui consoliderait les intérêts stratégiques du régime pourrait prendre le dessus sur les intérêts d’état. Comment des lors concilier dialogue franc et idylles diplomatiques?  Tel semble aujourd’hui l’équation diplomatique à laquelle devrait se soumettre le président Fatshi, au moment où depuis la publication du rapport savoy-sarr, d’autres états africains comme le Benin ont ouvert un dialogue franc avec les anciennes puissances coloniales sur la question.

Sortir du syndrome Van Bilsen

En 1955, alors que la majeure partie des puissances coloniales s’ouvraient déjà à l’idée d’une émancipation des colonies, la Belgique trainait le pas alors que le vent de la décolonisation soufflait déjà sur le continent. La volonté de retarder la contraction historique au moyen d’un plan contrôlé de trente  ans, plutôt que de suivre le mouvement de l’histoire conduira à l’indépendance impréparée, violente et une rupture traumatisante.

Et comment s’y prendra le président Felix Tshisekedi, lui qui revendique une nouvelle identité, la Belgique étant son deuxième congo?

60 ans après alors que souffle sur le continent un nouveau vent de décolonisation culturelle, la Belgique aura-t-elle le courage de prendre le train à nouveau le bon train de l’histoire? D’éviter les résistances contreproductives face à un nouveau mouvement historique  irréversible?

Wait and see

Christian Ndombo Moleka, Politologue prospectiviste. Coordonnateur national  de la DYPOL, la Dynamique  des Politologues de la RD.Congo.

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