RDC: PPRD ou président de la République : un choix difficile pour le Premier ministre

juge prêtant serment devant le chef de l'Etat

Imperturbable face aux sirènes et chants de « violation des lois ou de la Constitution », le chef de l’État est passé à la vitesse supérieure. La preuve, la prestation de serment de trois juges nommés à la Cour Constitutionnelle est annoncée pour ce mercredi 21 octobre 2020, au Palais du Peuple. Les présidents de deux Chambres sont saisis sur la question pour prendre toutes les dispositions nécessaires afin que la salle des Congrès du Palais du peuple soit disponible. En même temps, au PPRD, on pousse le Premier ministre à la rébellion. Sylvestre Ilunga Ilunkamba est poussé par son parti à ne pas exécuter la demande du chef de l’État. Dans ce bras de fer, c’est désormais le Premier ministre qui est dans l’impasse. Le septuagénaire devra faire le choix entre l’injonction à lui faite par son parti politique et l’ordre donné lors de la dernière réunion du Conseil des ministres par le chef de l’État. Un choix difficile. Va-t-il finalement accepter de porter sa casquette partisane du PPRD pour bouder le président de la République ? Dans l’affirmative, quelles seront les conséquences politiques immédiates d’un tel choix ? Les questions demeurent. Mais dans tous les cas, la cérémonie de prestation de serment prévue mercredi – comme celles déjà vécues par le passé – est organisée par le protocole d’État. La directive du Conseil des ministres était ainsi claire, en chargeant le Premier ministre ainsi que le ministre en charge des Relations avec le Parlement de prendre toutes les dispositions pour que le protocole d’État organise « correctement » ladite cérémonie.

La Cour constitutionnelle devient ce dernier bastion au centre d’une guerre politique ouverte entre les deux camps au sein de la coalition au pouvoir, le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila et le Cap pour le changement (CACH) de Félix Tshisekedi. Et, visiblement, c’est un combat de cage engagé et qui traduit, selon plusieurs analystes, les ambitions électorales de 2023.

En effet, si au FCC on a cru avoir tout gagné pour s’assurer une victoire présidentielle en 2023 (il y a ceux qui s’attèlent déjà aux décomptes), au CACH et principalement à l’UDPS, c’est la dynamique de la confrontation qui est décidée pour contourner tous les obstacles pouvant mettre en difficulté le quinquennat actuel de Félix Tshisekedi qui déterminera son éventuel second mandat. L’enjeu est donc de taille. Le défi également.

Comme il était prévisible, Tshisekedi a peut-être finalement décidé de voler de ses propres ailes pour se départir du fort ombrage de son prédécesseur, qui détient la majorité parlementaire et la majorité dans les assemblées provinciales. Car, en prenant la courageuse mais délicate décision de ne pas se laisser influencer par ses partenaires majoritaires au sein de la coalition, le chef de l’État s’est certainement préparé à toutes les scénarios possibles qui s’en suivront.

Entretemps, une fois que le Front commun pour le Congo perdra le contrôle de la Haute Cour, il devra dire adieu à toute possibilité de destituer le président de la République. Le mécanisme étant pleinement lié avec la Cour constitutionnelle.

Tshisekedi imperturbable !

Dans ce décor belliqueux, Félix Tshisekedi s’affiche imperturbable face aux sirènes et chants de « violation des lois ou de la Constitution ». Il est passé à la vitesse supérieure. La preuve, la prestation de serment de trois juges nommés à la Cour Constitutionnelle est annoncée ce mercredi 21 octobre 2020, au Palais du Peuple, dans la commune de Lingwala. Là même où par le passé, les autres juges constitutionnels prêtaient serment devant l’ancien chef de l’État. Plus qu’un message, c’est tout un symbole.

D’après le communiqué du protocole d’État, la cérémonie va débuter à 8heures jusqu’à 10heures 30′ avec l’arrivée des officiels, députés et sénateurs et d’autres chefs de corps. L’arrivée du chef de l’État est prévue à 10h45 et la cérémonie proprement dite débutera à 11heures.

Les invitations sont lancées aux corps constitués. Comme députés et sénateurs, les présidents de deux Chambres du Parlement sont également invités. Dans une correspondance à eux adressée, lundi 19 octobre par le chef de l’État, via son directeur du cabinet, Jeanine Mabunda et Alexis Thambwe Mwamba sont priés de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que soit disponibilisée la salle de Congrès du Palais du peuple qui abritera la cérémonie de prestation de serment. Mais comment vont-ils se comporter après le clash sur l’appréciation des actes pris par le chef de l’État ? Mercredi sera révélateur de beaucoup de choses !

La pilule trop amère à avaler au PPRD

Au PPRD, on est monté au créneau. La pilule est trop amère pour être avalée comme une sinécure. Ferdinand Kambere, qui est secrétaire permanent adjoint du parti de Joseph Kabila, a indiqué tout haut que le PPRD encourage le Premier ministre à s’abstenir d’organiser la cérémonie de prestation de serment des juges constitutionnels, comme demandé par le chef de l’État. « Parce qu’en vertu de l’article 28 de la Constitution », souligne-t-il, « nul n’est contraint à exécuter un ordre illégal ».

En réaction, Giscard Kusema du cabinet du chef de l’État, a éclairé sur la question de l’organisation de la cérémonie. « L’organisateur, c’est le protocole d’État ».

À tout prendre, c’est désormais le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba qui est dans l’impasse. Le septuagénaire, réputé sage, devra faire le choix entre l’injonction à lui faite par son parti politique et l’ordre donné lors de la dernière réunion du Conseil des ministres par le chef de l’État, pour prendre les dispositions pratiques afin que le protocole d’État organise correctement la cérémonie. Va-t-il finalement accepter de porter sa casquette partisane du PPRD pour bouder le président de la République ? Et si oui, quelles seront les conséquences politiques immédiates ?

Dans tous les cas, le PPRD ou le FCC n’ont, à ce stade, aucun pouvoir pour empêcher la matérialisation d’une telle cérémonie.

Du côté des observateurs, on estime que les lignes ont bougé dans le sens de l’indépendance totale de la Cour constitutionnelle.

Pris pour un naïf, Félix Tshisekedi développe une stratégie de déboulonnement en douceur. Après un long moment de profil bas, il opte pour une stratégie de haut vol, prenant de court ses adversaires ou partenaires « opposés », c’est selon. Il sait déjà déjouer les plans.

Dans la foulée, plusieurs avis convergent qu’avec une Cour constitutionnelle réellement métamorphosée, il sera difficile que la tricherie électorale tant décriée au niveau de la Commission électorale nationale indépendante passe comme par le passé.

Le Potentiel

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