Se prononçant sur ce que sera 2020 lors de son discours sur l’état de la nation le 13 décembre 2019, le Président de la République déclarait : « l’année qui s’ouvre sera le témoin de la reprise de la collaboration avec nos partenaires traditionnels, l’arrivée massive des investissements étrangers, résultats de nos récents déplacements [1]». Et le Président de renchérir comme pour montrer sa foi en cette promesse : « le peuple d’abord est la boussole de notre action et la mesure de notre détermination … c’est à l’aune de sa satisfaction (c’est-à-dire du peuple) que notre action aura du sens ».
2020 devrait donc s’inscrire comme une année du social où les actions publiques devraient être orientées vers « l’octroi de satisfaction » au bénéfice de la population collective.
Et si les nombreuses promesses du Président de la République depuis son accession à la magistrature auraient elles-mêmes suffi à susciter des nombreuses attentes populaires, le contexte particulier de sa mandature exacerbe davantage l’attente et l’attention des citoyens quant à son bilan.
En effet, porté par un parti qui s’était longuement confiné dans l’opposition et qui, en conséquence, avait radicalisé son langage politique pour « surenchérir les espérances à faire naître » et souligner les mécontentements susceptibles « d’affaiblir » les différents gouvernements qu’il a combattu, et succédant à un régime de Joseph Kabila à l’usure et plus à même de se remettre à question, le Président Felix Antoine TSHISEKEDI se sait obliger de réduire « l’écart entre les perspectives négatives de la situation et les espérances d’amélioration considérées comme légitime ».
Pourtant, la politique est un champ dynamique et comme le dit si bien Edgar Morin, « le propre de l’avenir ce qu’il est inconnu et comporte sa part d’inattendu, de création et de destruction. »
A toutes ces situations déjà complexes est venu se greffer l’inattendu, le Covid-19.
Pandémie et crise sanitaire mondiale que moult analystes n’ont pu prévenir, le coronavirus est venu rabattre toutes les cartes. Non content de freiner le commerce et la croissance économique mondiale, les perspectives de croissance mondiale 2020 se situent aujourd’hui à 1.5[2] pour cent contre 3 auparavant, les mesures de restrictions à la circulation des personnes, de biens et des denrées, de confinement auront pour conséquences des pertes des recettes, un PIB plus faible et un accroissement du déficit public lié à l’augmentation des charges publiques liée à la riposte au Covid-19 .
S’il faut ajouter à ce tableau sombre la réduction prévisible des IDE (investissement direct étranger) et d’aides bilatéraux, les perspectives d’une arrivée massive des investissements semblent de plus en plus hypothétiques.
« Gouverner c’est décevoir »
L’une des règles de sagesse en politique dit – on c’est que « les présidents sont élus pour faire tout le contraire de ce qu’ils ont promis ». Il y a lieu de se demander si le coronavirus ne constituerait, bien malgré lui, un tournant et une opportunité pour le Président de la République. Car si le paradigme de départ de son mandat se fondait sur une mobilisation de l’IDE et de l’aide publique extérieure ou encore de l’aide multilatérale, la crise économique qui prendrait le relai de la crise sanitaire devrait conduire à un retournement stratégique plus que réaliste.
L’autre règle de sagesse que nous enseigne une seconde maxime ce que « les Présidents font l’histoire mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font ». Le Coronavirus peut être perçu comme un temps d’arrêt sinon un moment charnière de réévaluation de l’action présidentielle et de réorientation ; Les poids des contraintes exogènes, comme les bourrasques des tempêtes en mer, ont le mérite de faire changer le cap des objectifs des navires, voire des ports d’attaches.
Quoiqu’il en soit, c’est maintenant que le Président de la République devrait développer une intelligence des situations, opérer des choix décisifs, à quelques deux années d’actions qui lui restent, la dernière année d’un mandat étant celle où les critiques deviennent les plus hostiles et l’action politique plus impuissante.
Par : Christian Ndombo Moleka (Politologue prospectiviste et Coordonnateur de la DYPOL, la Dynamique des politologues de la RD Congo.)
[1] Allocution du président de la république sur l’Etat de la Nation devant le parlement réuni en congrès du vendredi 13 décembre 2019. Tiré sur www.matininfos.net le 08 Avril 2020.
[2] Perspectives économiques de l’OCDE, rapport intermédiaire de Mars 2020.