Economie: le Rwanda devient un sérieux compétiteur de Maurice sur le marché chinois

Levier d’opportunités commerciales sans pareil, l’accord de libre-échange entre Maurice et la République populaire de Chine a été un tournant important dans la relation sino-mauricienne. Si les exportations de produits mauriciens vers l’empire du Milieu représentaient plus de 33 millions USD à novembre, l’absence d’accords sanitaires et phytosanitaires est une épine dans nos produits agricoles. Entre-temps, la popularité des produits rwandais fleurit avec de tels accords signés régulièrement avec la Chine.

Un an s’est écoulé depuis la signature de l’accord de libre-échange entre Maurice et la République populaire de Chine. Une première dans la coopération sino-africaine, cet accord veut être un outil d’exception pour favoriser l’entrée des produits mauriciens sur le territoire chinois. Or, si l’ambition est là, la tâche ne serait pas aussi simple, car si l’accord de libre-échange permet d’éviter les droits de douane, l’absence de la signature d’accords sanitaires et phytosanitaires (SPS) entre les deux pays est une entrave à l’exportation des produits agricoles et alimentaires mauriciens sur le marché chinois. Entre-temps, alors que nous prenons notre temps, le Rwanda, petit territoire d’Afrique de l’Est, s’engage avec plus de force et de détermination pour faire connaître ses produits en Chine et conquérir ce marché de manière stratégique. 

Faisons d’abord un bilan de cette année depuis ce fameux accord de libreéchange. Il est clair que depuis son entrée en vigueur, nos exportations sur le marché chinois ont connu une augmentation. L’ambassade de Chine à Maurice fait ressortir que, selon leurs statistiques, à la fin de novembre, la Chine avait importé pour une valeur de USD 33 195 081. Ces produits incluent cuivre, vêtements, aliments pour animaux, sucre et sucres spéciaux, graisse et huile de poisson, sacs et étuis en cuir, fils et tissus de coton, bois et produits en bois, et accessoires d’horlogerie, entre autres. 

Approche ciblée 

Par ailleurs, les importations chinoises de sucre, d’aliments pour animaux et d’accessoires d’horlogerie ont connu une hausse substantielle de 986,71 %, 258,08 % et 175 % respectivement, par rapport à la même période l’année précédente, grâce aux réductions des droits de douane de l’accord de libre-échange. De plus, depuis mars 2021, l’Economic Development Board (EDB) travaille avec des provinces partenaires, notamment Zhejiang, qui affiche 36 % de ces importations, Shanghai, 26 % et Guangdong, 12 % d’importations, souligne Sunil Boodhoo, directeur du commerce international au ministère des Affaires étrangères, dans un article publié par Business Magazine. 

Si tout cela s’annonce encourageant, quid de l’impact de l’absence d’accords SPS sur l’exportation de nos produits agricoles ? En fait, le rôle de l’EDB se limite à la promotion de nos produits sur le marché chinois par une approche ciblée visant des investisseurs, mais c’est surtout à l’ambassade de Maurice en Chine et au ministère des Affaires étrangères à Maurice de faire le lien avec les institutions pertinentes en Chine pour l’entrée de nos produits sur le territoire chinois. Nous avons contacté notre ambassadeur en Chine, Alain Wong, mais n’avions pas encore eu de réponse à l’heure où nous mettions sous presse. En attendant, l’ambassade de Chine nous éclaire un peu plus. 

«Le manque de coopération concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) entre les deux parties entrave les exportations de produits agricoles et alimentaires mauriciens vers le marché chinois. Dans le cadre de l’initiative La Ceinture et la Route et de la plateforme du Forum de coopération Chine-Afrique, la Chine a récemment accéléré le processus de signature du protocole SPS avec les pays africains pour répondre à la demande de l’Afrique d’exporter davantage de produits agricoles et alimentaires vers le marché chinois.» Dans ce contexte, l’ambassade mauricienne à Beijing et le bureau de l’EDB à Shanghai ont déjà commencé des discussions avec les autorités chinoises, comme le Food Safety Bureau of GACC (General Administration of Customs, P.R.China), pour une coopération sur des produits agricoles et alimentaires, tels que l’ananas, le rhum, le poisson et les produits de la pêche. 

Entre-temps, les produits rwandais se font de plus en plus connaître sur le marché chinois. Les avenues de coopération entre le Rwanda et la Chine sont légion et incluent l’éducation, la technologie et le tourisme et les produits agricoles. Le café rwandais y est déjà populaire, surtout depuis la signature d’un accord de coopération entre l’ambassade du Rwanda en Chine et la Yunnan International Coffee Exchange Company en 2020 – pour promouvoir le café rwandais. En mars de cette année, l’ambassade du Rwanda a signé un nouvel accord pour exporter du piment séché sur le marché chinois. Récemment, soit en novembre, l’ambassade du Rwanda a signé un nouvel accord, cette fois pour exporter des feuilles de stevia vers la Chine. 

La concurrence est-elle rude ? «Il faut savoir que le thé, le rhum et la bière de Maurice sont très appréciés en Chine. Il y a des règlements sanitaires à respecter pour l’entrée de nos produits en Chine mais bon nombre de ces règlements sont déjà couverts par l’accord de libre-échange. À titre d’exemple, nous respectons les exigences sanitaires pour l’exportation d’ananas. Le ministère des Affaires étrangères se charge de faire le lien avec les institutions nécessaires en Chine pour faciliter l’entrée de nos produits. Le Rwanda exporte des produits, mais Maurice a signé un accord de libre-échange unique. Nos mécanismes sont en place et le travail continue pour améliorer et faciliter le commerce», explique Sunil Boodhoo à l’express. 

Nous avons en effet un avantage sur les autres pays africains grâce à cet accord de libre-échange, mais il ne faudrait pas sous-estimer leurs stratégies, comme l’explique l’économiste Kevin Teeroovengadum. «Il est important de placer le contexte, la Chine est la deuxième puissance économique mondiale et dans un climat économique régi par le Covid-19, la Chine est l’un des rares pays à maintenir une croissance malgré les circonstances. Le taux de consommation domestique est resté solide et la Chine ouvre son marché et importe de plus en plus d’Europe, d’Asie et d’Afrique. En ce qui concerne le cas spécifique du Rwanda, il est clair que les dirigeants rwandais ont une bonne maîtrise de la stratégie géopolitique, ils savent quels deals faire afin que les Chinois importent de plus en plus de chez eux. Nous avons un accord de libre-échange certes, mais Maurice importe quasiment tout, qu’avons-nous donc à exporter finalement ? À titre d’exemple, le café rwandais est reconnu comme un café premium ; en revanche, le Kenya exporte aussi du thé en Chine de même que le Sri Lanka.» 

Saisir le potentiel 

Selon l’économiste, il est important que les produits mauriciens trouvent ou retrouvent un certain avantage compétitif pour pouvoir saisir le plein potentiel que représente cet accord de libre-échange. «Les chiffres sont parlants, entre 2012 et 2020, 131 export-oriented enterprises ont fermé contre seulement 14 qui ont ouvert entre 2012 et 2016. Ça veut tout dire, nous n’avons pas vraiment de produits à exporter, encore moins la quantité, contrairement au Rwanda, qui est capable de répondre à la demande. Ensuite il faut le dire, le président Kagame est un excellent stratège ; cette année le président français, Emmanuel Macron, a rendu visite à Kagame ; outre le rapprochement avec la France, le Royaume- Uni a signé un accord pour développer le centre financier de Kigali, l’Union européenne souhaite travailler avec le Rwanda pour la production de vaccins, la compagnie chinoise Alibaba y est présente, le constructeur automobile Volkswagen a une usine d’assemblage au Rwanda et j’en passe. Pour certains projets, la volonté politique doit être plus forte et le leader doit luimême mener certaines négociations. Paul Kagame a su se faire une place sur la scène internationale», précise Kevin Teeroovengadum. Finalement, il est clair que nous avons du pain sur la planche car les concurrents eux battent le fer tant qu’il est chaud…

lexpress.mu

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