La présidence de Félix Tshisekedi cherche à faire travailler ensemble les différents protagonistes du Grand Inga, alors que le conseiller spécial chargé des infrastructures fonce bille en tête avec l’australien Fortescue pour développer les méga-barrages.
Plusieurs fois repoussée pour des raisons de calendrier, une réunion de haut niveau sur le projet du Grand Inga s’est tenue jeudi dernier à Kinshasa au palais de la Nation, qui abrite le siège de la présidence congolaise de Félix Tshisekedi. En l’absence du chef de l’Etat, les discussions étaient conduites par Guylain Nyembo, qui a succédé en janvier dernier à Vital Kamerhe au poste de directeur de cabinet du président (depuis l’incarcération de Kamerhe, l’intérim était exercé par Désiré Kashmir Kolongele Eberande).
Autour de la table figuraient les personnalités majeures de ce dossier, dont le conseiller spécial chargé des investissements, Jean-Claude Kabongo, son homologue chargé des infrastructures Alexy Kayembe de Bampende, l’ambassadeur itinérant Nicolas Kazadi, le directeur de l’Agence pour le développement et la promotion du Projet Grand Inga (ADPI) Bruno Kapandji Kalala, ainsi qu’un expert du Tony Blair Institute (TBI, l’organisation fondée par l’ex-premier ministre britannique pour conseiller les présidences africaines).
Critiques contre Fortescue
Alors que la réunion devait initialement donner lieu à un arbitrage de Félix Tshisekedi dans ce dossier, où les rivalités sont vives entre les différents conseillers de la présidence, le directeur de cabinet a surtout affiché sa volonté de mettre sur pied une structure de coordination interne pour développer les méga-barrages du Grand Inga. Celle-ci vise à faire travailler de concert les protagonistes en charge de ce dossier, qui ont, pour le moment œuvré, chacun de leur côté pour imposer le futur opérateur du projet.
Les discussions ont également donné lieu à une série de critiques à l’adresse du projet mené par Alexy Kayembe de Bampende avec le géant minier australien Fortescue Metals Group, qui vise à construire les méga-barrages d’Inga III à Inga VIII (soit environ 42 000 MW), ainsi que plusieurs autres sites pour un total de 70 000 MW. Les différents protagonistes de la réunion ont mis en exergue le peu d’expérience de l’australien dans le domaine de l’hydroélectricité. Ils ont également souligné le manque de maturité du projet, et plus particulièrement l’absence de perspectives claires sur le marché de l’hydrogène vert, sur lequel Fortescue compte se positionner.
Course de vitesse
Acculé par ses collègues de la présidence, Alexy Kayembe de Bampende s’est défendu en déclarant que son projet était d’ores et déjà bancable, et que Fortescue serait à la fois développeur et acheteur de l’électricité produite. Il pourrait également être tenté de prendre ses rivaux de cours, en formalisant d’ici à la fin du mois une proposition de contrat avec Fortescue et en la soumettant directement au président Félix Tshisekedi. Comme l’avait révélé Africa Intelligence dans son édition du 11/03/21, une équipe d’officiels du minier australien est à Kinshasa depuis le 10 mars pour négocier les modalités du contrat.
Selon nos informations, Jean-Claude Kabongo a rappelé, pour sa part, l’importance d’associer la Banque africaine de développement (BAD), absente des discussions avec Fortescue, pour mener à bien ce projet. Le conseiller spécial chargé des investissements en a récemment discuté avec des responsables de la BAD lors d’un déplacement à Abidjan, où siège l’institution. Arc-boutée jusqu’à présent sur le développement du seul barrage d’Inga III, avec une puissance restreinte de 4 800 MW, la banque serait désormais disposée à s’associer à un projet plus ambitieux. Elle pourrait ainsi augmenter sa contribution – initialement fixée à 55 millions de dollars – pour le financement d’études supplémentaires, dont le coût a été évalué à 150 millions de dollars.
Précision du 22/03/21 : A la suite de la publication de l’article, l’un des participants de la réunion à la présidence a contacté Africa Intelligence pour apporter la précision suivante : « Cette réunion de cadrage était destinée à harmoniser les points de vue sur ce dossier et à affirmer le rôle leader de l’Etat congolais dans l’élaboration d’un schéma directeur pour le développement du Grand Inga. Il s’agissait également de faire l’état des lieux des différentes sollicitations reçues à ce jour ainsi que des éventuels engagements antérieurs pris par l’Etat congolais. »
Africa Intelligence