Macron veut « rassurer » F. Tshisekedi sur les « liens » et le « rapprochement » de la France avec le Rwanda

Jamais la France n’a été autant en difficulté sur le continent africain depuis les indépendances. Son expulsion du Mali, son effacement de la République centrafricaine, la détérioration de ses relations avec le Burkina Faso, la progression impressionnante du discours anti-France dans toute la francophonie inquiètent même les Parisiens les plus aguerris.

« Nous sommes victimes d’une dynamique lancée par ceux à qui elle profite, juge un ancien haut diplomate, en premier lieu la Russie. Mais aussi la Chine et la Turquie, ajoute un officier supérieur. « Nous sommes entrés dans une nouvelle logique d’affrontement entre les blocs dont la France paie le prix en Afrique« , prévient-il.

C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron présente ce lundi sa stratégie pour l’Afrique, où il se rendra du 1er au 5 mars, successivement au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo. Il tracera d’abord les contours de la présence militaire française sur le continent. L’armée ne sera plus engagée « en première ligne » mais « en second rideau », est-il précisé à l’Élysée. Plus généralement, la France souhaite nouer des partenariats avec les pays africains sur des enjeux à long terme : économiques, écologiques, énergétiques, sécuritaires, sanitaires et culturels.

Les escales dans deux bastions historiques de France

Le voyage est présenté comme une rupture avec le passé, mais il a, aux yeux des observateurs, plutôt un air de « déjà-vu », voire de « retour dans le passé » comme en témoignent les escales dans deux bastions historiques de France. . en Afrique, au Gabon et au Congo, snobé lors de son premier mandat. Officiellement, il se rend à Libreville pour participer au One Forest Summit, un sommet dédié à la préservation et à la valorisation des forêts du bassin du fleuve Congo.

« C’est un prétexte, un greenwashing pour renforcer les liens avec le Gabon à un moment où il est de plus en plus contesté en Afrique. On est loin du discours de Ouagadougou de 2017 où il annonçait rompre avec les vieilles habitudes. En se rendant dans ce pays dirigé par la famille Bongo depuis 1967, il marche sur les pas de tous ses prédécesseurs », juge Clément Boursin, responsable Afrique de l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), qui lance , à l’occasion de ce voyage, une vaste campagne sur les prisonniers politiques des pays visités par le président français.

Au Congo, également dirigé par un président « à vie », Denis Sassou-Nguesso, Emmanuel Macron enverra le même signal qu’au Gabon. « Nous allons là-bas pour montrer notre attachement à ces pays qui se sont peut-être sentis abandonnés et délaissés par nous« , acquiesce l’Elysée.

Angola : une autre démocratie de front au programme de ce déplacement et dont le président a besoin pour défendre l’influence de la France sur le continent. Il s’y rend officiellement pour lancer un partenariat de production agricole. « Pourtant, il a surtout besoin du soutien du président angolais João Lourenço, pour l’exploitation des hydrocarbures au profit de Total, et pour peser dans la région, notamment pour résoudre la crise entre la RD-Congo et le Rwanda« , note le journaliste Pascal Airault.

Et tant pis si la réélection, en 2022, du président angolais est entachée de fraudes. Emmanuel Macron, comme tous ses prédécesseurs depuis François Mitterrand, parie sur le chef du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA, le parti de José Eduardo dos Santos) pour servir les intérêts de la France.

En RD-Congo, le président français doit approfondir « la relation franco-congolaise dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la recherche, de la culture et de la défense », précise l’Elysée. Une visite dont le but politique est avant tout de rassurer Kinshasa sur la nature du rapprochement entre Paris et Kigali, à l’heure où le Rwanda est accusé par le président congolais Félix Tshisekedi d’être responsable de la déstabilisation de son pays depuis vingt ans. .

« Nous avons été déçus des conséquences de ce rapprochement, confie un haut responsable congolais. Emmanuel Macron a tardé à reconnaître que derrière le principal mouvement qui déstabilise l’Est de la RDC, le M23, se trouvait le Rwanda : cela alimente le sentiment anti-français et favorise l’arrivée des Russes dans notre pays. »

C’est ainsi qu’à Kinshasa, le président français devrait publiquement prendre la défense de la RD-Congo contre le Rwanda. Au risque de ruiner son rapprochement historique avec Kigali, et de revenir à des sentiments moins chaleureux vis-à-vis du président rwandais, comme, sur ce point aussi, tous ses prédécesseurs.

La Croix

 

 

 

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