Port de Banana : Avenant signé en catimini avec plusieurs ministres FCC la firme dubaïote DP World y renonce

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Embourbé depuis plusieurs mois à cause de l’épidémie de Covid-19 ainsi que des tensions entre la présidence de Félix Tshisekedi et plusieurs ministres fidèles à Joseph Kabila, le dossier du port de Banana pourrait connaître un coup d’accélérateur d’ici à la fin de l’année.


Directeur général de l’opérateur portuaire émirati DP World pour l’Afrique et le Moyen-Orient, Suhail al-Banna a fait savoir à la mi-novembre au chef de l’Etat congolais Félix Tshisekedi qu’il entendait négocier directement avec la présidence sur les modalités du marché du port de Banana.

Plus précisément, il a déclaré que la firme dubaïote renonçait à l’avenant qu’elle avait signé en catimini avec plusieurs ministres membres du Front commun pour le Congo (FCC, la formation de Joseph Kabila), dont notamment celui des transports Didier Mazenga Mukanzu, des finances José Sele Yalaghuli, et du portefeuille Clément Kuete Nymi Bemuna. Révélé par Africa Intelligence dans son édition du 09/07/20, cet avenant s’avérait particulièrement favorable aux intérêts de la société émiratie.

Dans un contexte de vives tensions entre la formation Cap pour le changement (CACH) de Félix Tshisekedi et celle de Joseph Kabila, ces négociations parallèles avaient suscité la colère de la présidence congolaise, qui y avait vu une manœuvre politique du FCC destinée à l’affaiblir. Face à ce bras de fer au sommet de l’Etat, Suhail al-Banna semble avoir fait son choix en renonçant à cet avenant.

Il n’a toutefois pas mis fin à ses discussions avec le ministre des transports Didier Mazenga Mukanzu. D’après les informations d’Africa Intelligence, ce dernier a facilité la mise en relation de DP World avec une entreprise chinoise, dont le nom n’a pas été dévoilé, mais qui pourrait être associée au projet du port de Banana aux côtés de l’opérateur émirati.

Kinshasa assisté de HFW

La position de DP World a été formalisée à l’occasion d’une visite de sa direction à Kinshasa, le 19 novembre dernier. Composée de Suhail al-Banna, de son directeur pour l’Afrique, Tarik El Farouki, et de son directeur juridique, Olivier Schwartz, la délégation émiratie a été reçue au palais de la Nation par Félix Tshisekedi, qui était assisté de plusieurs membres de la présidence. Parmi eux figuraient son représentant personnel Joseph Luvuezo, son directeur de cabinet, Désiré-Cashmir Kolongele Eberande, l’adjoint de ce dernier, Guylain Nyembo, l’ambassadeur itinérant Lolo Wameso, ainsi que le conseiller spécial chargé des infrastructures, Alexy Kayembe de Bampende, qui fait figure de point focal de ce dossier dans l’entourage de Tshisekedi. Mandatés par Kinshasa, plusieurs avocats du bureau parisien du cabinet britannique Holman Fenwick Willan (HFW) étaient également présents au cours des échanges.

Si les difficultés au sein de l’exécutif congolais semblent avoir été résolues, il reste toutefois aux deux parties à lever plusieurs points litigieux avant de parvenir à la signature d’un nouveau contrat de concession. Cinq d’entre eux (modernisation de la base navale, augmentation de la redevance, répartition du capital de la société exploitante, durée de la convention et exclusivité) ont fait l’objet d’un accord de principe signé sur procès-verbal par Alexy Kayembe de Bapemde et Suhail al-Banna lors d’une réunion tenue à Bruxelles en mars dernier. Sauf que celui-ci n’est pas interprété de la même manière du côté congolais et du côté émirati. Aux yeux de DP World, cet accord devait se traduire par la signature d’un avenant au contrat, reprenant les cinq points, sans que cela ne soit suivi de nouvelles négociations. Ils ont finalement été contraints de revoir leur position par Kinshasa, qui juge nécessaire de revoir d’ici à la fin de l’année plusieurs autres clauses du contrat jugées « exorbitantes ».

L’absence d’obligations pour DP World

Celles-ci sont détaillées par le cabinet HFW dans un document qu’Africa Intelligence a pu consulter. Outre l’absence d’obligations à la charge de l’exploitant – que ce soit en matière de standards et de délais de construction ou d’éventuelles pénalités en cas de retard dans l’exécution des travaux -, les avocats pointent le risque pour l’Etat de renoncer à des prérogatives de puissance souveraine, comme celle de légiférer sur ce dossier. Il y a aussi l’exclusivité accordée à DP World qui, si elle est limitée au terminal à conteneurs, demeure très étendue avec « une exclusivité de fait sur les transbordements pour les transports à destination ou en provenance d’autres Etats africains ». Le document mentionne enfin le risque « d’une indemnisation trop lourde du concessionnaire en cas de faute quelle que soit la clause de la fin du contrat ».

En plus de ces différents points, Kinshasa souhaite également revoir à la hausse la redevance, qui avait été fixée à 8 % au terme de la réunion à Bruxelles. En contrepartie, l’Etat congolais se dit prêt à baisser sa participation au sein du capital de la société concessionnaire, qui s’élève pour le moment à 40 %. Contactée par Africa Intelligence, la direction de DP World n’a pas souhaité répondre à nos questions, en arguant du caractère « confidentiel » des discussions en cours avec les autorités congolaises.

Africa Intelligence

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