Kampala rechigne à céder à Kinshasa la présidence de l’organisation qui permet aux pays de la région de coopérer dans la lutte contre les nombreux groupes combattants actifs dans l’est de la RDC.
Le chef de l’Etat ougandais, Yoweri Museveni, rechigne à céder à son homologue congolais, Félix Tshisekedi, la présidence du Mécanisme régional de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, un organisme dont le nom ésotérique cache un outil de coopération diplomatique et sécuritaire destiné à endiguer les violences qui ravagent toujours l’est de la RDC.
A Kinshasa, le coordonnateur du Mécanisme national de suivi (MNS), Claude Ibalanky, un proche du président congolais, et son adjoint, Patrick Mutombo, se mobilisent pour tenter de relancer cet instrument paralysé par le blocage ougandais. Ils ont multiplié ces derniers mois l’envoi de notes verbales à Kampala dans l’espoir de convenir d’une date de réunion ministérielle préalable à l’organisation de la dixième réunion du MNS, au cours de laquelle doit se dérouler la passation de pouvoir. L’administration ougandaise freine des quatre fers.
Tout en maintenant le contact avec la chancellerie ougandaise à Kinshasa, le Mécanisme a fini par s’ouvrir du problème début avril à la nouvelle cheffe de la Mission des Nations unies en RDC, la Guinéenne Bintou Keita. En lien avec l’envoyé spécial de l’ONU dans les Grands Lacs, le Chinois Huang Xia, celle-ci a pris le problème très au sérieux : toute la stratégie de l’ONU dans la région repose sur le renforcement des organismes de coopération régionale.
Coopération à l’arrêt
Le Mécanisme régional de suivi, censé réunir une fois par an les treize chefs d’Etat et de gouvernement des pays signataires, est à l’arrêt. La neuvième et dernière réunion s’est déroulée en octobre 2018, à Kampala, sous la direction de Museveni. La suivante devait se tenir à Kinshasa en octobre 2019 et marquer le passage de relais à Tshisekedi. Elle a été décalée à février puis mars 2020, avant d’être reportée sine die .
Pour la diplomatie régionale congolaise, en grande partie pensée par le MNS, l’enjeu est de remettre cet outil à profit afin de régler des dossiers, pour certains sensibles. Outre la lutte contre les groupes armés congolais – mais aussi ougandais, rwandais, sud-soudanais et burundais – sévissant dans ses provinces orientales, l’administration de Félix Tshisekedi veut élargir les discussions au sein du Mécanisme aux questions d’exploitations illégales des ressources naturelles, de leur exportation vers des pays voisins dont l’Ouganda et le Rwanda.
Enfin, il y a la question épineuse de la coopération judiciaire et des négociations pour l’extradition de seigneurs de guerre. La RDC vise notamment l’Ougandais Jamil Mukulu. L’ancien chef des Forces démocratiques alliées (ADF) – un groupe armé ougandais d’inspiration islamiste – a été arrêté en Tanzanie en 2015 et transféré en Ouganda, où son procès peine à démarrer. Depuis sept ans, les ADF se voient attribuer la majorité des massacres dans la région de Beni, au Nord-Kivu. Ayant vu certaines de leurs opérations revendiquées, souvent avec retard, par l’Etat islamique (EI, ou Daech), ils ont été placés en mars sur la liste américaine des organisations considérées comme terroristes.
Africa Intelligence