Augustin Matata Ponyo, le désormais sénateur sans immunités, justiciable devant le Parquet général près la Cour Constitutionnelle dans le dossier des tripatouillages des fonds destinés à l’indemnisation des victimes de la Zaïrianisation (1973), vient d’attaquer la décision du Bureau du Sénat devant le Conseil d’Etat. Selon son avocat, Me Laurent Onyemba Djongandeke, auteur de la saisine de cette haute juridiction en date du 07 juillet 2021, son client s’estime lésé par la décision de la levée de ses immunités, au motif qu’il y a violation flagrante non seulement de la Constitution et du règlement intérieur du Sénat mais aussi des traités internationaux ratifiés par la République Démocratique du Congo.
Selon cet avocat, en autorisant des poursuites contre Matata, le bureau du Sénat l’a « soustrait de son juge naturel qui est la Cour de Cassation, en sa qualité de Sénateur contre son gré ». Il accuse également le Bureau du Sénat de « n’avoir pas permis au requérant de soutenir ses moyens de défense par des pièces à conviction sollicitées par sa lettre du 5 juillet 2021 adressée au Président du Sénat ».
Le même avocat évoque aussi l’article 186 al. 1er de la Constitution qui stipule : « La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le règlement intérieur ». A l’en croire, le Bureau du Sénat n’était pas compétent pour statuer sur la levée des immunités de Matata.
De quoi Matata a-t-il peur ?
Les observateurs s’étonnent de la forte agitation constatée dans le camp du Sénateur Augustin Matata, de ses avocats et de ses alliés politiques. On se demande comment une personnalité qui paraissait débordante d’optimisme, prête à affronter la justice contre l’IGF (Inspection Générale des Finances), auteure du rapport l’incriminant, se met subitement à multiplier des manœuvres dilatoires. Cette gesticulation est d’autant suspecte que le dossier se trouve encore au stade de l’instruction pré-juridictionnelle et que l’intéressé n’est pas encore entendu.
Si l’ancien Premier ministre n’a rien à se reprocher dans le dossier de l’indemnisation des victimes de la Zaïrianisation et que les détournements des deniers publics seraient à charge des ministres sectoriels, cela va finir par se savoir.
Du respect de la procédure
S’agissant de la procédure, le Bureau du Sénat avait déjà, en son temps, fixé l’opinion. Il était notamment dit, pour motiver la décision de levée des immunités de Matata, que le Règlement intérieur, en son article 218, stipule qu’« en dehors de la session, le Bureau du Sénat statue sur la demande de levée des immunités parlementaires d’un sénateur ».
Pour le cas d’espèce, assisté par son avocat, Me Michel Shebele, le sénateur Matata Ponyo a eu droit à la parole lui accordée par les 6 membres du bureau présents à Kinshasa, sous la conduite de Modeste Bahati Lukwebo, son président, dans la salle des Banquets du Palais du peuple.
Dans le souci de respecter scrupuleusement les textes qui régissent le Sénat, peu avant la comparution de Matata, le bureau avait auditionné le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle, Jean-Paul Mukola Nkokesha, qui avait éclairé sa lanterne sur le dossier.
Par conséquent, en autorisant la levée des immunités de l’ancien Premier ministre, le bureau du Sénat avait simplement rempli son devoir constitutionnel et réglementaire, dans le but de permettre à la justice qui met Matata en cause, de faire son travail sans la moindre entrave. D’où, il appartient à l’incriminé de faire la démonstration de son innocence devant la Cour Constitutionnelle.
Kimp/Lephare