Une « tentative de coup d’Etat » militaire a eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi au Niger, selon des sources proches du pouvoir, avant la prestation de serment du président élu Mohamed Bazoum qui prend la tête d’un pays frappé par les attaques jihadistes et à l’histoire marquée par des putschs.
Des riverains du quartier de la présidence à Niamey, ont raconté à l’AFP avoir été réveillés par des tirs à l’arme lourde et légère. « Les tirs étaient intenses, il y avait des armes lourdes et des armes légères », a témoigné l’un d’eux.
Peu après, une source sécuritaire a déclaré à l’AFP qu’il y avait eu « des arrestations parmi les quelques éléments de l’armée qui sont à l’origine de cette tentative de coup d’Etat ».
« Ce groupe de militaires n’a pas pu s’approcher du palais présidentiel lorsque la Garde présidentielle a riposté », a ajouté cette cette source en affirmant que la situation était « sous contrôle ».
Une source proche de Mohamed Bazoum a confirmé à l’AFP qu’il y a eu ce qu’il a qualifié de « petite tentative de coup d’Etat vite maîtrisée par les forces légitimistes ».
Le quartier présidentiel a été quadrillé par les forces de l’ordre, mais dans le reste de la ville, la situation était normale mercredi et les gens vaquaient à leurs occupations comme si rien ne s’était passé, ont constaté des journalistes locaux.
L’ambassade des Etats-Unis à Niamey a décidé de suspendre ses « services consulaires jusqu’à nouvel ordre » et « encouragé » son personnel à rester à la maison, l’ambassade de France invitant elle « les Français à rester chez eux ».
« La nuit a été courte, c’était vers 03h00 (02h00 GMT), nous avons entendu des tirs d’armes lourdes et légères et cela a duré quinze minutes avant de cesser, suivis de tirs à l’arme légère, tout a ensuite cessé », a raconté un riverain du quartier du Plateau qui abrite les bureaux et la résidence présidentielle.
Des vidéos de quelques secondes ont vite été postées sur les réseaux sociaux, permettant d’entendre des tirs sporadiques de rafales dans le noir total.
Cette « tentative de coup d’Etat » est intervenue avant l’intronisation prévue vendredi à Niamey du nouveau président élu Mohamed Bazoum, très proche du chef de l’Etat sortant Mahamadou Issoufou.
Son rival, l’ex-président Mahamane Ousmane, conteste les résultats du scrutin et a revendiqué la victoire, appelant à « des manifestations pacifiques » dans tout le pays. Celle prévue mercredi à Niamey a été interdite.
Attaques jihadistes et putschs
L’histoire du Niger, pays sahélien parmi les plus pauvres du monde en proie à de récentes attaques jihadistes particulièrement meurtrières, est jalonnée par les coups d’Etat.
Depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre: le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mahamadou Tandja. Sans compter les tentatives de putsch, nombreuses.
Le passage de relais entre Mahamafou Issoufou et Mohamed Bazoum est le premier entre deux présidents démocratiquement élus.
Mohamed Bazoum va être immédiatemment confronté à l’immense défi des attaques jihadistes menées régulièrement dans son pays par des groupes affiliés à Al-Qaïda et l’Etat islamique dans sa partie Ouest frontalière du Mali et du Burkina Faso, par le groupe nigerian Boko Haram dans sa partie Est frontalière du Nigeria.
Les attaques contre des civils se sont multipliées depuis le début de l’année: plus de 300 personnes ont été tuées dans trois séries d’attaques contre des villages et des campements de l’ouest du pays, frontalier du Mali. Aucune n’a été revendiquée.
La dernière de ces attaques de grande ampleur a eu lieu le 21 mars dans la région de Tahoua, faisant 141 morts en quelques heures dans trois villages touareg et des campements alentour.
La région de Tahoua, vaste et désertique, se trouve à l’est de celle de Tillabéri, toutes deux proches de la frontière avec le Mali.
La région de Tillabéri est située dans la zone dite « des trois frontières » entre Niger, Mali et Burkina Faso, régulièrement frappée par les groupes jihadistes.
Dans un récent entretien à RFI et France 24, M. Bazoum a écarté tout dialogue avec les jihadistes, estimant que la situation de son pays était différente de celle du Mali.
« Nous ne pourrions pas envisager quelque dialogue que ce soit dans la mesure où il n’y a pas un seul chef jihadiste nigérien, une seule base de jihadistes sur notre territoire », a-t-il affirmé.
VOA