Tshisekedi sceptique sur la force régionale de l’EAC qui « ne veut pas combattre » le M23 sur le front militaire

Dans le conflit qui l’oppose aux rebelles du M23, le président Félix Tshisekedi doit composer avec les faiblesses criantes de son armée et une partie de son entourage très hostile au régime de Paul Kagame. S’il laisse la porte ouverte à la médiation, l’exécutif congolais continue de planifier dans la plus grande discrétion des opérations militaires d’envergure.

Les tensions entre le Rwanda et la RDC ont franchi un nouveau cap le 24 janvier. Un missile de la Rwanda Defence Force (RDF) a visé un Sukhoi-25 des Forces armées de la RDC (FARDC). Un « acte de guerre » dénoncé par Kinshasa qui n’a, pour l’instant, pas entraîné de représailles directes. Avec Kigali, dont le soutien militaire au M23 a été documenté par les Nations unies, la guerre n’a jamais été si proche. Les différentes médiations sous l’égide de l’Union africaine (UA), à Luanda, et de l’East African Community (EAC), à Nairobi, ne parviennent pas à amorcer une désescalade.

Rencontre entre maîtres-espions

Si les inquiétudes se font aussi vives, l’offensive militaire des FARDC était pourtant loin d’être prête sur le papier. Kinshasa s’est heurté à la difficile coordination de ses troupes avec celles de la force régionale de l’East African Community (EAC), qui a commencé fin 2022 son déploiement dans l’Est congolais, et celles de la mission onusienne en RDC (Monusco). De multiples discussions courant décembre entre les chefs d’état-major et des services de sécurité ont tenté de jeter les bases d’un cadre de coopération. Elles ont été suivies d’une rencontre le 15 décembre à Dar es-Salaam entre les maîtres-espions de plusieurs pays pour discuter, entre autres, des modalités de déploiement de la force de l’EAC. Le chef du renseignement militaire rwandais, Vincent Nyakarundi, y avait pris part, de même que ses homologues burundais, Silas Pacifique Nsaguye, et kényan, Said Mohamed Farah. De son côté, la RDC était représentée par le commandant de la 34e région militaire, Bruno Mpezo Mbele.

Des dissensions sont rapidement apparues entre les différentes parties. En cause : les réticences du commandant de la force régionale de l’EAC, le général kényan Jeff Nyagah, à envoyer ses hommes directement au front. A ses yeux, la présence documentée de troupes d’élite de la RDF aux côtés du M23 confère une dimension « étatique » à ce conflit impliquant plusieurs membres de l’EAC. Le général s’en est ouvert au président Tshisekedi lors d’un aparté improvisé en marge d’une réunion sécuritaire, le 6 janvier à Kinshasa. S’il compte éviter tout risque de pertes humaines et l’affrontement direct, le général Nyagah réclame toutefois un soutien de la Monusco et la possibilité d’opérations conjointes.

Tshisekedi sceptique sur la force régionale

Personne ne veut sérieusement combattre le M23. La présidence Tshisekedi, qui avait largement misé sur la force de l’EAC, ne cache plus, désormais, son scepticisme sur son efficacité. D’autant que Kinshasa est presque seule pour participer à son financement. Les autorités congolaises ont également tôt fait de remarquer que, dans la province du Sud-Kivu, le contingent de l’armée burundaise opérant sous mandat de l’EAC cible avant tout leurs propres rebelles des Red Tabara et des Forces nationales de libération (FNL). Suspecté d’un jeu trouble à l’égard du M23, le président ougandais, Yoweri Museveni, a tenté, en vain, d’immiscer deux bataillons des Uganda People’s Defence Forces (UPDF) au sein de la force régionale.

L’exécutif congolais doit composer avec les faiblesses structurelles de son armée, mal équipée et peu formée. Près de 200 instructeurs aux ordres de l’ancien de la Légion française, le Roumain Horatiu Potra, entraînent des troupes dans les environs de Saké . Kinshasa a par ailleurs sous-traité à une société du Français Olivier Bazin la maintenance de ses aéronefs militaires. Sur les deux Sukhoi-25 positionnés à Goma, l’un est endommagé par le tir de missile rwandais du 24 janvier. Deux autres avions et deux hélicoptères, actuellement en réparation à Kinshasa, devraient être déployés dans l’Est d’ici à deux mois.

Visite du pape François : Une stratégie de gagner du temps  en prenant à témoin la communauté internationale sur le rôle du Rwanda

Dans ce contexte, l’exécutif congolais continue d’user de la même stratégie depuis la reprise, fin 2021, des hostilités avec le M23. Il s’agit de gagner du temps, tout en prenant à témoin la communauté internationale sur le rôle du Rwanda dans son soutien au groupe armé. Faute de moyen de pression sur le terrain militaire, Kinshasa doit se résoudre à actionner plusieurs leviers diplomatiques. Au risque toutefois d’une certaine confusion. C’est ce qu’il s’est produit lors de la médiation ratée de Doha qui devait réunir, le 23 janvier, Tshisekedi et Kagame .

Un extrait de l’article de Africa Intelligence

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