RDC: Les activités minières de Mutanda Mining ont pollué l’eau de la rivière Kaindu

A Kaindu, l’eau est empoisonnée pour longtemps. Les activités minières de Mutanda Mining ont pollué l’eau de la rivière de Kaindu. La pollution touche la faune et la flore mais aussi la population qui ne trouve pas le soutien des responsables politiques.

Le matin du 15 avril 2017, Sarah Kumwiba s’était levée tôt pour faire sa lessive dans la rivière et gagner ensuite ses champs. Sur son chemin, il n’y avait personne pour la prévenir. Dès que ses pieds ont touché l’eau, elle a ressenti une vive brûlure. Ses jambes ont commencé à gonfler, elle a été prise de vomissements. Quelques heures plus tard, Florent et Delvaux, deux agents de Mutanda Mining (Mumi) sont venus mettre en garde les villageois, reconnaissant que de l’acide avait été déversé dans la rivière Lwakusha. Le voisin de Sarah, Jean Pierre Tshimbu, un cultivateur, s’était lui aussi dirigé vers son champ pour y chercher des légumes. En arrivant, il découvrit des engins de chantier qui déversaient de la chaux dans la rivière. Les agents le mirent en garde « ne touchez pas l’eau, abandonnez vos légumes, ne les consommez surtout pas… » Il se désole car ses cultures sont perdues, ses champs condamnés et il a interdit à ses enfants de jouer près de la rivière. « Moi-même je ne m’en approche plus qu’avec des bottes… »

Les 33 cultivateurs touchés par cette pollution de la rivière se sont adressés à l’Etat pour demander de l’aide. Des prélèvements ont été effectués, mais Mumi a récusé toute responsabilité, même si la société avait fourni de la chaux pour tenter de neutraliser l’acide sulfurique échappé d’un tuyau qui avait cédé.

« L’Etat est en congé »

Robe longue et colorée, veston rouge, collier d’ivoire et canne sculptée, Denis Mumba Kabange est le « chef de terre » de Tshikala, où se trouve Kaindu, l’un des cinq villages dont il a la charge. Le regard droit, solennel, il explique à l’assistance qu’il est le dernier échelon du pouvoir traditionnel, le plus proche de la population. Lorsque les paysans affolés sont venus le trouver, il s’est immédiatement adressé à ses supérieurs, le chef du groupement puis le chef du secteur, expliquant que Mumi avait déversé de l’acide dans la rivière et essayé de limiter les dégâts en jetant de la chaux dans le bassin de réserve.

Comme ses administrés, le chef soupire « ici, l’Etat est en congé, personne ne nous aide… » Avocat travaillant pour un centre d’aide judiciaire, Me Josué Kashal a fait ce qu’il pouvait pour amener Mumi à prendre ses responsabilités, à reconnaître, au minimum, le défaut de précautions. Un premier rapport de la DPM (département de l’Etat chargé de la protection de l’environnement minier) ayant exonéré la multinationale de toute responsabilité, il a même convoqué une contre expertise. Cette dernière a constaté qu’à la suite d’une rupture du pipeline, les champs avaient été brûlés et que la terre contenait dorénavant les métaux qui la rendaient impropre à toute culture. Mais Mumi a nié, affirmant que les champs cultivés n’avaient pas été touchés.

« La vie biologique a disparu »

Professeur à l’Université de Lumumbashi, spécialiste des questions de pollution, le professeur Kaniki est une sommité reconnue. A Kaindu, il a prélevé des échantillons de l’eau et du sol, vérifié la qualité de l’air. Son verdict est sans appel : « La dégradation est telle que le milieu est condamné. Sa flore, sa faune vont disparaître, la chaleur de l’acide répandu dans l’eau a tout brûlé, la vie biologique a disparu. D’ici 50 ans peut-être on pourra espérer une régénération, mais ce n’est pas sûr. »

Le scientifique s’inquiète : « Nous n’avons pas affaire à un cas isolé. A mesure que l’industrie minière se développe, de tels cas de pollution vont se multiplier, même si tous les sites industriels possèdent des bassins d’écoulement. Certes, des lois existent, il est prévu que les sociétés dédommagent les victimes en cas d’accident avéré, des études de compensation doivent être menées… Encore faudrait-il que l’Etat veille à ce que ces lois soient appliquées, que la population soit protégée. On en est loin… ».

Le Soir

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