La « Guerre froide » Tshisekedi – Ramaphosa expliquée
Le président de la RD Congo, Félix Antoine Tshisekedi, a présidé le vendredi 9 septembre la signature d’un accord donnant le feu vert au déploiement de la force régionale conjointe de la Communauté de l’Afrique de l’Est dans l’est instable de son pays pour combattre les forces négatives.
Le Concept d’Opérations (CoNOPs) qui comprend entre autres, un SOFA en annexe, a été négocié par les Chefs des Forces de Défense de la Région et adopté par le 22ème Sommet des Chefs d’Etat« , a-t-il relevé.
Le quartier général de la Force a été établi et le personnel clé a été nommé. Le personnel clé comprend ; Le commandant de la force EAC, le général de division Jeff Nyagah du Kenya et l’un des deux adjoints du général de brigade Emma Kaputa de la RD Congo.Ce qui a provoqué une « guerre froide » entre Félix Tshisekedi et Ramaphosa qui voit les intérêts de l’Afrique du Sud en RDC être bafoué au profit du Kenya qui a soutenu le duo Félix Tshisekedi et de Vital Kamerhe en 2019 aux élections en RDC. Depuis l’adhésion de Kinshasa en avril dernier à l’East African Community (EAC), Ramaphosa soupçonne Tshisekedi de vouloir jouer sur plusieurs tableaux.
Malgré que William Ruto le nouveau président avait créé la polémique en février dernier en décrivant les Congolais comme des personnes « qui ne savent que chanter et porter des pantalons enfilés au-dessus du nombril ». Malgré ces propos désobligeants, Félix Tshisekedi a tenu à assister en personne mardi à l’investiture de son homologue kenyan, faisant ainsi la preuve de l’importance accordée par Kinshasa à ses bonnes relations avec Nairobi. En outre, Félix Tshisekedi avait nommé lui – même son propre beau – frère ambassadeur au Kenya.
La « méfiance » de Cyril Ramaphosa à l’égard de Félix Tshisekedi
La méfiance du président sud-africain Cyril Ramaphosa à l’égard de son homologue congolais Félix Tshisekedi ne s’est guère estompée malgré leur rencontre lors du dernier sommet de la SADC en août dernier. La tendance de Kinshasa à se rapprocher de nouveaux acteurs comme le Kenya l’éloigne de plus en plus des intérêts régionaux de Pretoria. Kenya a vraiment conquis le Congo au détriment de l’Afrique du Sud. Ces derniers mois, outre d’importantes annonces sur le volet économique, à l’image du rachat de la Banque commerciale du Congo (BCC) par Equity Bank et le rachat par KCB Group de Trust Merchant Bank (TMB), Nairobi a pesé de tout son poids pour parachever l’adhésion de la RDC à l’EAC. A l’occasion du « processus de Nairobi« , le pays a également abrité en avril dernier les pourparlers entre les autorités congolaises et les représentants des groupes armés.
L’Afrique du Sud craint une cohabitation difficile entre cette force East African et la brigade d’intervention onusienne de la Monusco, dont elle est le principal contributeur africain en troupes et équipements militaires.Il y a au fait une lutte entre l ‘Afrique du Sud et le Kenya ou la SADC contre EAC en RDC dans un contexte du départ des forces de la Monusco qui ont échoué dans leur mission. Dans cette lutte géopolitique, le président congolais Félix Tshisekedi opte pour le Kenya et l’ Afrique de l’est (EAC) qui est plus penchée du côté des américains et israéliens. Notons que l’ANC perd son influence géopolitique en Afrique. Dans le document préparatoire à la conférence sur la politique du parti en juillet 2023, les dirigeants de l’African National Congress reconnaissent la faiblesse actuelle de l’Afrique du Sud dans la gestion des affaires africaines. Ils dénoncent l’influence du Maroc, d’Israël et du Rwanda en Afrique . Les dirigeants de l’ANC au pouvoir en Afrique du Sud sont anti – israéliens et pour la plupart ouvertement anti – occidentaux. La position ouverte de Félix Tshisekedi en faveur d ‘Israël dans l’ Union Africaine a choqué les pays tels que la Namibie, l’Algérie et l’Afrique du Sud vue le passé Apartheidiste. Et ce sont ces pays qui détiennent des relations historiques avec le PPRD kabilistes et lumumbistes. C’est même dans ce cadre que Félix Tshisekedi a été accueilli en grande pompe en Israël comme l’un de plus grands défenseurs de l’Etat Hébreu en Afrique contre L’alliance ANC de la SADC. En échange du Fort soutien de Félix Tshisekedi contre l’Afrique, David Barnea le nouveau patron du Mossad a pesé de tout son poids pour retourner tous les hommes d’affaires israéliens pro Kabila susceptible de constituer une menace contre Le pouvoir de Félix Tshisekedi notamment Dan Gertler.
La colère de Félix Tshisekedi contre l’establishment ANC et alliés
Si Pretoria craint autant de voir la RDC se déporter vers d’autres centres de gravité, c’est aussi en raison de l’affaiblissement de ses relations avec Kinshasa depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi début 2019. De longue date, l’African National Congress (ANC) entretient une certaine proximité avec les responsables de la formation de l’ex-président Joseph Kabila, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD).
Les hiérarques du PPRD se rendent souvent en Afrique du Sud. C’est le cas du premier d’entre eux, Joseph Kabila, qui voyage régulièrement en avion, voire en voiture, depuis Lubumbashi jusqu’à Johannesburg, où il a ses habitudes dans la tour The Leonardo de Sandton, de même qu’à Rosebank. Au Cap, il reçoit dans une villa bordée par les vignobles.
Ces déplacements sont officiellement justifiés par des soins médicaux et son projet de thèse à l’Université de Johannesburg encadrée par le professeur Chris Landsberg, titulaire de la chaire dédiée à la diplomatie africaine. Mais en Afrique du Sud, Joseph Kabila a notamment reçu ses anciens ministres José Sele Yalaghuli et Alexis Thambwe Mwamba. Et il retrouve son ancien conseiller diplomatique, Barnabé Kikaya Bin Karubi, qui y a élu domicile après avoir fui la RDC en août 2021. Celui-ci entretient des liens proches avec Ramaphosa et son premier cercle, de même qu’avec une frange de l’ANC.
L’entourage familial de l’ex-président congolais n’est pas en reste, à l’image de sa sœur Jaynet Kabila (députée nationale), de son frère Zoé Kabila (ex-gouverneur de la province du Tanganyika), et de son frère adoptif Francis Selemani Mtwale (cadre de BGFIBank) qui disposent tous de résidences en Afrique du Sud. La galaxie « kabiliste » y fait fructifier ses affaires à travers un lacis de comptes liés à des sociétés et véhicules financiers.
Le quotidien namibien The Namibian a établi que Kabila et un détachement de sécurité de 28 hommes dans 10 véhicules sont entrés dans le pays(Namibie) à Oranjemund depuis Cape Town,en Afrique du Sud, le 6 novembre 2021 et ont passé deux semaines en Namibie.
Le voyage de Kabila a été entrepris alors qu’une enquête médiatique mondiale finalisait un exposé sur la façon dont entre 2,2 milliards de dollars namibiens et 3,6 milliards de dollars namibiens avaient été détournés de la RDC au cours de son dernier mandat.
S’y entremêlent des intérêts pétroliers de la junior sud-africaine Dig Oil de Nozi Mwamba – dont l’une des actionnaires, la Tanzanienne Aneth Dorah Lutale, détient plusieurs sociétés d’investissements avec son époux Selemani -, de riches hommes d’affaires de l’est de la RDC, comme Hamisi Said Butware, de partenaires de la famille Kabila tels que Théophas Mahuku, de gestionnaires de la fortune de l’ancien président à l’instar d’Emmanuel Adrupiako.
Le nouveau chef de l’ANR, Jean-Hervé Mbelu Biosha, nommé en décembre 2021, a le premier identifié ce qu’il considère comme une « menace » potentielle venant du clan Kabila. Le président Tshisekedi en a obtenu la confirmation de son homologue Ramaphosa dont les services ont coopéré avec l’ANR sur ce dossier. Au début de l’année 2022, les autorisations de décollage de jets privés utilisés par l’ancien président et sa famille ont été suspendues.
L’axe Afrique du Sud, Namibie et le Zimbabwe tous ténors de la SADC ont été désigné comme « menace potentielle du pouvoir de Félix Tshisekedi » par le nouveau patron de l’Agence nationale de renseignements Congolais.
L’option Kenya » de Félix Tshisekedi
Entre Uhuru ouvertement pro – israélien et le président Ramaphosa et ses alliés de la SADC anti israélien et Pro Kabila, Félix Tshisekedi a choisi le Kenya et la communauté East African.
Pretoria n’a pourtant pas vu d’un bon œil la défaite de Raila Odinga aux élections présidentielles au Kenya. Alors malgré tout, Félix Tshisekedi a soutenu William Ruto, candidat du président sortant Uhuru Kenyatta. Félix Tshisekedi est reconnaissant du soutien que Uhuru a apporté à sa candidature à la présidentielle congolaise en 2019.
L’ancien président Uhuru Kenyatta s’est s’immiscer dans le dossier congolais depuis 2019 comme Jomo Kenyatta à l’époque de Lumumba . Uhuru avait très tôt misé sur Tshisekedi depuis le début qu’il a soutenu durant la campagne électorale , abritant des négociations à Nairobi où l’alliance avec l’ancien directeur de cabinet du président congolais Vital Kamerhe s’était scellée. Seul chef d’Etat présent à l’investiture de Tshisekedi en janvier 2019, Uhuru Kenyatta avait ensuite discrètement dépêché à Kinshasa son secrétaire aux initiatives stratégiques, Martin Kimani – actuel représentant du Kenya aux Nations unies -, pour évaluer les opportunités d’investissements.
Pour Félix Tshisekedi, le Kenya est une alternative stratégique à l’Afrique du Sud. L’Afrique du Sud constitue le plus grand point d’évacuation des minerais de la RDC. Mais le port Kenyan de Mombasa émerge aussi. La RDC est désormais le troisième transporteur de marchandises au port de Mombasa. Félix Tshisekedi place même son propre beau-frère comme ambassadeur au Kenya pour sceller cette alliance presque » familiale« . Le président Tshisekedi cherche par son alliance avec le Kenya a s’écarter de l ‘Afrique du Sud et son ANC corrompu.
Le Kenya a annoncé le déploiement de son deuxième contingent de la Force d’intervention rapide auprès de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).La stratégie du Kenya est de contrer l ‘Afrique du Sud même au sein de la Monusco pour ouvrir un déploiement d’une force régionale, alternative.
William Ruto, la carte du « status quo régional » et de la « continuité Uhuru »
Le président congolais Félix Tshisekedi était le seul membre de la Communauté de l’Afrique de l’Est qui ne s’ était pas précipité pour commenter l’élection de William Ruto en tant que président élu du Kenya.
Ruto a été déclaré vainqueur des urnes, battant Raila Odinga. Notons que tous les deux challengers sont alliés de Félix Tshisekedi.
Pourtant, William Ruto est un changement de cap pour le président Tshisekedi. R. Odinga a été un promoteur de projets d’infrastructure, y compris le barrage de Grand Inga, tout en étant haut représentant pour l’infrastructure à l’Union africaine. Certains responsables à Kinshasa espéraient une présidence Odinga, cherchant à pérenniser les réseaux d’influence tissés par le président Tshisekedi, notamment au niveau de l’EAC.Certains prétendent que William Ruto a des liens avec l’ancien président Joseph Kabila.
« Voici l’ami du président [Joseph] Kabila qui vient de remporter haut la main les élections kenyanes. Il y aura beaucoup de changements dans la région », a écrit India Omari, haut responsable du parti de Joseph Kabila, faisant référence au prédécesseur du président Tshisekedi.
Malheureusement, il n’y aura pas ce changement régional comme l’avait prédit certains Kabilistes en disant que « L’avenir laisse présager des relations difficiles entre Ruto et Tshisekedi, qui a été largement soutenu par Uhuru Kenyatta dans sa quête de stabilité dans les régions de l’Est« . William Ruto s’aligne toujours sur le pas de Uhuru sur plusieurs dossiers y compris celui du Congo.
Coco Kabwika pour Congovirtuel
Merci pour cette très bonne analyse.