Le macaque crabier, négociateur hors pair

Le macaque crabier. Vous n’avez peut-être jamais entendu son nom, mais il y a au moins de fortes chances que vous l’ayez déjà vu. Avec son visage expressif et sa réputation de chapardeur, il est devenu un animal emblématique en Asie du Sud-Est.

Mais si l’animal a tendance à la rapine, il est aussi excellent négociateur avec les victimes de ses larcins, ainsi que nous le démontrons dans ce nouvel épisode de Bêtes de Science.

Le macaque crabier, tout le monde le connaît. On l’appelle aussi le macaque à longue queue, et il est il est le singe le plus répandu en Asie du Sud-Est. Facilement reconnaissable grâce à son pelage gris roux et son visage très expressif ce primate espiègle a pendant un temps bien failli disparaître. La déforestation menace son territoire, et l’être humain l’a traqué à tout va, le chassant pour servir de remède traditionnel, de repas, de bête de cirque, ou encore comme animal de laboratoire. Si bien qu’à la fin des années 2000, il était devenu le mammifère le plus vendu parmi les espèces menacées de la faune sauvage.

Aujourd’hui, le macaque crabier va mieux. Enfin, pas vraiment. S’ils sont aujourd’hui plus nombreux, c’est surtout grâce à leur élevage en captivité. Le plus grand programme de ce type héberge pas moins de 30.000 individus, mais ceux-ci sont destinés … à l’expérimentation animale. En particulier dans le domaine des neurosciences. Le macaque crabier est donc loin d’avoir complètement retrouvé sa liberté.

Mais ce drôle de primate à plus d’un tour dans son sac. Car en parallèle, il a appris à s’adapter, en tirant profit des milieux occupés par les humains. Comme dans la ville de Lopburi, en Thaïlande, où la police a baissé les bras face à l’invasion de milliers de singes envahissant les rues. Ou sur l’île de Bali, en Indonésie, où ils cherchent de la nourriture aux abords du temple de Uluwatu, dressé au sommet d’une falaise de 70 mètres de haut. Et c’est justement à ces derniers, tout particulièrement, que nous allons nous intéresser aujourd’hui. Car figurez-vous qu’ils font preuve d’une intelligence et d’une compréhension du monde humain plutôt surprenante pour des singes sauvages.

Les macaques crabiers qui vivent du côté du temple de Uluwatu ont en effet appris l’art subtil de la négociation. Si lorsqu’on le croise on est facilement charmé par ce singe qui paraît sage et peluche, il n’en est rien. Sous ses airs d’animal tranquille, le plan est très bien élaboré dans sa tête. Tranquillement assis sur un parapet de pierre, l’un d’eux passe à l’action. Il se penche soudain en avant et attrape en un clin d’œil quelque chose dans la main d’un passant. Lunettes, appareils photo, smartphones ou même argent, il a appris à identifier les objets de valeur qui se cachent dans les poches et les sacs des touristes. Une fois le larcin commis commence la phase de troc. Car disons-le, notre macaque n’a pas grand usage d’un sac à main une fois de retour parmi les siens, ce qui l’intéresse, c’est ce qu’il peut obtenir en échange.

Dans 95 % des cas, les macaques accepteront de rendre l’objet volé contre un peu de nourriture. Mais là encore, ils ne se laissent pas avoir. Ne dit-on d’ailleurs pas “malin comme un singe” ? Plus l’objet semble avoir une valeur importante, plus ils se montrent exigeants sur la qualité de la récompense. L’animal n’est pas dupe, et sait ce qu’il veut. Les chercheurs ont d’ailleurs observé plusieurs de ces interactions, qui ont beaucoup à nous apprendre sur l’intelligence des primates. Durant l’un des échanges, qui a duré 17 minutes, le singe refusait obstinément de rendre l’objet volé, considérant que l’offrande qui lui était proposée en retour n’était pas à la hauteur de ce qu’il avait dérobé. En même temps, on n’apprend pas à un vieux singe à faire du marchandage !

D’après les scientifiques, les facétieux primates apprennent ce comportement unique à travers l’expérience et l’observation, et le transmettent de génération en génération. Ils estiment que les singes d’Uluwatu auraient appris à maîtriser la négociation il y a plus de trente ans pour faire face aux changements amenés par l’humain. Un bel exemple d’adaptation et d’intelligence culturelle et économique pour les macaques, que les chercheurs espèrent pouvoir observer dans des situations toujours plus complexes et nuancées… En espérant qu’on les laisse un peu souffler hors des laboratoires. Alors, pas si bête, le macaque crabier !

Futura-Sciences

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