La justice congolaise vient de reconnaître les droits de Pol Huart sur trois permis de recherche, dont la propriété était contestée par une société liée à Dan Gertler. En vue de les explorer, l’ingénieur minier belge s’est associé à un vétéran des mines de RDC, Trudon Katende Muya.
Ses statuts prêts, la société minière Mbomo-Mountains vient d’être enregistrée auprès des autorités de RDC. A son bord, on trouve les Belges Pol Huart et Francisca Ionescu via l’autre entreprise minière qu’ils détiennent en RDC, Thaurfin, ainsi que Trudon Katende Muya.
Ce dernier a travaillé sur la mine de cuivre de Kamoto, mais est surtout connu pour avoir été président administrateur délégué dans les années 1990 de la MIBA, entreprise publique opérant des permis de diamants dans le Kasaï oriental. Il fut ensuite directeur technique de la Gécamines, société d’Etat détenant les gisements dans l’ex-grand Katanga et à la tête du distributeur d’eau national Régie de distribution d’eau congolaise (Regideso). Pol Huart et Trudon Katende se sont rencontrés dans les années 1980, quand le premier travaillait pour le distributeur d’équipements miniers Sodimat.
Gisement de fer géant
L’objectif des actionnaires de Mbomo-Mountains est d’explorer trois permis de recherche – les PR 1323, 1324 et 1325 – détenus dans la province de la Tshopo, au nord de la RDC, par Thaurfin. Les sites contiennent de l’or et des diamants, mais sont aussi, selon les patrons de Thaurfin et Trudon Katende, le plus grand gisement de fer de RDC, minerai dont le prix a doublé en un an.
Les infrastructures de transports, comme celles d’électricité, sont néanmoins très limitées dans la zone, compliquant les opérations. De plus, le fer n’est pas indiqué parmi les minerais dont l’exploration est autorisée sur ces PR.
Conflit contre une société de Dan Gertler
Avant de débuter les activités au travers de Mbomo-Mountains, le transfert des trois permis depuis Thaurfin devra toutefois être accepté par les autorités de RDC. Une opération qui pourrait s’avérer une gageure au regard des récents développements quant à la propriété des périmètres.
Le 24 juin dernier, la cour d’appel de la Tshopo a rendu une décision en faveur de Thaurfin dans le conflit judiciaire l’opposant depuis 2018 à Iron Mountain Entreprises au sujet des trois permis. Iron Mountain est une des entités sanctionnées par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du Trésor américain pour ses liens avec l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, un proche de l’ex-président congolais Joseph Kabila. Les deux entreprises se prévalent de droits sur les licences de la Tshopo. Thaurfin dit les avoir rachetés à la société congolaise Jeka en 2017, mais cette dernière était déjà en butte à Iron Mountain, qui revendiquait la propriété des concessions qu’elle disait avoir reçues de la part du Cadastre minier (CAMI) congolais. Jeka est également partie au procès.
La cour de la Tshopo, le 24 juin, a « dit valides, définitifs et irrévocables les droits de la société Thaurfin sur les trois permis de recherche PR 1323, 1324 et 1325 » et enjoint le CAMI à les délivrer à l’entreprise de Pol Huart, affirmant que son « arrêt vaut titre minier ». Thaurfin était défendu notamment par l’avocat Firmin Yangambi, un activiste qui fut emprisonné de 2009 à 2019 car accusé d’avoir fomenté une insurrection contre le pouvoir de la famille Kabila.
Dans sa décision du 24 juin, la cour a néanmoins considéré irrecevables les demandes de Thaurfin de voir le fer ajouté aux minerais qui ont le droit d’être explorés selon le titre minier. La société pourra en faire la demande plus tard après exécution de la sentence.
Faire exécuter la sentence
Iron Mountain est en droit de se pourvoir en cassation pour contester le jugement. Celui-ci resterait toutefois exécutoire malgré la procédure. Mais la décision doit être exécutée par le CAMI avant d’être effective. Or, la direction du CAMI fait l’objet de confusion depuis de longs mois : la passation de pouvoir entre son indéboulonnable DG, Jean-Félix Mupande, et sa successeure, Chantal Bashizi, a été maintes fois reportées depuis qu’elle a été décidée fin 2018 , avant d’être annulée début juillet par le premier ministre congolais Sama Lukonde Kyenge.
Cette décision intervient alors que, le 21 juin, le gouvernement congolais a refusé de renouveler les permis d’exploration d’hydrocarbures détenus dans le lac Albert par deux sociétés contrôlées par Dan Gertler, Caprikat et Foxwhelp. Les droits arrivaient à échéance le 16 juin, et Dan Gertler avait tenté de les transférer à deux autres entités , sans succès.
Africa Intelligence