L’avocate et consultante Evelyne Stirn travaille en collaboration directe avec l’ambassadeur itinérant du chef de l’Etat, le diplomate Nicolas Kazadi.
Inquiètes d’un possible désistement de l’Afrique du Sud, les autorités congolaises cherchent de potentiels offtakers en France pour développer le méga-barrage Inga III.
L’avocate et consultante Evelyne Stirn fait la tournée des grandes entreprises du CAC 40, ainsi que des fonds d’investissement de l’Hexagone, afin de leur vendre le projet d’Inga III. D’après les informations d’Africa Intelligence, l’épouse de l’ex-ministre Olivier Stirn a été mandatée par Bruno Kapandji, le patron de l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga, dès les premiers mois de la présidence de Félix Tshisekedi. Elle travaille depuis en collaboration directe avec l’ambassadeur itinérant du chef de l’Etat, le diplomate Nicolas Kazadi.
Evelyne Stirn tente notamment de convaincre les entreprises françaises de l’intérêt du futur méga-barrage pour produire de l’hydrogène. Une opération rendue possible grâce au procédé de l’électrolyse, qui permet de séparer l’hydrogène de l’eau grâce à un courant électrique. Avec une puissance prévue de 11 000 MW, Inga III pourrait offrir l’énergie suffisante pour une production à grande échelle.
Négociations tous azimuts sous la houlette de Nicolas Kazadi
En parallèle de cette opération séduction, les discussions se poursuivent sous la houlette de Nicolas Kazadi, avec l’homme d’affaires allemand et consul honoraire de la RDC à Leipzig, Gernot Wagner .
A la tête de la société Evagor, ce dernier s’est rendu à Kinshasa mi-août avec une délégation d’entrepreneurs allemands pour vendre son projet d’usine à hydrogène – celle-ci nécessiterait un apport considérable de 13 000 MW. Les autorités congolaises se sont toutefois montrées prudentes, compte tenu de l’absence d’officiels lors de cette visite.
Ces discussions en Europe interviennent dans un contexte particulier pour le développement d’Inga III : Kinshasa doute de plus en plus de la pérennité de la promesse d’achat de 5 000 MW par l’Afrique du Sud . Afin d’assurer la viabilité du projet, la présidence Tshisekedi tente donc de diversifier les offtakers potentiels.
Les pays de l’Union européenne, qui multiplient les initiatives pour assurer leur transition énergétique, apparaissent dans ces conditions un terrain de chasse privilégié. Angela Merkel a ainsi annoncé, le 10 juin, accorder 9 milliards d’euros pour le développement de la filière de l’hydrogène dans son pays. De son côté, Emmanuel Macron a promis de dédier une partie du plan de relance post-Covid-19 à cette industrie.
L’Afrique du Sud hésite encore sur le Méga projet Inga III
L’Afrique du Sud, qui mise sur la puissance du méga-barrage congolais pour pallier la crise de sa société publique d’électricité Eskom, se montre toutefois sceptique sur la capacité de Kinshasa à mener à bien ce projet.
Composante essentielle de la bancabilité et de la faisabilité d’Inga III, la promesse du gouvernement sud-africain d’acheter de l’électricité produite par le futur méga-barrage fait l’objet d’âpres discussions avec les autorités congolaises. Elle était l’un des thèmes majeurs de la conférence virtuelle organisée fin juin par la présidence de Félix Tshisekedi sur le projet du Grand Inga , qui vise à mettre sur pied les barrages hydroélectriques d’Inga III à Inga VIII. Jusqu’à présent, l’Afrique du Sud s’est engagée sur un achat de 5 000 MW.
D’après les informations d’Africa Intelligence, Pretoria escompte une mise en service du site d’Inga III en 2030, condition sine qua non pour la mise en œuvre de sa planification énergétique. Le pays a d’ores et déjà fait ratifier par le parlement l’achat de 2 500 MW pour son plan de ressources intégrées 2030 (PRI), qui ambitionne de développer les énergies renouvelables au détriment du charbon. Pour ne pas être prise au dépourvu en cas de retard de calendrier, l’Afrique du Sud a prévenu Kinshasa de son intention de chercher des solutions alternatives si le projet d’Inga III ne parvient pas à son financial close d’ici 2023.
Fragilités techniques et difficultés politiques
Alimentées par les difficultés à mettre en œuvre un projet dont le coût est estimé à environ 14 milliards de dollars, les craintes de Pretoria se concentrent notamment sur la création du corridor de transmission électrique entre la RDC et l’Afrique du Sud, qui doit traverser sur plusieurs milliers de kilomètres la Zambie, le Zimbabwe et le Botswana. Plusieurs études ont d’ores et déjà été menées sur ce projet colossal, mais celles-ci doivent encore être étoffées d’un point de vue technique et commercial. Il reste également à finaliser les négociations avec les trois pays en vue de la signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) intergouvernemental.
A ces craintes s’ajoutent les interrogations après le départ, au mois de janvier, de l’espagnol Actividades de Construcción y Servicios du consortium chargé de la construction et la mise en œuvre du projet. Son retrait laisse désormais seul le géant China Three Gorges Corp, qui a toutefois rassuré les autorités congolaises sur sa capacité à mener à bien le projet.
Africa Intelligence