RDC : le retrait de l’Ordonnance n°19/056 du 20 mai 2019 portant nomination de S. Ilunkamba mettra fin aux fonctions du Premier Ministre. (Prof. Mbata)

Inlukamba

Dans une communication publiée le week-end dernier sur les réseaux sociaux, Prof André Mbata Mangu, Professeur de Recherche au Collège de Droit de l’ Université d’Afrique du Sud et l’un de meilleurs constitutionnalistes du continent, avait fermement conseillé au Premier Ministre Sylvestre Ilunga, son collègue Professeur ordinaire à l’Université de Kinshasa de ne pas se laisser entêter par les guignols et les tambourinaires de son parti (PPRD) ou de son regroupement politique (FCC) et de démissionner en suivant l’ exemple de son prédécesseur, Professeur Vincent de Paul Lunda Bululu qui avait remis sa démission au Président Mobutu dès lors que les violons ne s’ accordaient plus entre lui et le Chef de l’Etat.

            Pour le Professeur des Universités, le Premier Ministre ne peut se convaincre lui-même de l’ excellence de ses relations avec le Président de la Republique, lui qui avait eu l’audace de s’adresser au Chef de l’ Exécutif  par l’ entremise de son porte-parole pour lui exprimer sa désapprobation des ordonnances nommant les membres de la Cour constitutionnelle, les officiers généraux et supérieurs des Forces armées et les juges de la Cour de cassation qui avaient  été contresignées en son absence par le Vice-Premier Ministre chargé de l’Intérieur, de la Sécurité et des Affaires coutumières. Le Professeur d ’économie qui aura été desservi par l’absence de plus d’un constitutionnaliste de renom dans son parti et son Regroupement politique était loin de comprendre la signification politique et juridique d’un contreseing ministériel.  Il confondait une ordonnance qui est un acte du Président de la Republique avec un acte du Premier Ministre et n’avait sans doute pas lu l’article 90 de la Constitution qui dispose qu’en cas d’empêchement, l’intérim du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, est assuré par le membre du Gouvernement qui a la préséance.

 A en croire le constitutionnaliste qui revisitait l’Ordonnance no 19/056 du 20 mai 2019 portant nomination d’un Premier Ministre, Sylvestre Ilunga devrait tout simplement remettre son tablier à partir du moment où l’Accord entre les forces politiques membres du CACH et celles du FCC en vue de la formation d’un gouvernement de coalition n’existe plus après sa dénonciation par le Président de la République dans son discours à la Nation. Il serait donc dommage pour un professeur d’université de son rang (Professeur ordinaire) et de son âge de s’accrocher, sauf à vouloir discréditer davantage sa propre personne et l’Alma Mater qu’il a servie pendant plusieurs décennies. Le Premier Ministre Sylvestre Ilunga devrait apprendre à quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne le quitte et éviter ainsi le ridicule qui pointe à l’horizon des consultations annoncées par le Président de la République.

            Selon Prof André Mbata, l’entêtement serait basé sur une connaissance partielle du droit public congolais par le FCC et ses membres. Pour les artisans de l’inanition de la Nation qui se retrouvent dans ce regroupement politique dont l’ancien Président Joseph Kabila est l’«Autorité morale » (!), Président Felix Tshisekedi n’aurait aucun pouvoir pour se débarrasser d’un Premier Ministre indélicat en l’absence de la présentation de la démission de son gouvernement. Le constitutionnaliste estime cependant que les tenants de cette thèse ont malheureusement une connaissance partielle du droit public dont le droit constitutionnel n’est qu’une composante.  D’après lui, démission volontaire ou pas de sylvestre Ilunga, Président Félix Tshisekedi peut et va bien se débarrasser de lui comme Premier Ministre, peu importe les conclusions des consultations qu’il a annoncées avec les forces politiques et sociales en vue de constituer une Union Sacrée de la Nation et peu importe que le PPRD, son parti, y participe ou non.

L’article 78 de la Constitution dispose que le Président de la République nomme le Premier Ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. D’après l’interprétation littérale, contextuelle et téléologique de cette disposition, le Premier Ministre nommé doit provenir de la majorité parlementaire. En français facile, il doit lui-même faire partie de la majorité parlementaire. Or tout membre du PPRD ou du FCC ne peut pas se dire membre de la majorité parlementaire qui est facilement identifiable au Parlement, mais uniquement ceux qui ont été élus pour y siéger. Tel n’est pas le cas de Sylvestre Ilunga Ilunkamba.  C’est par fraude à la Constitution que le FCC (anciennement connu comme Majorité présidentielle) l’avait fait nommer Premier Ministre comme c’était le cas auparavant avec les Premiers Ministres Gizenga, Muzito, Matata, Badibanga et Tshibala.  Aucun parti politique ni regroupement politique légalement reconnu n’ayant la majorité au Parlement, le Président de la République aurait pu nommer un informateur pour identifier une majorité parlementaire.

            L’ordonnance de nomination du Premier Ministre ayant été arrachée au Président de la République par fraude à la Constitution, rien ne peut aujourd’hui l’empêcher de prendre une nouvelle ordonnance portant retrait de l’Ordonnance no 19/056 du 20 mai 2019 portant nomination d’un Premier ministre qui mettra fin aux fonctions du Premier Ministre Sylvestre Ilunkamba. Comme celle de nomination, une telle ordonnance n’aura pas besoin de contreseing d’un Premier Ministre. Si les caciques du FCC peuvent bien comprendre les méandres du droit administratif, celui-ci autorise le retrait ou l’abrogation des actes administratifs. Et loin d’être un acte législatif, une ordonnance présidentielle nommant un Premier Ministre ou les membres de son gouvernement demeure un acte administratif susceptible de retrait ou d’abrogation. Une ordonnance présidentielle peut donc à tout moment faire l’objet d’un retrait ou d’une abrogation par son auteur qui est le Président de la République. Un tel retrait serait d’autant plus justifié que l’Ordonnance de nomination du Premier Ministre Ilunga était fondée sur la fraude à la Constitution dans laquelle les membres du FCC avaient acquis une réelle maîtrise depuis l’accession au pouvoir de leur Autorité morale.

            Les thuriféraires du FCC sont donc avertis : quels que soient les résultats des consultations initiées par Président Félix Tshisekedi, ce dernier peut bien se débarrasser de son Premier Ministre de la plus belle manière, de la même façon qu’il a mis fin à la coalition FCC-CACH, en procédant simplement au retrait de l’Ordonnance qui avait nommé Sylvestre Ilunga Premier Ministre.  Le Président de la République qui a dit qu’il ne transigera pas sur l’Etat de droit est ainsi invité à prendre ces deux ordonnances dans les jours qui viennent au cas où le Premier Ministre Ilunga ne présentait pas sa démission. Les artisans de l’inanition de la Nation et leur Premier Ministre qui reviennent de la « Ferme » devraient y repartir pour revoir leur position, eux qui croyaient à tort que Président Félix Tshisekedi ne pouvait pas légalement mettre fin aux fonctions d’un Premier Ministre ayant oublié qu’il était à la tête d’un gouvernement de la République et non celui de son parti ou de son regroupement politique.

Prof André Mbata/Le phare

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